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EAN : 9782757836163
368 pages
Points (26/09/2013)
4.15/5   17 notes
Résumé :
Homme inclassable, Pier Paolo Pasolini a choisi la poésie comme voix première. Réunissant des poèmes inédits en français, cette anthologie se veut le reflet vibrant de son inspiration de jeunesse, toujours ample et touchée par la grâce. Sensualité des paysages frioulans et engagement politique s’entrelacent, chant de l’intime et poésie de l’engagement s’enchevêtrent. Habité par la révolte et par le sens du sacré, il lutte contre l’hypocrisie et donne à ses visions t... >Voir plus
Que lire après Adulte ? Jamais : Une anthologie (1941-1953)Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Mieux vaut tard que jamais… Tardive, la découverte de la poésie de Pier Paolo Pasolini a été pour moi une grande révélation.

La réception en France de l'oeuvre (très éclectique) de Pasolini s'attache surtout à son cinéma, à ses films comme L'Évangile selon Saint-Matthieu, Des Oiseaux petits et grands, Théorème (pour ceux que j'ai vus) et d'autres qui auront marqué une époque, celle des années 60-70, mais aussi le 7ème art.

Mais au fond Pasolini écrivain a davantage produit que le cinéaste. En plus d'être un intellectuel engagé, Pasolini était avant tout poète et romancier.
Si l'on sait de lui qu'il fut un farouche adversaire d'une société industrielle devenue une société de consommation, qu'il fut un antifasciste engagé et un homosexuel assumé, qu'il fut assassiné en 1975 pour des raisons restées encore aujourd'hui très obscures, l'oeuvre poétique de Pasolini reste assez méconnue.

L'écrivain cultive le paradoxe. Il avait une passion pour le monde antique, pour la religion chrétienne, il se sentait concerné par la cause des déshérités, des déclassés mais sans jamais adhérer à aucun mouvement. Il y a toujours chez lui une vision profane, profanatoire aussi, de la tradition. Il était très critique envers son époque, mais cette attitude ne lui ôtait pas la passion du langage, du beau langage :

« Les rides (Le rughe)

Intermittence du coeur
Jeunesse et air
Venu des Hauteurs à la mer
Sous les premières étoiles
Et le soleil qui disparaît...

On peut donc mourir
De la nostalgie
Des premières lueurs
Le long d'un vieux chemin

De San Giovanni ou de Gleris
Ou de quelque village,
Sous les monts noirs
Le long du Tagliamento,

Où la jeunesse
A un goût de blé mouillé
Et le temps n'est plus
Qu'une voix du vent ? »


Tout au long des pages du recueil, on découvre une poésie d'une inspiration profondément intime, des origines (celles du Frioul et de sa langue) mais jamais méditative, recueillie. L'écriture de Pasolini est une poésie de l'interpellation, de l'altercation. C'est une poésie très personnelle, sensuelle, engagée, qui cherche en permanence sa voix :


« J'ouvre la fenêtre sur un blanc lundi matin
Et la rue indifférente dérobe
Parmi sa lumière et ses bruits
Ma présence rare entre les persiennes.
Ce mouvement que je fais... ces jours-là hors
Du temps qui semblait dédié
À moi, sans retours et sans trêves,
Espace saturé de mon état,
Presque une extension de ma Vie, de ma
chaleur, de mon corps...
Et il s'est interrompu... Je suis dans un autre temps,
Un temps qui dispose ses matins
Dans cette rue que je regarde, inconnu,
Parmi ces gens qui sont le fruit d'une autre histoire... »


J'ai été très touché par nombre des poèmes. Certains (notamment ceux extraits de Poésie avec littérature (Poesia con Letteratura, 1951-1952) et de Sonnet printanier (Sonetto primaverile, 1953) confinent à la grâce, sont emplis d'une beauté qui laisse sans voix, plonge dans un instant sans limites :

« La vie semble s'arrêter, et autour l'air
Se tait. Toute trace de ce parfum
D'eaux de pluie disparaît de la terre, parfum
De bois, bouleversant, de cette

Sérénité d'autres étés. Cette contrée
Où la lune brûle pourtant une misère bien corporelle
Dans un souffle de rosée ne reste plus qu'espace...

Mes sensations sont élevées, légères, comme
Celles d'un adolescent, qui, impur, contient son mal
Son ardeur, en lui-même, mais qui sait

S'affranchir, pur, dans le monde. La joie peut donc
Trembler dans cette tristesse qui est la mienne,
L'ancienne joie dans la brise nouvelle. »



Qu'elle soit cinématographique, théâtrale ou romanesque, toute l'oeuvre de Pasolini est imprégnée de poésie, elle en est le coeur battant. Esthétique, revendicative, charnelle, passionnée, provocante, nostalgique, sa poésie est un peu tout cela mais bien autre chose aussi. Elle est en tout cas incontournable.

