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Citations sur La montagne (12)

... il était un combattant de l’autre bord, au cœur inaccessible ; juste peut-être — au moment où son regard se voilait un peu — cette forme de tristesse qu’avaient parfois les vainqueurs quand ils se demandaient si ça valait la peine d’être allé aussi loin dans la guerre, en sacrifiant même des enfants ; ...
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La ville s'éloignait. Je me retournais pour voir la montagne; on ne la distinguait pas vraiment : la vitre arrière était pleine de poussière et de larmes; la montagne était là, pourtant, pendant des kilomètres, même quand on roulait dans une autre plaine, qu'on passait dans une autre région; je la verrais de la mer, du pont du bateau à travers les feux, le halo des derniers incendies des champs, des entrepôts et des maisons qu'on avait préféré détruire en partant, dans l'emportement, la politique de la terre brûlée.
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Je n’avais pas vu arriver le garçon arabe qui rôdait, avec ses sandales cassées, ses genoux pleins de terre et, dans ses yeux, trop de bonté pour céder, se rappeler l’hostilité qu’on lui commandait tout autour (…) en tenant dans ses bras le petit fennec tout chaud, à peine mouillé, qui venait de la montagne, comme s’il avait échappé à tout – aux roues des camions, aux pas des soldats, aux colères de la foule, aux pierres lancées pour rien. On le tenait ensemble quand je descendais de la bicyclette. On aurait dit que c’était la Paix qui l’envoyait vers nous, comme s’il était seul dans le pays à être doux, à ne pas opposer de résistance, à se laisser caresser, emmener sans avoir peur, ne pas se soucier à qui il appartenait. Le garçon était prêt à me le donner ; mais non, c’était lui qui devait l’emporter, il lui tiendrait compagnie, il le garderait tout contre lui si jamais on l’emmenait une nuit dans le camp de Lambèse, dont on devinait déjà les miradors, avec ces autres enfants, les petits yaouleds , loin de leurs pères parqués ailleurs, qui ne savaient pas, parfois, qu’ils avaient été embarqués avec eux dans la rafle du soir, qu’ils avaient été obligés, à un moment, de lâcher leur main, tant c’était rapide, désordonné ; (…)
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C'était une après-midi calme de juin - on se serait cru en temps de paix, les attentats avaient cessé depuis quelque temps, on ne parlait plus que d'"incidents" ici ou là, on se méfiait moins, on repartait se promener hors de la ville; mes camarades étaient montés devant moi dans la camionnette de la minoterie; le frère du chauffeur habituel, profitant du désert de la cour de l'usine à deux heures, du repos des ouvriers, de l'absence des contremaîtres, leur proposait de faire un tour, là-bas, dans la montagne qui nous était pourtant interdite, là où il y avait, croyaient-ils, des ravins pleins de scarabées et de trésors enfouis de guerriers; ils étaient si heureux en s'asseyant ensemble sur la plate-forme, n'osaient pas trop rire de peur qu'on ne s'aperçoive de leur départ secret, se moquaient presque de moi, qui avais préféré rester - ils se disaient que j'étais un rêveur plutôt qu'un casse-cou - pour attendre l'employé de la minoterie qui viendrait peut-être me rejoindre, comme d'autres après-midi, au fond de l'entrepôt des grains.
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"[...] je laissais passer toutes les occasions d'y retourner, comme si j'avais peur, en me confrontant aux lieux du passé, de perdre ce qui me restait d'imaginaire, ce qui me permettait de tout réinventer."
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Il y avait de plus en plus de haine -- cette haine qui circulait partout, n'avait même plus besoin de slogan, de prétexte, d'étincelle pour s'exercer.
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Je passais devant l'église, mais cela me faisait si mal encore - je ne voulais pas me souvenir du jour de la cérémonie, que j'avais enseveli en moi, juste le banc devant moi, la brume de larmes, de peine et de révolte que rien ne pouvait atténuer, transformer en pardon; je n'aimais plus Dieu, je n'allais plus au catéchisme, j'avais mis de côté pour toujours le missel; qu'est-ce-que ça voulait dire, la résurrection, les miracles? Ce Fils qui soit-disant était venu sauver le monde et avait oublié l'Algérie, n'avait pas secouru mes petits camarades qui avaient à peine eu le temps de commettre et de confesser quelques péchés véniels.
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Je ne dormais plus. Je restais, la nuit, devant la fenêtre. C'était le couvre-feu, le noir absolu dès neuf heures. Et puis, peu à peu, montait la rumeur des rafles qui reprenaient, se multipliaient comme si on savait qu'on n'avait pas trouvé le vrai coupable, qu'il y avait des dizaines de complices de l'assassinat de mes petits camarades qui se cachaient toujours en ville ou dans la montagne.
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(...) jusqu'à ce qu'on vienne les chercher pour la cérémonie, alignés sur le côté de la place, un peu bercés par le sirocco, le flottement de tous les drapeaux, les discours qui voulaient donner une ampleur tricolore à leur chagrin, les sommaient d'être fiers, de croire en la vertu et en la suprématie de la Nation; tant de mots, d'honneurs qui étaient censés les éblouir, les apaiser, en leur donnant un rôle dans l'histoire de leur pays, mais qui n'atteignaient pas le fond de leur peine, juste quelques secondes d'un orgueil plein de larmes au moment où était cité, à son tour, le nom adoré; puis c'était le silence absolu sur l'esplanade; le clairon sonnait si haut, si longtemps, si loin; ce n'était pas possible que ce fût le souffle d'un seul homme (...)
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(… Il y aurait les premiers appels presque heureux pour Ghardaïa, Laghouat ou El Goléa, comme s’il ne pouvait pas y avoir de sang dans les dunes, de café ou de magasin détruit dans les villes très blanches, presque vides et sans arcades – là où il n’y avait pas de montagne, ou alors très loin, encore plus au sud – c’était vraiment la paix, ça ne s’appelait plus l’Algérie.
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