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Critique de Lismonde


Livre absolument fascinant, pour qui s'interroge sur la représentation du monde, les affrontements qu'elle peut susciter entre différentes orientations esthétiques et donc entre les enjeux philosophiques et politiques qui les sous-tendent. Il ne faut jamais l'oublier en regardant un tableau.
(C'est l'un de mes grands sujets d'exploration depuis des années - émissions à France-Culture, articles, livres).

En octobre 2012, invité spécial au Louvre, Pamuk a expliqué comment il avait longtemps tourné autour du sujet avant de découvrir ce qui pouvait en conduire le fil - il s'est alors plongé dans l'histoire des miniatures persanes, mal connue en Occident.. Et il a développé une trame romanesque, poignante souvent haletante même.

L'action de "Mon nom est Rouge" se situe à Istambul, durant l'hiver 1591 où neige couvre la Corne d'Or. Par contraste, un personnage appelé le Noir enquête pour retrouver l'assassin de Monsieur Délicat, un miniaturiste du Sultan. Combat des couleurs fondamentales
Au tout début du roman, le cadavre de Monsieur Délicat se plaint car il gît au fond d'un puits et aspire à une sépulture.

On découvre peu à peu l'affrontement entre deux visions du monde dans l'Empire ottoman de la fin du XVIème siècle.
En digne successeur du grand Soliman le Magnifique, pour manifester que rien au monde ne lui est inconnu, le Sultan d'alors charge ses miniaturistes d'introduire la technique italienne de la perspective dans l'illustration d'un livre. Or, chez les gardiens des traditions picturales de l'Empire ottoman, cette intrusion de la perspective propre à l'Occident suscite une opposition farouche, au besoin, le crime. On ne plaisante pas avec les codes et les lois qui régissent la représentation, car il s'agit toujours de « rendre visible l'invisible ».
Vaste question.

Et Pamuk met en scène le Rouge en personne: la couleur s'interroge sur elle-même. le Rouge s'avance tel un vrai tourbillon, la vivacité même, s'enivrant de l'énumération vertigineuse des manifestations de sa présence, un peu partout, sur les somptueux atours, « les bannières des assaillants, les épées merveilleuses, les nappes de festin, les tapis indiens, les frises des bas relief, les fins liserés autour des miniatures, sur les grenades et les fruits de pays fabuleux, les nez frappés d'insolation, les aurores aux doigts de rose, les ailes des anges, les lèvres de femmes, les plaies de cadavres et les têtes coupées"
J'ai adoré ce livre dont j'ai publié un extrait dans mon anthologie "Le Goût du Rouge" (Mercure de France fév. 2013). Je reprends d'ailleurs ici une partie de ma présentation,
Rappel de l'ensemble :
http://www.mercuredefrance.fr/livre-Le_go%C3%83%C2%BBt_du_rouge-2201-1-1-0-1.html

Pour le centenaire de la mort de Rimbaud (1991), j'avais composé pour F.Culture une série d'émissions autour de son célèbre poème des "Voyelles" . Ce fut pour moi le point de départ d'une grande exploration de l'histoire picturale, symbolique et culturelle des couleurs -
J'y suis toujours plongée.

Au fil des critiques fort intéressantes des lecteurs de Babelio sur ce livre de Pamuk, je conseille aussi le point de vue de Sylvain Maresca que j'ai découvert sur son blog culture visuelle (cf le lien

Lien : http://culturevisuelle.org/v..
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