S’il est un plaisir
c’est bien celui de faire l’amour
le corps entouré de ficelles
les yeux clos par des lames de rasoir
Elle s’avance comme un lampion
Son regard la précède et prépare le terrain
Les mouches expirent comme un beau soir
Une banque fait faillite
entraînant une guerre d’ongles et de dents
Ses mains bouleversent l’omelette du ciel
foudroient le vol désespéré des chouettes
et descendent un dieu de son perchoir
Elle s’avance la bien-aimée aux seins de citron
Ses pieds s’égarent sur les toits
Quelle automobile folle
monte du fond de sa poitrine
Vire débouche et plonge
comme un monstre marin
C’est l’instant qu’ont choisi les végétaux
pour sortir de l’orbite du sol
Ils montent comme une acclamation
Les sens-tu les sens-tu
maintenant que la fraîcheur
dissout tes os et tes cheveux
Et ne sens-tu pas aussi que cette plante magique
donne à tes yeux un regard de main
sanglante
épanouie
Je sais que le soleil
lointaine poussière
éclate comme un fruit mûr
si tes reins roulent et tanguent
dans la tempête que tu désires
Mais qu’importe à nos initiales confondues
le glissement souterrain des existences imperceptibles
il est midi
Où est-il
Parmi les étoiles accroupies
ou les minéraux inconnus
qui flambent dans les corolles des fleurs fatales
Si je rêvais je pourrais répondre
Il descend du bec de la colombe
ou bien
Il monte les escaliers de neige qui conduisent aux roches soupirantes
les grands escaliers bénévoles
où vivent les poètes en caoutchouc
Dans le sentier des mains gelées glissent les oriflammes
Ils sont gris bleu vert rouge et ont la forme de mon visage
car je les ai faits semblables à mon rire
qui éclate dans la mousse comme une pierre qui s’envole
Et les pierres s’envolent chaque jour comme les ouvrier.
s’en vont à leur travail
car ils s’envolent pour travailler
et leurs usines sont dans les nuages
et les nuages sont vieux comme les escaliers qui mènent aux oranges de laine
et que montent et descendent les albatros de ma tête
Albatros c’est grâce à vous que ma tète me coupe la pieds
et que mes pieds sont de pâles vierges
maigres comme un dieu
J'ai toujours vu dans Durruti le dirigeant anarchiste le plus révolutionnaire, celui dont l’attitude s’opposait le plus violemment aux capitulations des anarchistes entrés au gouvernement et son assassinat m’avait beaucoup ému. Je pensais que l'enseignement que constitue la vie de Durruti ne serait pas perdu, que — la semence (l'œuf) qu’il avait jetée lèverait (éclorait) bientôt. Celle que j’aimais [Remedios] inclinait aux attitudes anarchistes et admirait Durruti. Elle n’était pas avec moi, elle défait donc pas née à ma vie, mais j’espérais qu'elle s'y déciderait rapidement, qu'elle éclorait.
Le doigt dans l’eau
les chanteurs aimant chanter
ont l’air d’une fleur fanée
Fleur fanée cœur aimé
dit l’autre
Mais toi poussière de charbon
tu n’es pas aimée
et tu t’envoles vers le soleil
Nous grandissons dans le bruit des coups de pioche
Que fait-on à la terre
Le supplice commence avec le passage de la jeune fille aux oranges
qui passe près de nous tous
aspire l’air à pleins poumons et pleure
parce qu’il faut pleurer sans mesure
Pleure jeune fille aux oranges
tu connaîtras l’amour des cordes de pendu
tu connaîtras l’amour et la caresse des plumes
*RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE* :
Benjamin Péret, _Le déshonneur des poètes,_ précédé de _La parole est à Péret,_ Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1965, 38 p., « Liberté n°23 ».
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