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EAN : 9782253135227
191 pages
Le Livre de Poche (01/04/1994)
3.77/5   33 notes
Résumé :
Grand et mince, manteau noir et chapeau melon, Izo paraît sorti d'un tableau de Magritte.
Sans langage, sans passé, sans mémoire - donc sans à priori - mais doué d'une intelligence hors pair, il est ouvert à tous les savoirs, à toutes les philosophies, à toutes les expériences. Son monde, c'est le Paris d'aujourd'hui, dont il observe et découvre les machines et les manies, les travers et les couleurs, les folies et les snobismes. Dans ce conte moderne, qui re... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
C'est probablement après avoir découvert sa séropositivité que Pascal de Duve a entrepris d'écrire Izo. « Sans effort, avec amusement » , l'auteur structure « tant de feuilles noircies » et en fait un roman. Se sachant condamné (Pascal de Duve est mort 3 ans après), il a sans doute jeté une partie de lui-même, de son histoire, de ses angoisses et de ses espoirs dans ce qui ressemble à un conte philosophico-poétique. C'était en 1990. A cette époque, les écrivains séropositifs, majoritairement aux États-Unis, mettaient surtout en avant la déliquescence de leur propre corps, plongeant de fait les lecteurs dans un univers médical, désespérant et morbide. Pascal de Duve choisit de témoigner autrement en nous chantant un véritable hymne à la vie. Pour l'auteur, placé (page 176) dans une situation-limite, entre deux univers, l'existence (page 36) qui continue (malgré le sida), avec ses impératifs domestiques ou autres, est (page 243) une chose magnifique à laquelle on ne pense jamais ! Pour Pascal de Duve, (page 51) la mort est un crime ontologique incompréhensible ; (page 242) le monde est (à la fois) un fabuleux magma de souffrance et de joie et un splendide poème sans paroles. L'existence, c'est une chose qu'il vient de découvrir et qui ne cessera jamais de l'émerveiller. Vérité ou (page 275) rêvité ? A vous de voir.

Dans un des rares entretiens qu'il a donné, Pascal de Duve, né à Anvers en 1964, polyglotte et professeur de philosophie, confesse que le monde qui l'entoure est pressé (page 204 – les hommes, ces imprévisibles fourmis) et dur. A Paris, ville où il réside, il se sent comme un entomologiste, observant les machines, les manies, les couleurs, les travers, les folies et les snobismes, se surprenant avec les côtés tantôt burlesque, tendre, drôle, cocasse ou absurde de la vie d'aujourd'hui. Izo, son livre, fait la part belle à son personnage éponyme (de son vrai nom Izobretenikhoudojnika ce qui, traduit du russe, signifie « découverte de l'artiste-peintre »). Ce personnage, le héros du livre, est le double ou le miroir de Pascal de Duve : nouvellement arrivé dans ce monde (le monde du sida pour l'auteur, le monde tout court pour Izo), l'auteur – qui perdait du poids à cause de sa maladie - s'est choisi en Izo un double (page 80) de 7 kg 250 (le poids de la peinture du tableau figurant en couverture ?), dont le chapeau melon et les chaussures (page 20) semblent un prolongement indissociable de sa chair (peut-on, quand on est sidéen, se mettre délibérément à nu devant autrui ?), amnésique (faut-il, quand on est sidéen, conserver la mémoire d'un passé qui a conduit à la faute mortelle ?), sans nom, sans prénom et sans âge. Orphelin de son passé, sans mémoire, sans famille, sans histoire, plongé comme Alice ou le Petit Prince dans un univers incompréhensible, Izo erre dans un monde qui le surprend, tel (page 31) un réfugié poétique sans carte de séjour.

L'ouvrage est une description des errances d'Izo, des situations qu'il traverse au quotidien dans sa vie parisienne et de sa lente expérience intérieure. Izo nait d'abord sous le signe de Magritte : simple héros du « Fils de l'homme » (Magritte, 1964), avec (page 10) son col franchement démodé et des traits d'une banalité hors du commun, Izo (page 67) éternue du Jackson Pollock en bleu et jaune ce qui fait le délice des clients de certaines galeries branchées de Paris, et accessoirement sa fortune.

