AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782366240290
160 pages
Cambourakis (15/02/2013)
4.39/5   18 notes
Résumé :
À la suite de circonstances fortuites, Antonin Tvrz, sociologue, est retenu dans le passage praguois qu’il vient de traverser : repoussant les uns après les autres les motifs qui devraient le contraindre à sortir – il a une réunion à l’université, doit passer à la banque, retrouver sa femme, puis sa maîtresse – il se met à musarder au gré des boutiques et cafés qui jalonnent les allées couvertes, et fait bientôt des rencontres de plus en plus étranges. En échange d’... >Voir plus
Que lire après PassageVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Quelle petite merveille ! Pourquoi personne n'a-t-il songé à le traduire avant les années 90. L'auteur fut l'un des premiers signataires de la Charte 77, opposant au régime communiste dès 1948. Il faut dire que ce livre dénonce finalement toutes les idéologies, tous les embrigadements.
Le héros, Antonin Tvrz, sociologue chargé d'une étude sur le temps libre, fait partie du mouvement des Purs, mais quand il meurt, ni lui, ni le lecteur ne sait qui l'a tué. L'auteur dresse le portrait d'une société consumériste aliénante. Tvrz en fait partie mais un petit événement, un infime écart dans son agenda bien rempli, et le voilà qui reste coincé dans le Passage. Objectivement il pourrait en sortir à tout moment, mais il découvre qu'il est bien agréable de se laisser vivre et porter par la vie. Tvrz finit par rester, par choix, dans le Passage pour découvrir que finalement, c'est peine perdue, vivre hors du monde tel qu'il est, n'est qu'une illusion, d'autres aliénations, d'autres normes s'imposent. le propos a quelque chose de très existentialiste, avec une curieuse (pour nous) opposition d'une société consumériste à une société hédoniste.
Le style, à l'image de Trvz au début, est assez sec, peu attirant. Mais au fil du récit et de l'évolution de Tvrz, je me suis trouvée accrochée. le Passage est un monde étrange, impossible de ne pas penser à Kafka. Au premier niveau, réel, c'est déjà une ville dans la ville, où Tvrz découvre la possibilité d'une vie autre, à la marge. Et de nuit, le Passage devient un univers totalement clos, qui se révèle au fil du séjour de Trvz comme doublé d'un univers parallèle, souterrain et labyrinthique. Tout un monde fantasmatique, illusoire, mais qui souligne l'absurdité du monde bien réel !
Un très beau roman qui soulève beaucoup de questions, sur la liberté bien sûr, mais aussi sur les normes, les habitudes, le libre-arbitre, … Une très belle découverte !
NB : le passage réel dont ce récit s'inspire est le passage - très art déco, ce qui hélas, à mon goût, n'est guère sensible dans le roman - Lucerna de Prague, passage du même nom que le palais construit par le grand-père de Vaclav Havel (et dans le roman construit par le grand-père de Klara).
Commenter  J’apprécie          272
"S'aventurer dans "Passage", ce livre rare, est aussi un beau risque."
C'est avec cette phrase que M. Jean-François Vilar, conclut la préface de ce livre.

Belle, très belle découverte de cet auteur. Petit livre par la taille, écrit en 1974 et toujours d'actualité. Il y a quarante ans, cet écrivain nous parlait de nous, de notre enbrigadement, enfermement dans notre société consummériste aliénante, de laquelle il est quasiment impossible de s'échapper, de trouver sa liberté : en fait, on ne change que de geôle. Mais qu'il est doux et passionnant de tenter, de risquer une autre façon de vivre.

La ville souterraine, exact reflet de la ville que nous habitons, mais si sombre, si secrète. Dans l'une comme dans l'autre il y a des règles de circulation, des "passeurs" qui donnent, prêtent parfois quelque clé...Celui qui tentera de quitter le chemin balisé, y risquera sa vie, loin de la chaleur et la lumière.

Les dix ans qu'a passé Karel Pecka sous les verrous lui a fait expérimenter cette vie dans un autre univers et sa réflexion conduit a entrevoir notre univers semblable à une prison dont nous construisons, forgeons nous-mêmes les grilles.

Etrange humanité, isolée dans des petits clapiers, réduits improvisés mais rendus confortables autant que faire se peut , se cotoyant quelques instants pour réaliser une tâche minuscule et en tirer un bénéfice dérisoire. Il n'y a pas de liens affectifs entre ces êtres qui courent de part la ville, se rassemblent pour parier, rire pour quelques minutes, pour imposer une conception de société à grands cris, et mourir brusquement ou au coin d'un tram, ou devant une porte qu'on vient d'ouvrir.

