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Savas Demirel (Traducteur)Valérie Gay-Aksoy (Traducteur)Jean-François Pérouse (Traducteur)
EAN : 9782070776276
448 pages
Gallimard (10/05/2007)
3.84/5   213 notes
Résumé :

Présentation de l’éditeur
Vaste roman et vaste fresque, Istanbul constitue avant tout l’éducation sentimentale d’un écrivain dans une ville. Oran Pamuk y retrace sa vie intime dans une grande famille bourgeoise de la ville, où l’on se veut laïque et progressiste.

À travers son récit de la décomposition progressive de cette famille, qui va perdre à la fois son mode de vie traditionnel et son statut social, c’est la société stambouliote,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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D'Orhan Pamuk, Prix Nobel de Littérature 2006, je n'avais lu que La Femme aux cheveux roux, un roman que j'avais beaucoup apprécié. Mon expérience avec cet immense écrivain turc en restait là alors que le choix ne manque pas, quand je tombe sur un lot de livres « désherbés » par ma médiathèque.
Le nom de l'auteur fait tilt et je sauve aussitôt du pilon Istanbul Souvenirs d'une ville, un livre dense et illustré par de nombreuses photos dans lequel Orhan Pamuk confie ses souvenirs de jeunesse et communique surtout tout ce qu'il éprouve à propos de sa ville natale. En trente-sept chapitres denses, à l'écriture soignée, prenante, captivante – bravo aux trois traducteurs : Savas Semirel, Valérie Gay-Aksoy et Jean-François Pérouse ! – Orhan Pamuk partage son ressenti sur Istanbul et m'emmène dans quantité de rues, de quartiers qui se sont transformés, occidentalisés dans la seconde moitié du XXe siècle. L'auteur le précise bien : il écrit ce livre à la cinquantaine, en 2002-2003, à Istanbul.
Au début, c'est surtout sa famille qui tient le devant de la scène. Alors que j'ai l'impression que les Pamuk, mot qui, en turc, signifie coton, font partie des gens aisés, je constate peu à peu qu'ils sont plutôt dans la classe moyenne, une bourgeoisie qui se paie quand même domestiques, concierge, cuisinière et habite un immeuble tout entier, l'immeuble Pamuk. Au gré des fâcheries ou des aléas de la vie, la famille d'Orhan peut aller vivre dans un autre appartement puis revenir au bercail.
Orhan, né le 7 juin 1952, raconte sa petite enfance d'après ce que d'autres lui ont dit. Ce sont donc des souvenirs qui, comme tous les souvenirs, diffèrent de la réalité.
Dans cet immeuble de cinq étages, vivent plusieurs générations et Orhan ne se prive pas de se réfugier auprès de sa grand-mère paternelle. le grand-père, disparu prématurément, avait amassé une immense fortune que le père et l'oncle d'Orhan ont dilapidée en partie dans plusieurs faillites.
Il faut lire tous ces démêlés familiaux qui m'emmènent jusqu'à la discussion, la dispute finale entre Orhan et sa mère au sujet de son avenir. Mêlé à tout cela, prenant de plus en plus d'importance, c'est la découverte d'Istanbul, le retour sur le passé avec ces konaks, palais en bois qui brûlent ou s'effondrent au fil les ans.
Orhan Pamuk livre ici des descriptions soignées, précises, pleines de nostalgie, toujours réalistes d'une ville qui grandit soudain trop vite et qu'il arpente de jour comme de nuit.
Bien sûr, le Bosphore – du turc Boğaz, la gorge – tient la vedette. Que ce soit depuis la ville, en barque, en vapur ou en motor (bateau privé de taille modeste), le Bosphore est le témoin d'une civilisation somptueuse disparue.
Débutent alors les références passionnantes de l'auteur avec des peintres comme Melling qui représente Constantinople en 1819. C'est dans ces quarante-huit gravures qu'Orhan Pamuk retrouve tous ses souvenirs d'enfance. Lorsque l'auteur sera dans sa période de peinture, il fera allusion à Utrillo, à Matisse, à Bonnard.
Dans ce tableau complet de la vie des Stambouliotes, Orhan Pamuk met en exergue ce fameux hüzün, sentiment à la fois négatif et positif, sorte de mélancolie, de tristesse proche de la dépression.