Puis Izo perd progressivement son côté anachronique, insipide et naïf pour se construire une identité : de nouveau-né, (page 13) s'habituant à marcher et à gargouiller, Izo passe au stade d'homme. Il se dote du nom que lui donne une touriste russe (voir plus haut), passe ses nuits à étudier, accumule des connaissances théoriques qu'il se plait à mettre en oeuvre dans la vie de tous les jours (ce qui lui vaut quelques incidents cocasses) et entreprend de communiquer avec la Terre entière : il finit par parler (page 47) comme un dictionnaire, maitrise plusieurs langues (le chinois, le russe, le swahili, le persan l'hindî, le kirghiz, le serbo-croate ...) mais n'en reste pas moins un enfant, puisqu'il collectionne (page 38) les petits parapluies en papier dont on décore les crèmes glacées ; bon, l'enfant est un peu cleptomane (page 103 – il vole un marque-prix et une cuiller à glace).

Dans son errance, Izo se frotte inévitablement à l'homme, sous toutes ses formes. le parisien lui parait être une curieuse espèce. Il la rencontre dans la rue, dans les sexshops, dans le métro (page 87 – musée mouvant d'un vécu toujours vivant qui crée une sensation de vertige), dans les salons, dans les cafés à la mode (le Flore, les Deux-Magots …). En voyeur, Izo flâne et analyse : (page 124) animé d'un sentiment de compassion humaniste, émerveillé, docile, gentil, placide, les yeux sereinement écarquillés, avec ses joues poupines, comme heureux d'avoir été recueilli, Izo exerce en fait son oeil critique sur la société dans laquelle il se meut. Sans provocation aucune, il adopte un comportement mimétique afin de passer inaperçu (en 1990, il ne fait pas bon d'afficher sa séropositivité), en se risquant à quelques rares excentricités : il se met devant l'appareil photo d'un touriste de façon à être immortalisé (n'est-ce pas louable quand on se sait condamné ?), il engage la conversation avec tous les invités à un salon (-idem-), il se met (page 175) à écrire un polar angoissant qui devrait faire date, « Des mygales à Pigalle » (-idem-).

Captant progressivement les étincelles de la vie, lesquelles donnent un sens à l'absurdité de la vie, Izo se pose des questions fondamentales : pourquoi meurt-on, pourquoi se bat-on, pourquoi n'est-on pas envahi par tous nos souvenirs, que sont nos dimensions, qu'est-ce que notre univers ? Il tente de les résoudre en adoptant une religion, puis successivement plusieurs autres pour, enfin, abandonner après avoir été tenté par le communisme (synonyme de fraternité retrouvée ?). Au passage, par dérision, Izo s'achète une montre avec aiguilles transparentes et sans chiffres (que vaut le temps quand on se sait condamné ?), se lie d'amitié avec (page 196) un perroquet qui fait des vocalises … Je ne vous raconterai pas la fin de l'ouvrage, pleine d'émotions.

Avec ce premier roman, Pascal de Duve n'eut pas en retour la reconnaissance littéraire qu'il pouvait en espérer. Comment l'expliquer ? Pascal de Duve a tenté de renverser les conventions littéraires. Il a témoigné de sa séropositivité, sujet encore tabou, préférant une démarche poétique et émue à une oeuvre délibérément spectaculaire. Il a mêlé, sur un sujet grave (la vie et la mort intimement unies), déterminisme et hasard, réalité et fiction, humour et observations critiques, athéisme et religion (est-ce qu'Izo ne serait pas une sorte de Messie, être de paix prônant l'observation émerveillée du monde environnant, être dont l'image est placardée 3 jours après sa mort ?) faisant ainsi de l'ouvrage un écrit complexe, absurde et décalé, pouvant mettre le lecteur mal à l'aise.