Charme étrange et obsédant de ce petit roman. Je me suis perdue dans ce passage, à la limite du fantasme, avec une petite lumière : lire un autre ouvrage de cet auteur.

Commenter  J’apprécie          120

Roman existentiel narrant l'histoire d'Antonin Tvrz, découvrant un passage (dans la réalité le passage Lucerna) lieu de commerces et d'histoires de gens singuliers.
Il va petit à petit laisser sa vie habituelle pour s'aventurer dans les affres et péripéties de ce tunnel sans ambition particulière et sans vision d'une finalité spécifique.

Décrivant l'absurdité d'un certain type de société, remise en cause du libre arbitre porté habituellement comme un acquis sacré, Pecka décide de tracer une route voisine à celle de Kafka en démontrant la vacuité de beaucoup d'actions que l'on prend pour essentielles, de situations que l'on souhaite préserver sans savoir pourquoi, de relations dont on s'encombre sans jamais les questionner.

Une oeuvre vivante, vibrante et qui nous interpelle.
Commenter  J’apprécie          100
Nous allons effectuer une petite remontée dans le temps, pour nous retrouver à Prague, dans ce qui était encore à l'époque la Tchécoslovaquie. Dans ce roman paru en 1974, nous faisons la connaissance d'Antonin Tvrz, sociologue, membre du mouvement des Purs et en cours de rédaction d'une étude sur le temps libre, le matin d'une journée bien remplie, dans laquelle il prévoit de participer à une conférence importante, de passer au garage récupérer sa voiture, puis déjeuner avec un professeur, assister à un débat, de repasser par chez lui et de finir enfin la soirée chez sa maîtresse. Ayant oublié de se rendre à la banque, il s'engage dans une galerie, un passage, pour en ressortir à un autre endroit. Cependant, un incident à la sortie lui fait rebrousser chemin... Et finalement, de rencontre en rencontre, de couloir en couloir, Antonin reste dans ce passage. Il y croise tout d'abord un agent immobilier, puis un vieux vendeur tickets cinéma, un ancien camarade devenu acteur de théâtre, et le portier en chef qui lui permet de passer la nuit.

C'est ainsi que des jours et des nuits s'écouleront pour Antonin dans ce passage, loin des contraintes du quotidien... Enfin, dans un premier temps. Car en effet, s'il faut retenir quelque chose de ce roman, c'est que se pose la question de ce qui, finalement, rend libre ou asservit. En effet, si Antonin, homme occupé, dont le salaire lui permet un train de vie relativement confortable à cette époque, se retire du monde et de ses obligations, s'il peut déambuler dans les allées, couloirs, escaliers et étages à sa guise, il reste néanmoins humain, avec ce que cela comporte. Et lorsqu'il s'agit de consommation, ce roman prend une teinte très actuelle, malgré ses quasiment cinquante ans.

Je n'ai pas envie de trop vous en dévoiler. Sachez cependant qu'accompagner Antonin dans les méandres de ce passage a été intéressant, questionnant, et que ce roman d'une grande originalité (qui m'a fait penser à une forme de double huis-clos, finalement, entre celui qui concerne les lieux et celui qui a trait au personnage principal lui-même) me laissera une certaine empreinte. Je l'ai trouvé très d'actualité, et il me donne envie d'approfondir l'oeuvre de Karel Pecka.

En résumé, un petit livre qui vaut vraiment la peine d'être découvert.
Commenter  J’apprécie          30
« Passage » est un court roman sur l'illusion autarcique, l'idée d'atteindre la liberté en se détachant du monde. Tvrz est un homme overbooké, dont le quotidien est rythmé par les innombrables rendez-vous soigneusement rapportés dans son agenda. Témoin de la mort d'un homme pressé qu'il reconnait comme un frère, Tvrz vacille puis bascule tout à fait à l'occasion de son enfermement, d'abord contraint puis voulu, dans le passage, lieu interlope où l'on peut vivre d'expédients loin du tumulte de la ville.


Mais la liberté ne se gagne pas en se réfugiant hors du monde. le passage est une ville dans la ville. On pourrait le penser autonome : Tvrz parvient bien à y vivre sans jamais le quitter mais c'est une illusion. Les grilles empêchent peut-être Tvrz de sortir la première nuit donnant ainsi l'impression d'un monde clôt sur lui-même (à l'image de ce que sera bientôt Tvrz) mais elles n'empêcheront nullement le tumulte révolutionnaire de se déverser à gros bouillons dans le passage. Vivre hors du monde, au propre comme au figuré, c'est entretenir l'illusion de la liberté… jusqu'au moment où le monde nié se rappelle à vous.


