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Critique de Soleney


Étrangement, j'ai éprouvé plus de plaisir à lire ce tome que le premier de la série, alors que quand j'étais ado, c'était l'inverse.

L'Aîné est pourtant beaucoup moins actif qu'Eragon. Concrètement, le héros passe la première partie à voyager en barque, la deuxième à peaufiner son apprentissage à Ellesméra, et la troisième à préparer une bataille. Forcément, ça vend moins de rêve que :
1. Découvrir qu'on est Dragonnier ;
2. Quitter le village où on a vécu et la vie qu'on a mené pour poursuivre les assassins de son oncle en compagnie d'un mentor mystérieux ;
3. Sauver la plus belle femme du monde parce qu'elle le vaut bien ;
4. Rallier les Vardens aussi vite que possible en compagnie d'un allié douteux alors qu'on a des Kulls aux trousses ;
5. Se battre aux côtés des rebelles contre Galbatorix.
Et cependant, ce deuxième volet est quand même très intéressant. D'une part parce qu'on découvre la société elfique – et j'ai adoré ces passages, c'est comme si je les lisais pour la première fois ! D'autre part parce que le combat que mène Roran est riche en péripéties. Alors qu'avant les chapitres qui lui étaient consacrés n'étaient pour moi qu'un obstacle à la lecture des aventures de son cousin, ils sont désormais presque d'égale qualité à mes yeux. L'auteur a vu grand, et je trouve son parcours presque plus impressionnant que celui de notre héros. Non seulement il n'a aucune aide extérieure (aucun professeur pour le guider, aucun dragon pour le soutenir), mais en plus, il prend sur lui la responsabilité de la survie de tout Carvahall. On voit que ça lui tient à coeur, qu'il a très peur d'échouer parce que ça signifierait la mort pour tous ceux qui ont eu confiance en lui. Par conséquent, il est sans cesse sur la corde raide, et ça en fait un personnage plus riche que le Eragon du tome 1.
La légende raconte que du sang de roi coulerait dans les veines des habitants de la vallée de Palancar. Je ne serai pas surprise que Roran soit de cette lignée : il a l'étoffe de Druss la Légende. La seule ombre au tableau, c'est l'Amour Parfait qu'il vit avec Katerina.

Dernier détail : Saphira découvre les limites de sa sagesse, et plutôt brutalement. Elle qui n'a même pas un an est, comme Hermione Granger, la petite miss-je-sais-tout toujours raisonnable. Et c'est très frustrant. Dans L'Aîné, c'est la première fois qu'Eragon se voit obligé de jouer le rôle de conscience morale – louable revanche.