Une seule faiblesse dans cet ouvrage, l'absence de toute figure maternelle (mais n'est-ce pas explicable quand on aime les hommes ?) et la caricature de la femme : (page 28) la gérante de l'hôtel est une échassière de latex noir, (page 72) Rose a une haleine désagréablement fétide, (page 252) Olga est affligée d'un strabisme convergent très prononcé … Cette absence se double d'une absence du père (page 101), homme d'affaires important mais peu sociable. Pascal de Duve règle ainsi ses comptes avec son passé. Détruisant le réel pour le reconstruire à sa façon, dans une grande liberté d'imagination, ce qui lui importait le plus, c'était le mystère du monde et de l'existence. Chant d'espoir d'un condamné, hymne à la vie, Izo est un livre à lire et à relire.
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Chienne de vie! Il est passé, comme une fulgurante étoile, et je ne le rencontrerai jamais. Je n'arpenterai jamais avec lui les allées du Luxembourg ou les rues de Paris, je ne partagerai pas son regard moqueur et son goût de la vie. Il est mort le poète, du sida, à 29 ans, lui qui avait été salué comme le nouveau Boris Vian.
Mais il a laissé son double, Izo. Ah, méfions-nous des livres qui semblent innocents, des êtres apparemment insignifiants. Izo est tombé de ce tableau si connu de Magritte, où de petits hommes en longs manteaux noirs et chapeaux melons pleuvent du ciel comme des gouttes. Mais voilà, ils restent suspendus dans les airs, tandis qu'Izo tombe sur une chaise du Luxembourg et se lie avec le narrateur. Izo qui ne pèse que 7 kgs 250, qui ne maîtrise pas la parole, qui est orphelin de tout passé, mais qui va, au fil des pages, donner un poids au réel auquel nous n'étions plus sensibles, Izo dont le regard enfantin, facétieux, ignorant de toute convention, s'émerveille des sanisettes, s'emplit voluptueusement les narines des senteurs du métro, collectionne les tickets de métro, les monstres de caoutchouc qui tombent des distributeurs, les petits parapluies qui surmontent les glaces et téléphone aux quatre coins du monde tant il aime communiquer. Mais, parce qu'il est avide d'apprendre, il passe aussi au crible de son esprit moqueur les diverses religions et allégeances, et ce pour notre plus grand bonheur.
Il était tombé du ciel. Il choisira le retour à l'imaginaire, dont il a eu la révélation du sérieux. Ramollissant à la chaleur, il sortira de l'appartement frigorifique trouvé par le narrateur pour lui permettre d'échapper à la canicule de l'été, et, tel le petit prince, il ne laissera de lui qu'une mince dépouille , mais sera pourtant partout présent, puisque les réclames multiplient brusquement son image.
Si le poète est celui qui, sans rien qui pèse ou qui pose, ouvre sur les fleurs du quotidien nos yeux habitués, s'il est celui qui donne faim de mordre à la vie, alors Pascal de Duve, l'auteur, et Izo, son double, dont le nom signifie en verlan la vie (Zo-i) sont des poètes et ce livre, qui m'avait déçue quand je l'avais trouvé dans ma boîte, est à acquérir en toute hâte.
Merci à Babelio de me l'avoir fait découvrir.
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Un jour de pluie au jardin du Luxembourg .

Le narrateur, dont on saura très peu de chose hormis son statut d'étudiant, « rencontre » un homme étrange, chapeau melon, costume noir et grosses chaussures bombées.

L'homme semble tout droit sorti de Golconde, ce tableau de Magritte. Il est une « goutte » de cet orage étrange qui a trempé Paris.

L'homme se contente de répéter ce que dit le narrateur. Il n'a pas de nom, pas de mémoire, ne maîtrise pas le langage.
Le narrateur décide de prendre cet homme étrange sous son aile. Après une nuit à l'hôtel, ils se retrouvent dans Paris. Commence alors une épopée qui m'a tenue sous le charme de cet étrange Izo. En effet, dans la rue, une femme croit reconnaître l'inconnu sous le nom d'Izobretenikhoudojnika, qui signifie l'imaginaire du peintre en langue russe. L'homme au chapeau melon répondra dès lors à ce doux nom vite transformé en Izo.

Ce qui m'a plu ?

- Un regard naïf sur le Paris de la fin des années 80 : le métro, sa carte orange et ses tickets, les supermarchés et les étiquettes de prix, ses cafés et l'agitation des rues.
des coïncidences et des rencontres incroyables
- Les tics de langage d'Izo qui finit souvent ses phrases, par oui, oui (et aussi par non, non)
- Des réflexions faussement « innocentes » d'Izo (sur l'Ayatollah Khomeini, sur l'art, sur la religion)
Si au départ Izo ne parle pas le français ni aucune langue, il est d'une prodigieux intelligence et apprend très vite : le perse, le chinois, l'arabe. La moindre balade dans un supermarché ou dans les rues devient le prétexte pour observer d'une manière nouvelle une situation très banale a la base.

Izo apprend à lire en quelques jours (avec les albums de Tintin) puis dérive rapidement vers le dictionnaire.

- Les « erreurs de langage » d'un Izo se réclamant « réfugié poétique demandant un quart de toujours » (au lieu de réfugié politique demandant une carte de séjour)

Très intelligent Izo n'en reste pas moins très naïf et ne comprend pas certains situations qui font rire le lecteur.

