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EAN : 9782268051277
228 pages
Les Editions du Rocher (01/07/2004)
4.17/5   24 notes
Résumé :

Présentation de l'éditeur
Les Creux-de-Maisons, roman que l'on peut qualifier de rural, si ce n'est de ruraliste, constitue l'un des ouvrages les plus représentatifs des centres d'intérêt et du style de son auteur, Ernest Pérochon (1885-1942). Auteur quelque peu négligé, mais non pas oublié, et dont le temps fort de la production littéraire se situe dans les premières décennies du XXe siècle. Prix Goncourt en 1920 pour Nêne, son roman le plus célèbre,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Ce livre résonne aujourd'hui comme un murmure d'apaisement glissé dans l'oreille d'Emile Zola.
Et l'on peut à juste titre penser qu'il a été écrit pour amener quelques idées fortes, de celles qui paraissent d'abord subversives, mais qui ensuite s'imposent comme évidentes.
C'est la quille pour Séverin Pâtureau.
Il vient d'être libéré de ses quatre ans de service militaire.
Il est de retour au pays, à Bressuire, petite ville bonasse, sans importance et lourdaude comme une paysanne ...
Ce roman est une chronique paysanne, une saga familiale, une histoire d'amour, le constat d'une vie gâchée par la misère.
Ce livre n'est pas un de ces romans contemporains qui s'émeût de la misère d'un temps aujourd'hui disparu, ou presque.
Ce récit est ancré dans son époque, lui colle à la peau comme une vieille défroque, comme un souvenir gênant dont on voudrait se débarrasser.
"Les creux de maisons" est paru en 1913, d'abord sous forme de feuilleton dans le journal "l'Humanité", puis en volume à la librairie Plon-Nourrit et Cie.
Son écriture est belle, poignante mais jamais larmoyante.
Il est plein d'expressions et d'images paysannes qu'Ernest Pérochon, par son talent, transforme en jolies tournures, en magnifiques licences littéraires.
Mais le romantisme ici, malgré la beauté du texte, n'a pas eu droit de cité.
Et voici que Zola, au détour d'un paragraphe, au hasard d'une maigre étagère de bibliothèque, voici que Zola s'invite dans l'ouvrage.
C'est qu'Ernest Pérochon, à son contraire, a décidé de montrer que la résilience des habitudes d'honnêteté aide à l'asservissement de l'humble.
Séverin Pâtureau est un brave homme courageux, sans tare, sans vice, et voit pourtant ses espoirs de jeunesse broyés par sa condition.
Le récit de Pérochon, plus authentique, se place plus proche de la réalité paysanne de l'époque que "la Terre" de Zola.
Pourtant, il n'en est pas moins glaçant et terrible.
Ernest Pérochon, reniant le droit de propriété lorsqu'il affame, déniant au "ciel" sa fonction de rédemption, s'y montre finement tout aussi subversif que le maître de Médan.
Certaines images y sont terribles, telles cette jalousie du riche à se sentir moins riche à ce que le pauvre soit moins pauvre.
D'autres y sont très belles, telles une parole donnée, et qui est tenue malgré la menace d'en tout perdre.
Enfin quelques unes sont souriantes telles ce notaire qui a fui avec une jeune drôlesse, cet enfant déclaré en mairie sous le prénom d'un roi.
Ce livre, qui est celui des illusions de jeunesse perdues d'un homme simple, est tout simplement un ouvrage magnifique ...
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Avant l'adaptation cinématographique de son roman Les Gardiennes par Xavier Beauvois, j'avoue très modestement que le nom d'Ernest Pérochon ne m'évoquait pas grand chose. C'est la belle critique des Creux-de-maisons par Gill, ici même, qui m'a incité à aller à la découverte de cet écrivain quelque peu oublié. Et quelle découverte !
Paru en 1913, le roman retrace la vie de Séverin Pâtureau, valet de ferme dans une campagne de l'ouest de la France. le récit s'ouvre par son retour du service militaire, et se clôt à l'aube de ses cinquante ans : trente années chargées de désillusions et des « malheurs de la vie », trente années de misère, évoquées en à peine deux cents pages qui remuent profondément le lecteur.
En matière de roman paysan, on n'est ici ni chez Zola ni chez Giono ; ni dans le naturalisme pointilleux et moins encore dans la transfiguration lyrique : la pauvreté de ces valets et de ces journaliers est poignante, écrasante, et pire que tout : elle paraît immuable. La misère est un héritage que les générations se transmettent avec fatalisme, héritage auquel on n'échappe qu'à travers un exil sans retour. Pérochon se retient de trop marquer l'époque de son récit : les éléments qui pourraient l'inscrire dans un contexte historique précis sont rares, et l'action se déroule en somme dans une sorte de XIXème siècle éternel. Mais dans les dernières pages, l'auteur rompt brutalement avec cette intemporalité et jette à la face de ses lecteurs que oui, en effet, cette misère est bien de leur temps et non d'autrefois.
La langue de Pérochon, aussi sobre que lumineuse, n'a pas pris une ride. Pas de péripétie spectaculaire et aucun mélodrame gratuit dans le récit. le talent de l'auteur force l'admiration dans sa capacité à faire vivre ses situations avec une grande économie de moyens. La moindre phrase sonne juste, et l'ensemble ressuscite pour nous un monde qui a irrémédiablement disparu. C'est une oeuvre littéraire, certes, et c'est aussi un tableau sociologique précieux sur l'univers paysan finissant, à la charnière des XIXème et XXème siècles.
Inutile de s'étendre davantage. le roman prouve à lui tout seul cette nécessité : Ernest Pérochon doit être redécouvert comme il le mérite !
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N°740 – Avril 2014.
LES CREUX DE MAISONS- Ernest Pérochon – Éditions du Rocher.