Toutefois, il y a quelques détails que j'ai du mal à avaler dans cette histoire, et notamment la cruauté de Galbatorix. Je ne comprends pas pourquoi il laisse mourir son peuple de faim/de misère/de souffrance et le baigne dans l'injustice. Quel intérêt de tuer ses gens et de s'attirer leur haine ? le soulèvement n'est-il pas la pire chose qui puisse arriver à un monarque ? C'est le Méchant : il n'y a rien de bon en lui, tout ce qu'il fait est dans l'optique d'attirer le malheur des autres – même si cela ne le rend pas heureux. C'est terrible, un personnage aussi manichéen…
L'obsession d'Eragon pour Arya est très irritante, et ses tentatives d'approches – aussi délicates qu'un taureau en pleine charge – me font prendre la jeune elfe en pitié. Je pense aux lourdauds qui accostent les jeunes filles dans la rue. Sans être du même niveau, le Dragonnier use du même ressort : l'insistance, envers et contre tout bon sens. Une fois, ça va. Deux, passe encore. Mais trois… Les circonstances atténuantes n'excusent pas tout, messieurs. Alors certes, il n'a que seize ans, et à cet âge-là, le moindre béguin revêt des allures de Grande Passion. Mais il n'est pas non plus supposé être au même stade d'évolution que nos ados à nous. Il a tué, il a dû fuir de chez lui, il a la responsabilité de la survie de tous les habitants de son continent sur les épaules (!) et il est voué à tuer un ennemi tout-puissant que la plupart des hommes considèrent comme invincible. Ça ne fait pas mûrir et relativiser, ça ? Ah, et il est viscéralement lié à un être mythique dont la sagesse est millénaire – la plupart du temps.
Aussi, j'ai trouvé totalement incohérent le fait que l'auteur fasse voir une parcelle de l'avenir à son héros – d'autant qu'il explique ensuite que c'est absolument impossible. Comment justifier les visions, alors ? Et comment expliquer le fait qu'elles ne reviennent plus après le passage qu'elles montrent ? Pourquoi c'était CE moment que voyait Eragon ? D'autres ne sont-ils pas plus importants ?
Par ailleurs, quand Eragon arrive chez les elfes, il est dit qu'il ne mangea que des fruits et légumes. D'après ce qu'on nous raconte, il semblerait que ce soit essentiellement des fruits à croquer et des légumes cuits. Pas de céréales, pas de tubercules, pas de jeunes pousses, pas de légumineuses… de ces plantes, ils ne font pas d'huiles, pas de pâtes (sauf la noisette, pour remplacer le beurre), pas de plats élaborés. Les elfes vivent éternellement dans la forêt, ils maitrisent la magie, ce qui leur donne beaucoup de temps libre, et n'innovent pas dans l'art culinaire ? Normalement, Eragon ne devrait même pas remarquer qu'il ne mange pas du tout de viande, tant les plats devraient être variés et goûtus. Il y a tellement plus de variétés de plantes que de variétés de viandes ! Honnêtement, c'est quand je suis devenue végétarienne que j'ai commencé à m'éclater en cuisine, en mariant des saveurs nouvelles, en osant des mélanges auxquels je n'aurais jamais pensé avant. Le manque de viande m'est passé très rapidement.
D'ailleurs, en parlant des elfes, c'est normal qu'il n'y ait que deux couleurs de cheveux chez eux ? Leurs chevelures sont soit aussi noires que les ailes d'un corbeau, soit argentées. Pas de blonds, pas de roux, pas de châtains – de bleu, de vert, de violet… – pas de boucles, ou même d'ondulations. Ça fait terriblement stéréotypé. C'est étonnant, parce d'un autre côté certains énergumènes veulent se démarquer en adoptant une apparence à demi-animale ou à demi-végétale. Tout ou rien. Deux extrêmes.
Et puis, je crois que l'auteur s'est un peu mélangé avec le concept de la durée de vie des Dragonniers humains. Dans le premier tome, Eragon découvre qu'il y a déjà eu quelques unions entre ces derniers et les elfes, mais que ça ne finissait jamais bien parce que les uns vieillissaient et mourraient quand les autres étaient immortels. Durant son apprentissage à Ellesméra, Oromis lui apprend qu'il vivra pourtant éternellement – et que c'est le statut de Dragonnier de Galbatorix qui empêche les rebelles d'espérer le voir mourir naturellement. Par ailleurs, j'ai eu le temps de commencer Brisingr, et le héros affirme à Roran qu'il est immortel, non à cause de l'Agaetí Sänghren, mais parce qu'il est un Dragonnier. Alors comment se fait-il que Brom soit vieux ? Il vieillit très lentement, mais tout de même, cela signifie qu'il ne peut être éternel. Est-ce parce que sa dragonne est morte ?
Et pour finir, j'ai été surprise de constater que les étoiles d'Alagaësia sont les mêmes que les nôtres. Oui, Roran, dans les premiers chapitres qui lui sont consacrés, prétend voir la Voie Lactée qui s'étend d'un bout à l'autre du ciel. Vous imaginez ? Cela implique qu'elle ait le même nom que dans notre monde ! Sachant que son appellation dérive de la mythologie grecque, cela devrait théoriquement être impossible. À moins que (attention, théories fumeuses !) notre civilisation soit morte, qu'on ait frôlé la catastrophe planétaire et que l'Alagaësia soit née de nos cendres des milliers d'années après. Les ondes radioactives de nos déchets auraient créé des mutations chez certains êtres, les dotant de la capacité à utiliser la magie. du coup, ils auraient gardé certaines choses de notre culture, comme l'anglais – qui serait devenu l'ancien langage à force de transformations – ou le nom des étoiles, ou encore les méthodes de fabrication des armures, épées, lances. Le Peuple Gris pourrait d'ailleurs être les derniers descendants de notre lignée, puisqu'ils sont beaucoup plus vieux que les elfes eux-mêmes et que leur nom, peu flatteur, ne fait pas du tout penser à une race évoluée mais à une espèce usée, sur le déclin. À moins que ce ne soient des extraterrestres…

En tout cas, ce fut une bonne relecture. Je suis contente d'avoir renoué avec ce livre.
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