Le livre commence comme un film-catastrophe, un de ces scénarios où l'on est pris, avec les passagers, dans une zone de turbulences aériennes, personnel au sourire figé et ficelé sur son siège, passagers qui pleurent, prient ou se taisent. Et ceux qui, comme le narrateur, revoient en un clin d'oeil, leur vie, leurs déboires, leurs espoirs. L'avion va se crasher dans l'Atlantique, c'est sûr !
Notre narrateur est un homme banal, qui vit une vie banale entre amourettes et travail . Il est féru de lecture mais n'écrit pas au grand regret de sa mère.
Que fait-il dans cet avion, lui les a en horreur ?
« Si chacun suivait le précepte de Pascal et restait enfermé dans sa chambre,la sagesse règnerait sur le monde mais il n'y aurait plus de monde. »
Le voilà donc qui imagine, la chute, la mort, même son corps devenu puzzle/ « Dire qu'on ne retrouvera pas mon cadavre...[...] C'est à cela que servent les pierres tombales, à rassurer les vivants qu'ils n'ont pas été les témoins et les acteurs d'une existence illusoire ».
Méditation sur la mort, (on apprend qu'elle se dit « smrt » en russe, comme un truc qu'on recrache) sur le temps qui »passe à la vitesse d'un TGV à l'échelle de l'éternité ou au rythme d'un tortillard à celle de l'ennui. », méditation sur les écrivains argentins (
Cortazar,
Borges, Frozan), sur les voyages, sur ce maté qu'on boit à Paris par pose et qu'il vaut mieux découvrir à Buenos Aires, sur l'histoire de l'Argentine, etc... le narrateur, comme pour exorciser sa peur, se raconte tous les possibles qu'il n'a pas vécus au terme de ce voyage fatal, il s'invente des compagnons de voyage tel ce vieux barbu qui, ayant voulu nouer conversation avec lui et laissé pour compte, aurait chanté un vieil air hébreu ; ou ce libraire, Ignacio, personnage réel celui-là, avec qui il a correspondu par mail et lui aurait donné l'envie de faire ce voyage ; les hommes se mêlent et se confondent, une histoire sourd de cette rencontre fictive, une sorte de roman réel-imaginaire s'écrit ou plutôt se parle car notre narrateur ne se reconnaît pas le talent de l'écrivain.
Fantaisie, poésie, méditation sur l'histoire si douloureuse et contrastée de l'Argentine, évocation des écrivains de ce pays : je finis par m'ennuyer ferme malgré tout cela. L'écriture jaillit en continu, sans guère de respiration, dans un style enveloppant, je ressens la confusion mentale du voyageur et, au bout d'un long moment (113 pages quand même sur 180), je quitte l'avion, comme le vieux qui chante, et je vais jeter un rapide coup d'oeil sur les dernières pages : même pas étonnée !
Est-ce parce que le Boeing de la Malaisya Airlines s'est crashé dans la mer il y a trois semaines et qu'on ne retrouve toujours pas de traces ? Ou bien parce que je décolle pour Boston dans trois jours ? Décidément, je n'accroche pas !
La jeune fille assassinée serait le « symbole de l'Argentine assassinée. Elle serait à la fois la jeunesse citadine et blanche des années 1970, la population ouvrière émigrée du sud de l'Europe au début du XXième siècle,et les tribus indiennes massacrées quelques décennies plus tôt. »