.

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Triste et mélancolique, ce recueil ravive la mémoire du frère décédé de Pasolini.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Tellement distrait au fond de ma chair,
- Ce ciel couvert qui ne laisse filtrer ni
Ombre ni soleil – à la surface, je ne fais que
Recommencer à m'étonner de mon destin.
Mais si je regarde mes yeux dans le miroir
Je vois qu'ils sont encore brillants (oui, au fond,
Une lumière trouble y brûle: mais c'est de l'amour
Réprimé, stupéfait d'être coupable).
Celui qui, en péchant, a senti dans sa gorge
La brûlure du lynchage, est resté toujours pur
S'il ne sait pas encore haïr, et dans ses yeux
Brûlés, une clarté aimante monte encore,
De douceur et de courage.
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Sans toi, je revenais, comme enivré,
Incapable désormais d'être seul le soir,
Quand les nuages las se dissipent
Dans le noir incertain.

Mille fois j'ai été aussi seul
Depuis que je suis vivant, et mille soirs semblables Ont obscurci à ma vue l'herbe, les collines,
Les campagnes, les nuages.

Seul dans le jour, et ensuite dans le silence
Du soir fatal. Et maintenant, enivré,
Je m'en reviens sans toi, et à mes côtés
Ne se trouve que l'ombre.

Et tu seras loin de moi mille fois,
Et ensuite à jamais. Je ne sais pas refréner
Cette angoisse qui monte dans mon cœur ;
Être seul.

.
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Et le crissement du papier où j'écris,
Soudain, dans une pause fourmillant
Du grêle son des champs, me dit
Vivant, après des jours et des jours égarés,
Dans le jour de plus en plus fixe de la chair.
Ce vide soudain qui fouille
Dans les siècles, qui souffle dans la pièce
Une odeur de cimetières abandonnés,
Compte plus que mille corps étreints
Dans des enlacements ou dans des désirs énervés,
Plus que les pensées que le monde
M'impose. Ah, comme je t'ai apprise, solitude!
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"Sans toi, je revenais, comme enivré,
Incapable désormais d'être seul le soir,
Quand les nuages las se dissipent
Dans le noir incertain.

Mille fois j'ai été aussi seul
Depuis que je suis vivant, et mille soirs semblables
Ont obscurci à ma vue l'herbe, les collines,
Les campagnes, les nuages.

Seul dans le jour, et ensuite dans le silence
Du soir fatal. Et maintenant, enivré,
Je m'en reviens sans toi, et à mes côtés
Ne se trouve que l'ombre.

Et tu seras loin de moi mille fois,
Et ensuite à jamais. Je ne sais pas refréner
Cette angoisse qui monte dans mon coeur ;
Etre seul."
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"Sarrebe cosi facile svelare
questa luce o quest'ombra... Una parola :
e l'ezistenza che in me esiste sola
sotto le voci che ogni uomo inventa
per avvicinarsi a verità
fuggenti, sarebbe espressa, infine.
Ma questa parola non esiste.
Se tuttavia ascolto nel rumore
che sale dal rione, un suono un poco
più terso - o aspiro nell'odore
della stagione un più preciso alito
di foglie fradice, di pioggia, allora,
allusa, l'indicibile mia vita
mi si disegna, per un solo istante...
E non so sopportarla... Ma un giorno,
ah un giorno, urlero, a quelle vista,
sarà un urlo la rivelaziona"
Pier Paolo Pasolini, Roma 1950. Diario.

"Il serait si facile de dévoiler
Cette lumière ou cette ombre... Un mot :
Et l'existence, qui en moi existe seule
Sous les voix que chaque homme s'invente
Pour se rapprocher des vérités
Fuyantes, serait exprimée, finalement.
Mais ce mot n'existe pas.
Si toutefois j'écoute dans le bruit
Qui monte du quartier, un son un peu
Plus clair - ou que j'aspire dans l'odeur
De la saison un souffle plus précis
De feuilles mouillées, de pluie, alors,
Allusive, l'indicible vie qui est la mienne
Se dessine à mes yeux, rien qu'un instant,
Et je ne saurais la supporter... Mais un jour,
Ah un jour, je hurlerai à cette vue,
La révélation sera un hurlement."
Rome 1950. Journal intime [Traduction de René de Ceccatty].
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PIER PAOLO PASOLINI / UNE VIE VIOLENTE / LA P'TITE LIBRAIRIE
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