C'est le moment, pour l'auteur, de sortir de l'oubli quatre écrivains du hüzün : Abdüllak Şinasi Hisar (mémorialiste), Yahya Kemal (poète), Ahmet Hamdi Tanpınar (romancier) et Reşat Ekrem Koçu (journaliste et écrivain, auteur de la fameuse Encyclopédie d'Istanbul). Tous les quatre émerveillés par la littérature française, ils ont joué un rôle important mais sont morts seuls, jamais mariés, sans enfant. Orhan Pamuk leur ajoute Ahmet Rasim et les autres épistoliers urbains, pleins de joie de vivre, qui ont écrit sur la ville et la vie de ses habitants.
Avec les auteurs du cru, ce sont Gérard de Nerval et Théophile Gautier qui retiennent l'attention de l'auteur. Il réalise une belle et complète évocation de ces deux écrivains français qui ont séjourné dans sa ville. Il évoque aussi plus loin Pierre Loti et André Gide. le premier regrette l'occidentalisation des Stambouliotes alors que le second n'est pas turcophile. Que de références littéraires ! C'est savoureux !
Quand il revient à lui, l'auteur se confie avec beaucoup de spontanéité et de franchise, détaillant ses sentiments à propos de la religion, parlant de son éveil au sexe et de son amour pour celle qu'il nomme Rose Noire.
Istanbul Souvenirs d'une ville est une introspection poussée, une visite passionnante de l'ancienne Byzance, visite que beaucoup aimeraient accomplir avec Orhan Pamuk comme guide parce que différente des circuits touristiques. C'est une lecture riche en enseignements, une lecture captivante de bout en bout.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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C'est un des ces livres qui me réconcilie avec la Littérature, la vraie. Ohran Pamuk revient ici sur sa vie qu'il entrecroise avec celle de sa ville natale. Istanbul fait partie de lui-même, est indissociable de son Être. Curieux destin que celui de cette cité. Comme il y revient souvent, Istanbul souffre de deux maux qu'il analyse dans son livre : Être à la charnière entre l'Orient et l'Occident, et entre deux régimes, la chute de l'Empire Ottoman et la naissance d'une République autoritaire. Passer de capitale flamboyante à une ville provinciale décadente, se cherchant un avenir. Pamuk n'est pas tendre non plus avec lui-même. Il ne cache rien de sa jeunesse relativement dorée, issue d'une famille bourgeoise mais décadente aussi, à l'image de la ville. Sans arrêt, ses questionnements d'enfant, d'adolescent, d'adulte, se font à l'aune de cette ville, se cherchant elle-aussi un avenir, plutôt tourné vers une occidentalisation outrancière.
Ses contemplations du Bosphore et ses errances à travers les rues poussiéreuses dont les vestiges du passé s'écroulent les uns après les autres, nourrissent ses propres questionnements sur son être et son devenir, à la recherche d'une cohérence, d'un sens qu'il pourrait donner à sa vie.
On sait, nous, lecteurs, qu'il la trouvera, cette cohérence, grâce à cette ville.
Il faut aussi parler des nombreuses photos qui accompagnent le texte. Photos souvent très originales d'une ville qui se transforme et provoque ce sentiment de « hüzün », mélancolie et tristesse qui s'en dégage.
Istanbul ne laisse pas indifférent. Il faut, comme l'auteur, arpenter ses ruelles, à toute heure, contempler, s'asseoir à la terrasse d'un café, et observer la vie qui émane de cette ville, qui retrouve de plus en plus sa place, il me semble, à la jonction de deux mondes en pleine évolution.
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Ceci est une critique 100% élogieuse d'un livre que je n'ai pas encore fini mais qui me bouleverse à chaque ligne.
Je suis tombée amoureuse d'Istanbul lors d'un premier voyage, après avoir accompli un long périple d'au moins 2000 km à bord d'une 403 plus vieille que moi et qui ne dépassait pas le 80 à l'heure.
Istanbul, sa lumière, ses paysages, ses habitants, tout m'a éblouie.
Quand je lis le portrait que fait Orhan Pamuk, à travers ses souvenirs personnels, ses délicates photos sépia, ses descriptions qui s'allongent comme un poème en prose interminable, je ressens toute son émotion, sa tendresse, sa tristesse et son amour pour un lieu incomparable.
