Je ne suis pas près d'oublier ce deuxième tome du « le Quinconce ».
John et sa mère sont obligés de se réfugier à Londres pour fuir l'armée de fourbes, de dangereux tartufes, de scélérats qui les poursuivent sans relâche. Une histoire qui débute bien avant leur naissance, qui les dépasse, et s'applique à les broyer sans pitié.
Tous veulent s'approprier ce codicille transmis par des aïeux oubliés, tombés en poussière depuis des lustres, car il réintégrerait nos deux malheureux héros dans leurs droits confisqués par ces affreux âpres aux gains.
Un simple bout de papier qui, comme un génie du mal, va les mener à leur perte. Dans ce Londres du XIXème siècle, ville de toutes les richesses et de toutes les pauvretés, ville tentaculaire, véritable ogresse, ils connaîtront la trahison, la misère, et la déchéance.
Un récit échevelé, tortueux à souhait… Une mère qui finit par s'égarer dans sa propre folie ; un gosse ravalé au rang d'un animal réduit en servitude ; des êtres chafouins et sans coeur ; des âmes brisées au milieu de ruelles sordides et malodorantes ; un bout d'espérance et de bonheur de ci de là...
Un roman fantastique et poignant qui tient en haleine de la première à la dernière page.
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Dans ce 2ème tome, nous retrouvons Johnny et sa mère à Londres dans le dénuement le plus total. Malheureusement pour eux, leur état n'était déjà pas très glorieux en quittant Melthorpe et rien ne s'arrange en arrivant à la capitale.
Ce livre est toujours aussi dur à lire car il ne respire pas la joie et il décrit bien la vie difficile des petites gens à Londres et en Angleterre au début du 20ème siècle. J'ai tout de même préféré ce tome au précédent, le rythme y est plus soutenu et il se passe beaucoup plus de choses. J'ai donc hâte de lire la suite.
En bref : à lire avec un mouchoir à la main pour essuyer ses larmes.
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A mesure que nous approchions, les rues devenaient de plus en plus miséreuses, et notre accablement de plus en plus prononcé. Une odeur prenante, nauséabonde, provenant d'une brasserie proche, envahissait tout le quartier. A chaque coin de rue je voyais un cabaret, et, dans les caniveaux, des hordes d'enfants demi-nus tendaient la main pour nous demander l'aumône sitôt qu'ils voyaient nos atours, de humbles hardes à la vérité, qui dans ce canton pouilleux attiraient l'attention. Ce qui me frappait, ce n'était pas tant les guenilles sur le dos des passants, que leurs visages livides, cireux, leur peau horriblement grêlée, et leur regard, qui chez beaucoup semblait vide, comme si ces êtres étaient frappés de stupeur. Je voyais bon nombre de nez boursouflés, d'yeux caves, et souvent nous croisions des gens à la poitrine creuse, aux épaules affaissées, aux jambes arquées.
Le coche, qui sur la grand-route avançait à tire-d'aile, donnait l'impression, maintenant qu'il roulait dans les rues de la capitale, de n'être plus qu'un monstre disgracieux et lourdaud. Constamment, nous devions nous arrêter, immobilisés par d'autres véhicules, essuyant les quolibets des cochers. Parfois, aussi, aux croisements, nous manquions de peu un piéton qui pour traverser se précipitait devant nous. La voiture me faisait songer aux canards qui nageaient avec tant de grâce sur la mare de notre village, et se dandinaient si maladroitement dès qu'ils regagnaient la berge.
Cheminant dans la rue bordée de hautes maisons cossues au coin de laquelle nous nous tenons, l'allumeur de réverbères souffle dans ses mains afin de les réchauffer, puis reprend son échelle pour se porter vers le lampadaire suivant. Et tout au long de la rue naissent ainsi de minces pointes de lumière qui s'embrasent fugacement, en un brusque éclair, pour s'apaiser dans l'instant et ne plus répandre qu'une douce lueur.
Vers la fin de l'après-midi, souvent, ma mère sortait pour se mettre en quête d'un emploi. Alors un livre entre les mains, je regardais les oiseaux sautiller sur l'avancée des toits, entre les pots des cheminées, tels de minuscules béquillards, avant de déployer leurs ailes pour prendre leur envol et s'effacer de mon champ de vision. Comme je les enviais !
Je n'ai pas loisir de conter ici toutes les aventures que j'ai vécues, ni les étranges et multiples rencontres que je fis sur la grand-route : colporteurs et mendiants, besace à l'épaule, honnêtes travailleurs itinérants, soldats regagnant leurs foyers, marins mutilés, marchands forains en marche vers la foire annuelle de quelque grosse bourgade. Toute une demi-journée, je cheminai en compagnie d'un montreur d'ours.
Kim, libraire du rayon Littérature, présente le Quinquonce de Charles Palliser paru aux éditions Libretto.