« Les Creux de Maisons », c'était ces cabanes insalubres du bocage vendéen où se réfugiaient jusqu'au début du XX° siècle les plus pauvres, des journaliers qui n'avaient pour toute richesse que leurs bras et qui travaillaient comme des esclaves pour un salaire de misère ou qui, trop démunis, envoyaient leurs jeunes enfants mendier, souvent pieds nus, de ferme en métairie quelques quignons de pain et de la nourriture ; on les appelait les « cherche-pain ». Séverin Pâtureau a été l'un d'eux. Au début du roman, nous le voyons revenir du service militaire, quatre longues années passées sur la frontière de l'Est de la France, dans une ville de garnison. Il est maintenant un homme comme l'atteste la moustache qu'il porte fièrement puisque, à l'époque, cet épisode de la vie correspondait à un passage initiatique : quand on avait été soldat, tout devenait possible puisqu'on avait servi sa Patrie sous l'uniforme. Il se gage donc comme valet dans les environs de Bressuire et ne tarde pas à rencontrer Delphine, la fille d'un meunier qui l'aimait depuis l'enfance. Il la « fréquente » puis l'épouse. Ils s'établissent eux aussi dans un « creux de maison », lui restant valet et elle travaillant en journées, de quoi vivre heureux, rêver, faire le projet de « prendre une terre », une borderie, c'est à dire travailler pour son compte et non plus pour les autres ou peut-être partir pour les Charentes plus riches et ouvertes au machinisme agricole. Tout cela ne sont que des chimères et, à la suite d'une mauvaise querelle, tout bascule et Séverin perd sa place. le voilà journalier. L'absence totale de contraception qui génère des familles anormalement nombreuses que les parents ne peuvent nourrir, la maladie, la raréfaction du travail font que cette famille connaît la misère, la famine puis la mort de Delphine après son sixième accouchement. Selon la tradition une grand-mère vient aider Séverin à élever ses enfants, mais cette situation nouvelle oblige l'aînée à se transformer en « cherche-pain » à son tour, au grand dam de son père. Certes les Pâtureau sont aidés par la collectivité et Séverin est dur à sa peine malgré son âge mais ils sont pauvres et le seront toute leur vie. Il se fait même braconnier pour survivre et bien entendu il se fait prendre, perd son travail et l'aînée meurt.