Istanbul s'inscrit dans l'espace mais le temps y est palpable, la culture qui s'est accumulée depuis des siècles est présente partout.
Istanbul est l'antithèse d'une ville moderne, elle a trop de mémoire, trop de pudeur et trop de fierté pour vouloir être occidentale.
Elle est belle sans chercher à nous plaire.
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En 2002 Orhan Pamuk a publié un roman de 546 pages dédié à son père, ou il conte sa saga familiale, son apprentissage de la vie, son éducation sentimentale, son exploration géographique d' Istanbul et la mélancolie, la tristesse qui ont jalonné ses années à la recherche de son identité !
Byzance ( VII ième siècle av J.C ) devint Constantinople puis fut incorporée à l'empire ottoman ( 1453 ) par Mehmed II pour devenir officiellement en 1930 : Istanbul sous la présidence de Mustafa Kemal Atatürk ! Et, ce dernier va occidentaliser la ville, faire d'Ankara la capitale de la Turquie moderne et accueillir de nouveaux riches avides de profits ...C'est précisément à cause de cette double culture orientale du passé et la nouvelle que Pamuk est mélancolique, triste et tente au travers de ses déambulations, de ses photos et celles d'autres amoureux d'Istanbul de retrouver la grandeur de sa ville..
Il vit avec sa famille et alliés dans la maison Pamuk mais si le grand-père a fait fortune : ses fils dont le père d'Orhan, ingénieur dilapident les biens et ils sont obligés de déménager dans un modeste appartement, de mener une vie plus simple alors que les nouveaux riches qui n'ont pas le passé prestigieux des stambouliotes d'origine se désintéressent de la partie ancienne, et délaissent les "yalt ", les " konak " en bois, n'apprécient plus comme lui les promenades le long du Bosphore, ni les "vapür" qui sillonnent le Détroit.
Il cherche à s'identifier à des écrivains célèbres qui ont aimé sa ville : tel Nerval, Gautier, Flaubert , à comprendre leur approche romantique de ce " folklore " oriental !
Orhan se cherche dans la peinture qu'il abandonnera, dans la photo en noir et blanc, puis dans ses 2 années d"école d'architecture pour se lancer dans l'écriture ! ! !
En effet, Il recevra le Prix Nobel de littérature en 2006 qui confirmera qu'il est le plus grand écrivain de culture musulmane, un homme qui s'est engagé pour la liberté d'expression, pour défendre les Kurdes massacrés et soutenir la cause Arménienne que son gouvernement ne veut pas reconnaître comme un génocide !
Un roman sombre comme le " hürzün " de Pamuk , une vie en noir et blanc comme la perception qu'il a de son enfance, de sa ville, une vie tourmentée par les disputes de ses parents, par son imagination débordante dans l'obscurité de la maison, par ses craintes et sa " fainéantise " naturelle !
L.C thématique de décembre 2022 : littérature étrangère ( hors celle de l'Europe ).
Challenge ABC 2022/2023
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Istanbul, souvenirs d'une ville - Orhan Pamuk
Folio ISBN 978-2-07-035860-1 (Edition novembre 2017)


On pouvait s'en douter un peu, dans « Istanbul, souvenirs d'une ville », Orhan Pamuk évoque avant tout ses souvenirs d'enfance : « ….. toute parole relative aux qualités générales, à l'esprit ou bien à la singularité d'une ville se transforme en discours indirect sur notre propre vie, et même plus sur notre propre état mental. Il n'est pas d'autre centre de la ville que nous-mêmes » (p512).
La tristesse, la mélancolie, l'hüzün (équivalent turc du spleen, chapitre 10, p137)) imprègnent ces pages consacrées à son enfance, comme semble-t-il, une large partie de son oeuvre.
Cet état d'âme est dans un premier temps lié à la prise de conscience de la perte d'influence de la ville depuis la chute de l'empire ottoman (en 1922, conséquence indirecte de la première guerre mondiale). Celle qui à l'époque était encore Constantinople, n'est plus la deuxième Rome, elle n'est même plus la capitale du nouvel Etat turc qui devient Ankara. Depuis 1930, Constantinople s'appelle Istanbul, abandonnant ainsi son appellation d'origine latine l'associant à Constantin, pour devenir Istanbul et gommer en quelque sorte ses origines européennes.