Derrière cette apparente légèreté, Izo mène une réflexion sur la mémoire, son absence de souvenirs d'enfance, et se tourne dans les religions dans l'espoir de trouver un sens à la vie, religions qu'il finira par rejeter.
La quête spirituelle prendra un tour inattendu qui m'a également beaucoup plu (même si elle est plutôt tragique)

En lisant la postface on en apprend d'ailleurs beaucoup plus sur cet Izo qui n'est que le portrait de l'auteur lui même face à un monde qui lui échappe (Pascal de Duve décèdera du sida trois ans après la parution d'Izo)

- L'allusion à quelques tableaux que je connais de Magritte (j'en connais très peu alors je me dis que j'ai dû rater plein d'autres passages faisant allusion à Magritte)

En conclusion : Un auteur que je ne connaissais pas du tout (même de nom) et qui dans la postface est comparé à Queneau, Vian et Marcel Aymé (si, si)

Un coup de coeur (et si vous voulez connaître ma définition du coup de coeur , c'est un livre qu'on a envie de relire juste après avoir dévoré la dernière page)

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En premier lieu, je remercie les éditions Espaces Nord et Babelio de m'avoir envoyé ce livre à l'occasion de la dernière opération Masse Critique.
Malheureusement, mon avis ne sera pas particulièrement élogieux et j'en suis désolée. Je n'ai pas accroché à l'histoire d'Izo. le style de Pascal de Duve, s'il est soigné et élaboré, m'a semblé plutôt scolaire et de nombreux développements descriptifs et jeux de langues m'ont paru superflus au regard du récit. Je n'ai pas non plus accroché au personnage d'Izo, cet être improbable sorti d'un tableau de Magritte. Sa personnalité encore vierge, sa soif de connaissances et sa rapidité d'apprentissage laissent finalement peu de place aux émotions. le style très factuel de l'auteur n'aide pas à se sentir concerné par le récit. Les questionnements soulevés par Izo dans le dernier tiers du livre sur la mort, la religion et l'idéologie politique ont d'avantage attiré mon attention et font certainement toute la richesse du roman. Ce dernier point ne m'a pourtant pas suffit pour faire d'Izo une lecture marquante.
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Je choisis ce livre pour une île déserte, car je le relirai et le relirai et le relirai. Parce que, bien que Izo soit idéalisé dans son humanité, il possède quand même des traits de caractère ou de personnalité comme la naïveté, la gentillesse et l'humour, purs, et qui nous font croire encore en l'Homme.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
page 103
[...] Avant d'accéder à la vaste salle dont le brouhaha nous intimidait déjà, nous dûmes, vous comprenez disait la voix sépulcrale de l'armoire à glace, ce n'est pas très protocolaire mais c'est pour des raisons de sécurité, passer par un petit couloir amovible, une espèce de corridor de poche en bois blanc disposé là pour détecter les armes. Izo se baissa un peu pour passer, et une sonnerie se déclencha, qui fit surgir de nulle part trois hommes dont un qui pointait discrètement un révolver sur Izo affolé. Les deux autres le fouillèrent et exhibèrent respectivement de sa poche gauche et de sa poche droite - un magnifique marque-prix tout neuf et une splendide cuillère à glace qui n'avait jamais servi, de celles qui lâchent, avec un petit déclic, des boules bien rondes. [...]
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Ensuite Izo écrivait que le décès d’Odile Crock n’était plus pour lui une énigme douloureuse ; il avait fini par comprendre et accepter que « comme toutes les autres choses, la vie aussi a une fin » ; que « beaucoup de gens l’oublient et trouvent que la mort est quelque chose de très grave alors que, en fait, c’est quelque chose de normal qui arrive à tout le monde ; oui ».

