Quelle petite merveille ! Pourquoi personne n'a-t-il songé à le traduire avant les années 90. L'auteur fut l'un des premiers signataires de la Charte 77, opposant au régime communiste dès 1948. Il faut dire que ce livre dénonce finalement toutes les idéologies, tous les embrigadements.
Le héros, Antonin Tvrz, sociologue chargé d'une étude sur le temps libre, fait partie du mouvement des Purs, mais quand il meurt, ni lui, ni le lecteur ne sait qui l'a tué. L'auteur dresse le portrait d'une société consumériste aliénante. Tvrz en fait partie mais un petit événement, un infime écart dans son agenda bien rempli, et le voilà qui reste coincé dans le
Passage. Objectivement il pourrait en sortir à tout moment, mais il découvre qu'il est bien agréable de se laisser vivre et porter par la vie. Tvrz finit par rester, par choix, dans le
Passage pour découvrir que finalement, c'est peine perdue, vivre hors du monde tel qu'il est, n'est qu'une illusion, d'autres aliénations, d'autres normes s'imposent. le propos a quelque chose de très existentialiste, avec une curieuse (pour nous) opposition d'une société consumériste à une société hédoniste.
Le style, à l'image de Trvz au début, est assez sec, peu attirant. Mais au fil du récit et de l'évolution de Tvrz, je me suis trouvée accrochée. le
Passage est un monde étrange, impossible de ne pas penser à Kafka. Au premier niveau, réel, c'est déjà une ville dans la ville, où Tvrz découvre la possibilité d'une vie autre, à la marge. Et de nuit, le
Passage devient un univers totalement clos, qui se révèle au fil du séjour de Trvz comme doublé d'un univers parallèle, souterrain et labyrinthique. Tout un monde fantasmatique, illusoire, mais qui souligne l'absurdité du monde bien réel !
Un très beau roman qui soulève beaucoup de questions, sur la liberté bien sûr, mais aussi sur les normes, les habitudes, le libre-arbitre, … Une très belle découverte !
NB : le
passage réel dont ce récit s'inspire est le
passage - très art déco, ce qui hélas, à mon goût, n'est guère sensible dans le roman - Lucerna de Prague,
passage du même nom que le palais construit par le grand-père de
Vaclav Havel (et dans le roman construit par le grand-père de Klara).