Etre stambouliote, c'est être perpétuellement dans l'ambivalence géographique entre l'Europe et l'Asie (l'Orient). Ce tiraillement entre deux continents, entre deux cultures, entre deux rives d'une même ville est un thème majeur de cet ouvrage qui révèle le conflit intérieur que vit Orhan Pamuk, par ses origines familiales pro-occidentales et sa religion musulmane.
Il existe toutefois un élément emblématique et fédérateur (historique et géographique) de cette ville, il s'agit du Bosphore : « face au parfum de défaite, d'effondrement, d'humiliation, de tristesse et de dénuement qui pourrit insidieusement la ville, le Bosphore est profondément associé en moi aux sentiments d'attachement à la vie, d'enthousiasme de vivre et de bonheur » (p81). Lieu de l'activité marchande ou touristique, localisation d'où l'on voit, en bateau, défiler tout Istanbul, aboutissement de principales rues de la ville, le Bosphore « s'inscrit dans la continuité » (p95) et donne à Istanbul une identité que l'histoire lui refuse.
Le Bosphore, ce sont ces bateaux de tailles et de formes diverses, venant d'on ne sait d'où, pour se diriger on ne sait vers quoi. Ce sont ces « vapur » si familiers qui cabotent entre ses rives en crachotant leur noire fumée ou ces bâtiments de guerre toujours menaçants ou bien encore ces accidents spectaculaires entre bateaux qui incrustent dans la mémoire des stambouliotes un repère temporel des plus précis.
Quels que furent ces lieux d'habitation et ses activités, Orhan Pamuk a toujours eu le Bosphore en aimant de sa boussole interne. Tout l'y conduit, jamais il ne l'oublie. Cet élément liquide toujours changeant est ce qui au final est le plus stable à Istanbul, et qui donne à la ville sa plus forte identité.
Pour autant, Orhan Pamuk n'oublie pas de nous promener sur les sites les plus connus comme dans les quartiers souvent ignorés, dans les cimetières, les églises et les mosquées, sur les places, les ponts ou les ruelles encombrées, dans le dédale des rues vers les échoppes des artisans.
C'est la promesse tenue du titre de son ouvrage. Deux remarques pour autant.
Il faut se munir d'une carte pour suivre ces déambulations qu'Orhan Pamuk a pu faire dans toutes conditions et circonstances : en famille, seul avec son père ou sa mère, en allant à l'école ou en « séchant » ses cours d'architecture. Déambulations de jour comme de nuit (ces dernières étant souvent liées à un moment de révolte contre sa famille, l'université, …et bien d'autres sujets encore, c'est-à-dire la société dans son ensemble) dont il rentrait pour regagner sa chambre, épuisé, et trouver enfin le repos.
La deuxième remarque concerne un aspect graphique. L'éditeur ( ?) a retenu l'alphabet turc pour évoquer tous ces noms de lieux, de monuments … cela est probablement parfaitement exact localement, mais n'en facilite en rien la lecture et/ou la prononciation et moins encore la mémorisation, à cause des caractères absents de notre alphabet (bien sûr ce n'est qu'un détail, mais imaginerait-on la traduction d'oeuvres chinoises, japonaises qui conserverait la forme locale du nom des lieux ?).
Au-delà de ces remarques un peu secondaires, le thème majeur de cet ouvrage outre la description de la ville concerne Orhan Pamuk et la métamorphose qui le mène de sa naissance à la fin de son adolescence. On vit, en premier lieu, cette métamorphose au travers des relations qu'il a avec sa famille en général mais plus particulièrement avec son père et sa mère.
Orhan Pamuk dédie Istanbul, souvenirs d'une ville à son père qui vient de mourir lorsqu'il termine l'écriture de l'ouvrage qui se clôt par une longue évocation des conversations qu'il a avec sa mère. Tous deux, ses parents sont, sur des aspects bien différents, les pôles majeurs de sa chrysalide. Ils forment le point d'orgue qui accompagne, par touches successives, les évolutions du jeune Orhan dans cette ville qui en est le berceau. L'état d'esprit du jeune Orhan est souvent perçu en réaction au climat dans lequel évoluaient les relations de ses parents : les moments de joie lors des promenades en voiture du dimanche matin sur les rives du Bosphore, mais aussi le repliement sur soi, conséquence des disputes qui commençaient souvent à table, ou la solitude liée à la disparition, temporaire et inexpliquée, de son père ou de sa mère. Leurs mésententes, les absences répétées de ce couple du cercle familial, n'ont en rien entamé de la sincère dévotion filiale d'Orhan à l'égard de ses parents.