Dans le paragraphe suivant, il prétendait avoir trouvé « le panneau secret dans la bibliothèque des souvenirs» ; il assurait avoir pu le faire pivoter, et explorer, le temps d’un éblouissement, la vastitude de la pièce cachée, haute comme une cathédrale », avec « ses rayons d’archives sur lesquelles reposait une poussière vierge comme une première neige » ; suivait alors un récit tout à fait désopilant, évoquant une « Mer des origines, qui seule le Premier Jour avait connu un Hier », et de laquelle Izo serait sorti, « tout petit et tout ruisselant, en long manteau noir et chapeau melon assorti » ; heureusement que sur la plage, « papa et papa attendaient, très grands, en longs manteaux noirs et chapeaux melons assortis » ; il paraît aussi qu’ils « toussotaient d’aise en constatant qu’il n’y avait aucune bosse dans mon petit chapeau, qu’il ne manquait aucun bouton à mon petit manteau, et que les lacets de mes petites chaussures étaient noués comme il fallait » ; ensuite, Izo aurait grandi « dans une maison aux fenêtres éclairées » à un endroit où « l’azur de midi surplombait une éternelle obscurité de minuit » parce que « la lumière et l’ombre ne se fréquentaient pas », s’échangeant uniquement « un vent vertical où se croisaient une odeur épicée de nuit d’été et un parfum frais de matin de printemps » ; Izo confessait aussi avoir été « un enfant difficile » qui « horrifiait parfois posément papa et papa en leur disant, je crois que je vais être méchant ; oui », et auquel « papa et papa » racontaient alors pour l’effrayer, ce qui se passait dans le château maudit » qui était « situé sur le sommet d’un rocher accroché dans le ciel au-dessus de la Mer » ; dans une de ses salles immenses, sous un ciel menaçant, une forêt de quilles hostiles bordait une grève inquiétante sur laquelle galopait désespérément un jockey perdu, affolé de ne pas apercevoir la fin du chemin » ; dans l’espace adjacent, « un homme venait toujours d’égorger une femme », et, avant de reprendre sa valise et son manteau et son chapeau déposés sur une chaise, « s’attardait tragiquement en plongeant rêveusement son regard dans les profondeurs d’un grand gramophone aphone », dans une troisième pièce, « des messieurs en noir n’en finissaient pas de danser avec des femmes pour les tuer d’épuisement », sur un air « macabrement muet » ; le paysage nocturne peint à même les parois « représentait les arbres sinistres, ivres de plaisir » ; entre-temps, dans le donjon, « lové sur un divan un premier cercueil attendait lascivement le corps de la femme égorgée » ; d’autres bières en chaleur « préféraient patienter au balcon en regardant le brasillement de la Mer », par lequel d’ailleurs, les flots négociaient avec le ciel « quelque secret compromis de lumière » tout en courtisant la plage où venaient se divertir les mystères ».

Et pour voir les tableaux de Magritte : https://lajumentverte.wordpress.com/2017/02/19/izo-pascal-de-duve/
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Cette nuit-là, je ne trouvai pas le sommeil. Je revoyais mon nouvel ami souplement figé sur sa chaise du Luxembourg, avec son air charmant qui avait semblé exprimer, très exactement, le bonheur rare de l'être qui découvre sa propre existence. Concernant l'énigme de sa provenance, sans doute était-ce la fatigue qui me faisait sans cesse revenir à mon impression première, comme s'il eut réellement été possible qu'il fut une grosse goutte d'eau tiède d'avant l'orage, délicatement tombée du ciel, ni vu ni connu, retrouvée sagement assise sur une chaise de ce jardin paisible. Une goutte tiède en long manteau noir et chapeau melon assorti. Mais surtout, une goutte au sourire irrésistiblement attendrissant.
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[...]
        Izo, en verlan, ça donnait Zo-i, Zoé, la Vie. À la pluie devenue
serrée, oblique, sonore, se mêlèrent, sur mon visage qui essayait
de sourire, des larmes salées, chaudes, de celles qui vous surpren-
nent les joues en chatouillant.


p.192
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[...]
Alors que je me dirigeais vers la caisse, j’ai croisé un homme
dont le caddy, rempli à ras bord, contenait exactement les
mêmes articles que le mien, donc tout aussi chargé. Oui.
C’est extraordinaire, n’est-ce pas ?[...] Nous sommes donc
allés boire un verre ensemble, lui, la caissière et moi ; au
bistro je leur ai fait, sur un carton de bière, la démonstra-
tion mathématique de la probabilité infime d’une telle
coïncidence, non seulement sur base du nombre impres-
sionnant d’articles que contenaient les deux caddies (cha-
que denrée emportée diminuait sensiblement les chances
d’un recoupement parfait), mais aussi en tenant compte
de la fréquence d’achat très peu élevée de certains objets
– comme la brosse de cabinet, choisie, qui plus est, dans le
même coloris [...].


p.122
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Video de Pascal de Duve (1) Voir plusAjouter une vidéo

[Pascal de Duve]
Entretien avec Pascal de DUVE, professeur de philosophie, à propos de son livre "Izo" (aux éditions Jean-Claude Lattès), dont le personnage principal Izo est un réfugiépolitique.Son roman est né à partir de ses différents écrits qu'il a rassemblé.Il parle du contenu de son livre et de son personnage, basé sur un tableau de MAGRITTE , ainsi que de ses autres oeuvres.
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