Je dois répéter qu’une vie, avec toutes ses actions, est entièrement et vraiment déchiffrable seulement après la mort : à ce moment-là, ses temps se serrent et l’insignifiant tombe. Sa proposition fondamentale n’est plus alors, simplement, « Être », et son naturel devient une fausse cible autant qu’un faux idéal. Celui qui fait un plan-séquence pour montrer l’horreur de l’insignifiance de la vie commet la même erreur, mais inverse, que celui qui fait un plan-séquence pour montrer, de l’insignifiance, la poésie. La continuité de la vie, au moment de la mort – c’est-à-dire après l’opération de montage –, perd toute l’infinité de temps dans laquelle, en vivant, nous nous prélassons, en nous délectant de la parfaite correspondance de notre vie physique – qui nous mène à la consumation – avec l’écoulement du temps : il n’y a pas un seul instant où cette correspondance ne soit parfaite. Après la mort, cette continuité de la vie n’est plus, mais il y a son sens.
Être immortels et inexprimés, ou s’exprimer et mourir.
PIER PAOLO PASOLINI / UNE VIE VIOLENTE / LA P'TITE LIBRAIRIE