Et le cercle familial comportait de nombreuses autres personnes. La figure tutélaire du grand-père paternel imprègne de nombreuses réflexions. Un chapitre entier est consacré à la grand-mère paternelle devenue « la patronne » (p173) de cette grande famille après le décès de son époux. Oncles, tantes …..marquent de leur présence le tissu des relations et alliances entre les uns et les autres dans l'immeuble Pamuk. Enfin on ne peut oublier le frère ainé d'Orhan. Leurs relations sont assez classiques dans une telle fratrie : disputes et attention réciproque en sont la caractéristique.
Au travers de toutes ces personnes, et la vision que nous en restitue Orhan Pamuk, on voit vivre une famille stambouliote, aisée, pro-occidentale dans le courant du XXème siècle. L'école, Dieu et la religion, le plaisir de dessiner, les premiers émois amoureux, Orhan Pamuk les insère dans l'approfondissement de son attachement à sa ville.
Un autre thème irrigue cet ouvrage. Il s'agit « des riches ». Là aussi, Orhan Pamuk leur consacre un chapitre spécifique (p280). Pourquoi ce thème ? N'y aurait-il pas ici une correspondance entre Istanbul et la situation familiale ? Son père (et son oncle) n'a pas su perpétuer l'opulence créée par le grand-père (« qui avait réussi à constituer une fortune considérable » p 173). de son côté, la richesse d'Istanbul, son passé prestigieux sont, au cours de ce XXème siècle en train de disparaitre comme disparaissent dans les flammes les « yali » qui bordaient les rives du Bosphore.
Mais « les riches » que stigmatise Orhan Pamuk, ce sont aussi ces Stambouliotes qui veulent se distinguer des autres Turcs y compris ceux qui, venant d'autres provinces, ont pu accéder à l'aisance financière, sans être imprégnés d'Istanbul et de son passé.
Ce qui est plus surprenant encore, c'est d'associer un peu systématiquement à la richesse des origines toujours troubles, voire amorales (« derrière la fortune […], il y avait les queues et les disettes de la Seconde Guerre Mondiale » – p 284). de plus, « leur richesse n'étant fondée sur aucune activité intellectuelle, [les riches] n'avaient que peu d'intérêt pour les livres et l'étude (p284). Il y a là, sans être à exclure, une vision superficielle et réductrice de la réalité, probablement liée à la jeunesse de l'observateur. Ce n'est qu'à la faveur d'une remarque de son père que les riches sont quelque peu rétablis dans leur réalité surement plus complexe que perçue par le jeune Orhan : « …. mon père me coupait soigneusement la parole……il s'empressait de dire qu'en réalité, la femme dont je parlais avait très bon coeur, et que c'était une fille très bien intentionnée, et que je comprendrais très bien si je la connaissais mieux.»(p297).
Mais peut-être qu'Orhan Pamuk développe un tel ressentiment à l'égard des « riches » pour des raisons plus personnelles encore : « Cette inégalité (entre les riches et sa famille), je la sentais dans le fait que quelqu'un écorche le nom de mon père ou croie que mon grand-père était agriculteur de province » (p289). de même, le riche père de « Rose Noire », son premier amour, réussit à mettre fin à cette relation en envoyant sa fille poursuivre ses études en Suisse pour la séparer du « peintre bohème » qu'était à l'époque Orhan (p489).
On peut comprendre la rébellion d'une jeune pousse face à la société établie. La réduire aux seuls riches est une réaction simple, même si elle n'est pas sans fondement. Est-ce pour autant une caractéristique d'Istanbul ? Bien d'autres lieux, bien d'autres époques permettraient également de développer une telle réaction.
Terminons cette note de lecture en évoquant un des procédés littéraires retenus par Orhan Pamuk pour donner une large vision d'Istanbul. L'auteur reprend et commente de nombreux artistes, peintres, écrivains, poètes, cinéastes, photographes qui dans leur oeuvre ont traité d'Istanbul. Sans être très original, ce procédé ne manque pas d'intérêt lorsqu'il s'agit de photos d'époque qui donnent un complément visuel à la description des lieux qui en est faite. Mais on pourra aussi remarquer que ce procédé allonge considérablement le texte et peut à certains égards égarer le lecteur dans des considérations parfois éloignées du sujet ou créer des redites n'apportant pas de nuances particulières. Mais n'est-ce pas là une des caractéristiques du style de l'auteur : de longues phrases, un sujet très documenté, un intellectualisme certain ?