Karel Pecka l'avait compris et n'a jamais pensé atteindre la liberté en se désintéressant du monde. Bien au contraire : Pour avoir refusé tout compromission avec le régime communiste en 1949, il a été condamné à dix ans d'emprisonnement et de travaux forcés…
Commenter  J’apprécie          50

Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Nous en sommes arrivés à nous voir ensevelis sous les déchets que déversent les usines gigantesques avec leurs chaînes de montage, à piétiner, enfoncer jusqu'aux cuisses, dans des tas de tôle rouillée et de lambeaux de polyéthylène, à tituber parmi les épaves, cliquetantes de voitures qui nous volent ce qui nous reste d'oxygène, à recevoir des pluies de cendre, de suie, de strontium et de smog. Tout se manège dément échappe désormais à notre contrôle et tourbillonne de son propre mouvement vers notre destruction finale au milieu du désert par lequel nous avons trouvé moyen de remplacer la nature. Remarque bien, mon petit frère, que le mot le plus employé de notre époque est celui de crise. Les journaux, la télévision, la radio nous rebattent les oreilles avec ce terme mille fois par jour. Tantôt la crise économique, tantôt la crise idéologique ou encore énergétique, mais tout cela n'est que conséquences fragmentaires de cette crise fondamentale, apocalyptique, dont on s'obstine à ne piper mot.
Commenter  J’apprécie          70
Jadis, quand j'étais jeune, ça ne me posait pas de problème de faire des grâces au monde entier, cela me flattait même de voir qu'on attendait de moi des facéties qui fassent rire les gens, qui leur améliorent l'humeur. Mais plus je vieillis, plus il m'est difficile de jouer ce rôle de philantrope un peu paumé qui fait semblant de croire que tout homme est plutôt bon que mauvais et que le monde est en fait une énorme rigolade. Je me fais souvent l'effet d'un imposteur.
...
Petit frère, les hommes sont de drôles d'animaux. Lorsque je leur débite mes histoires sur la scène, et qu'ils montrent les dents à force de rire, je me sens souvent l'envie d'arrêter tout ce cinéma, de me planter devant eux et de leur hurler que tout cela est une erreur, qu'ils sont méchants, bêtes et cruels ; de leur demander de foutre le camp chez eux car ça ne m'amuse plus de regarder leurs visages obtus et que je ne les aime pas. Chacun d'eux trouverait sûrement des tas de choses plus utiles à faire, plutôt que de rester là, affalé, à ecouter mes sornettes.
Commenter  J’apprécie          40
Il s'était rapidement aperçu que ce qu'il avait atteint à force de fatigue et de multiples sacrifices n'était pas le refuge espéré, mais un piège. Il s'était décarcassé, pour se retrouver enfin non dans un château enchanté d'indépendance et de liberté, mais dans une cage au coeur d'un grand clapier préfabriqué. De sa fenêtre, il voyait les blocs alignés des lapinières voisines, son horizon se bornait aux zigzags réguliers d'un béton imitant les murs décrépis d'une caserne ; la présence et les activités des lapins dans les cages voisines se faisaient entendre à toute heure du jour ou de la nuit. Qui donc peut se satisfaire d'une pareille pseudo-vie qu'une civilisation dévoyée sustitue à la vraie vie ? Au lieu de maisons, elle construit des cités, elle a transformé l'air en gaz et l'eau en effluves d'égoûts. Qui, dans de pareilles conditions, peut atteindre sinon le bonheur, du moins une sorte de contentement ?
Commenter  J’apprécie          30
Pour moi, vous faites partie de ces personnes qui réfléchissent tellement sur toutes les transformations possibles de leur situation qu'elles n'ont plus la force de les mener à bien.
Commenter  J’apprécie          80
Sa vie à l'extérieure à l'air libre l'étouffait. Les obligations et les relations dans ce carrousel paranoïaque et trépidant à la poursuite de vanités se resserraient lentement sur sa gorge comme un noeud coulant et l'empêchaient de respirer. Il vivait dans une prison et, sa volonté s'affaiblissant, les forces lui manquaient pour résister aux pressions qui avaient encerclé son existence d'une grille, invisible peut-être, mais d'autant plus solide.
Commenter  J’apprécie          20

autres livres classés : littérature tchèqueVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (62) Voir plus



Quiz Voir plus

Psychopompe (Amélie Nothomb)

Où a vécu Amélie Nothomb avant d’arriver à New-York ?

Au Japon puis en Chine
En Chine puis au Japon

18 questions
12 lecteurs ont répondu
Thème : Psychopompe de Créer un quiz sur ce livre

{* *} .._..