Un roman sur lequel je suis tombée au hasard de mes pérégrinations webesques. Et parfois, le hasard fait quand même bien les choses.
Chapitre premier: Calibre .22 LR. Quinze coups dans le magasin tubulaire placé sous le canon, un seizième possible, balle engagée dans la chambre ; un seizième, ou un premier… Réplique de la Winchester 30/30. Pas un jouet. Munitions Remington. Portée de tir dangereuse à 1 500 mètres. 18 h 56 au cadran de la montre-bracelet. le doigt sur la détente. L'index. L'ongle est rongé jusqu'à la peau. Les oiseaux se taisent.
Comme chaque année début septembre à Saint-Hiel, la fête foraine s'est installée au village. du haut de la butte
Saint-Jean, dans son atelier de charpentier-menuisier, Jocco en perçoit les flonflons. Pause clope avec le Vieux. Il se tient distraitement devant la verrière. La seconde suivante, il s'effondre. Une balle vient de le faucher, pile au milieu du front…
Ainsi commence ce drame.
Jocco est marié à Mi-Ange, qui mettra bientôt au monde leur enfant. Mi-Ange, une femme brisée par la vie, déjà mère de trois enfants dont elle a abattu le père, alcoolique et violent, quatre ans auparavant. Pour ça, elle est allée en prison, un peu. Et le clan Malheur, les frères de feu son époux, lui ont bien dit qu'ils s'occuperaient de son cas…
C'est le récit d'une tragédie dont le fil se déroule inexorablement. le récit nous fait suivre les réactions des différents protagonistes suite à l'annonce du décès de Jocco, la déflagration provoquée par le choc, l'incompréhension. Et puis la colère, le besoin impérieux de comprendre, de mettre la main sur le coupable et d'en découdre.
Nous allons assister aux réactions à brûle-pourpoint de trois personnages principaux. Mi-Ange, d'abord, qui essuie la vie comme le marin la tempête. Puis Col, l'aîné de la fratrie, accompagné de sa petite copine, Annette. Et enfin, Fany, la cadette, laquelle prend dans son sillage Toni, le benjamin.
Autour d'eux gravitent le Vieux, Pépète et son épouse. Dans l'autre camp, il y a les trois frères Malheur: Joseph, André et
Marcel-Paul. En aparté, enfin, il y a cet homme du village qui nous livre ses réflexions, un homme sous pression, en colère, énervé contre les forains et les cons.
C'est une tragédie shakespearienne qui se délite sous nos yeux impuissants. Nous sommes dans un environnement rural, parmi des gens simples et pudiques, courageux et honnêtes. Des gens qui triment sans se plaindre pour joindre les deux bouts. Des gens qui vivent des drames ordinaires, qui s'en relèvent comme ils peuvent. S'ils le peuvent.
Des gens qui, quand le malheur frappe encore une fois, une fois de trop, voient leurs efforts partir en fumée, l'espoir s'évaporer, le sol s'ouvrir sous leurs pieds, et l'enfer prendre corps. Des gens qui, tout d'un coup, n'ont plus rien à perdre. Et qui de ce fait, se lancent à corps perdu dans la dernière quête qui les tient encore debout, aveuglément, viscéralement.
Les personnages sont magnifiques, très profonds, parfaitement construits.
Pierre Pelot se montre ici un fin psychologue (je dis « ici » parce que ce roman est le premier de l'auteur que je lis. Je n'ai donc pas encore de point de comparaison). le rythme est haletant, suivant les réactions dictées par l'émotion et prises sans réflexion. Tous suivent leur instinct, agissent dans l'urgence, n'ont à cet instant-là aucune notion des conséquences et responsabilités qui finiront par leur incomber. Il faut agir, c'est tout.
Et cet épilogue… Incroyable et terrible.
Pierre Pelot va jusqu'au bout des tripes de ses personnages, nous emmène aux tréfonds de cette misère émotionnelle. La détresse est ici tellement palpable qu'elle en devient un personnage à part entière. La dernière phrase de l'ouvrage m'a glacée!
Un très bon roman noir, donc, que je ne peux que te conseiller de découvrir à ton tour.
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