RB
16/08/2018

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critiques presse (2)
LeFigaro
20 septembre 2017
Le Prix Nobel turc publie un nouveau roman sur Istanbul, son passé et ses multiples métamorphoses.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Lexpress
04 septembre 2017
Dans son nouvel ouvrage, Orhan Pamuk dresse le portrait enchanté d'Istanbul, une métropole mondialisée semblant hésiter entre Orient et Occident.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (58) Voir plus Ajouter une citation
Aussi dois-je avouer que, hormis les belles femmes comme ma mère, je n’aimais pas plus que ça les adultes. Ils étaient laids, poilus et grossiers. Ils étaient par trop lourdauds, pesants et réalistes. Ils avaient bien vu à une époque qu’il existait un monde parallèle au sein de ce monde, mais ils avaient perdu leurs facultés de s’étonner et d’imaginer.
(page 39)
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Détruire, brûler, ériger à la place un immeuble « occidental, moderne » est aussi une manière d’oublier. Tout ce désintérêt et toutes ces destructions, en définitive, accroissent le sentiment de hüzün en lui ajoutant le ton de la vanité et de la misère. Le sentiment de hüzün que développe la souffrance de la destruction, de la perte et de la pauvreté prépare les Stambouliotes à de nouvelles défaites et à d’autres formes de pauvreté.
(page 128)
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Ainsi Ahmet Rasim a-t-il écrit sans relâche pendant un demi-siècle, tous les aspects d’Istanbul : des différents types de soûlards aux vendeurs de rue des faubourgs, des épiciers aux saltimbanques, des musiciens aux mendiants, de la beauté des quartiers au bord du Bosphore aux meyhane, des faits divers aux questions financières, des lieux de divertissement, d’agrément et des parcs aux marchés et bazars, des charmes singuliers de chaque saison aux foules, des amusements comme les boules de neige ou la luge à l’histoire de la presse, des racontars aux menus des restaurants.
(pages 167-168)
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Contempler les panoramas de la ville en marchant dans la rue ou en se promenant en bateau, c’est faire fusionner ce qu’on voit avec les sentiments que procure Istanbul ; mais observer en se promenant les perspectives d’une rue ce n’est pas seulement ça, c’est en même temps pouvoir faire coïncider l’état d’esprit dans lequel vous vous trouvez avec les vues que vous offre la ville.
(pages 411-412)
Commenter  J’apprécie          310
Cependant, ce qui est important pour un peintre, ce n’est pas la réalité des objets, mais leurs formes, pour un romancier, pas la chronologie des événements, mais leur articulation, et pour un écrivain qui écrit ses souvenirs, ce qui importe, ce n’est pas la réalité du passé, mais sa symétrie.
(page 351)
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Videos de Orhan Pamuk (17) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Orhan Pamuk
Le nouveau roman "Les Nuits de la Peste" de l'écrivain turc Orhan Pamuk se présente comme le théâtre d'une grande fresque historique qui résonne avec l'actualité. La pandémie mondiale est venue donner une actualité poignante au roman qu'il écrivait depuis trois ans.
Son récit mêlant fiction et réalité raconte les ravages une épidémie de peste dans l'île fictive de Mingher en 1901, contrée de l'Empire Ottoman en déclin. Un livre à la croisée des chemins et des genres. Roman historique, roman d'amour et roman politique, ce livre vient interroger notre rapport à la fiction et au réel, l'imaginaire se mélangeant au réel, et le romanesque à l'historique. La véritable prouesse d'Orhan Pamuk consiste à jouer avec les codes de la fiction et à rendre la frontière poreuse entre l'histoire et la grande Histoire. Au milieu de ce drame humain et politique, l'amour est un refuge pour ceux qui se battent contre l'épidémie.
Orhan Pamuk nous livre une réflexion sur le pouvoir et la liberté, à l'heure où s'amorcent le délitement de l'Empire Ottoman et les conflits de succession entre sultans.
#roman #orhanpamuk #franceculture _____________
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