Il s'agit d'un roman rural, si on veut l'appeler ainsi où l'auteur dépeint la vie dure d'un monde de paysans pauvres de l'ouest de la France. Dans sa préface, Pérochon indique qu'il ne veut pas se faire le chantre d'une quelconque vision idyllique et pastorale de cette vie mais, au contraire, en dépeindre la rudesse. Pérochon se fait le témoin de ce temps heureusement révolu où les foires n'étaient pas seulement destinées aux transactions commerciales mais servaient aussi à rencontrer son futur conjoint, où la messe était incontournable. Il parle des coiffes, des coutumes, mêlant le patois aux descriptions poétiques de la nature, dénonçant au passage les processions catholiques ou des rituels païens pour faire tomber la pluie ! A travers une galerie de portraits qui témoigne d'une attentive observation, il croque toute une société rurale, n'épargnant ni le clergé ni les maîtres ni les fermiers, campant un décor de misère, fait d'augmentation du coût de la vie, de familles exagérément nombreuses, d'exode rural...

Ce roman paraît en 1912 en feuilleton dans « L'Humanité » puis aux frais de l'auteur l'année suivante. Ernest Pérochon [1885-1942] est alors instituteur dans le nord des Deux-Sèvres. Après sa mobilisation en 1914, il obtint le Prix Goncourt en 1920 pour son roman « Nêne » (paru en 1914), de la même inspiration, grâce au soutien actif de Gaston Chérau [1872-1937] journaliste et écrivain, deux-sévrien comme lui. C'est bien sûr son oeuvre la plus connue mais, à mon avis et sans bien entendu dévaluer en rien les mérites de « Nêne », Pérochon eût mérité ce prix pour « Les Creux de Maisons ». Ce fut le départ de son abondante production romanesque mais il est également l'auteur de poèmes, de contes pour enfants et même de romans de science-fiction. Il devint ensuite un homme de Lettres reconnu jusqu'à sa mort en 1942, victime de brimades de la part du régime de Vichy qu'il refusait de servir. Son oeuvre fut quelque peu oubliée jusqu'en 1985 où l'on célébra le centenaire de sa naissance, date à partir de laquelle ses romans furent réédités et sa mémoire entretenue par des conférences et des expositions. Il est actuellement célébré à la hauteur de son talent et ce n'est que justice pour cet écrivain injustement oublié pendant si longtemps.

J'ai très tôt connu le nom d'Ernest Pérochon, mais pas son oeuvre. En effet, avec Pierre Loti et Anatole France, il était l'auteur des dictées qui à l'époque étaient le quotidien de l'école primaire. C'était pour moi une épreuve redoutée qui ne fut cependant pas une invitation à découvrir ses romans, découverte qui ne vint que bien plus tard. Je l'apprécie maintenant comme un serviteur de notre belle langue française.


©Hervé GAUTIER – Avril 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Défi ABC 2018-2018
Dans le volume des éditions Plon, reliure verte un peu passée (imprimé en 1929) rehaussée de filets dorés, papier un peu jauni, caractères pâlis, j'ai trouvé une publicité pour les autres livres de la même collection, justement intitulée littérature rurale. Pas le pompeux et folklorique "du terroir": point de folklore chez Ernest Pérochon. Mais la vie de la campagne, le travail des paysans, il y a cent ans: ce n'est pas si loin: quatre générations.
Il y a cent ans donc, Séverin revient du régiment, et se loue à un fermier: le travail ne manque pas, la salaire est de misère, mais le gîte et le couvert sont assurés. Séverin a mendié son pain dans son enfance: quand il épouse Delphine, ils ont de beaux projets. La misère pourtant ne lâche pas ses proies, les grossesses sont risquées, les enfants arrivent trop vite, trop nombreux, le travail, épuisant, ne suffit plus à nourrir la famille. La conscience sociale émerge lentement, dans des foyers où le malheur semble s'installer irrémédiablement.
Ernest Pérochon, un auteur un peu oublié (le film tiré des Gardiennes le remettra-t-il en lumière?), a publié de grands romans: Nêne a obtenu le Goncourt en 1920. Il décrit,en instituteur engagé, la vie rurale, telle qu'elle fut, sans misérabilisme complaisant.
Un auteur à découvrir, sans hésiter.
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La misère ruisselle tout au long du récit. Séverin Patureau fait partie des plus pauvres, de ceux que l'on nomme les cherche-pains, en mendiant tantôt un quignon de pain, tantôt un peu de lait et bien trop souvent, ne trouvant rien à se mettre sous la dent pour se remplir l'estomac qui crie famine.

Sa rencontre avec la jolie meunière, répondant au doux nom de Delphine, lui donne un regain d'espoir. Une fois leur union scellée, Séverin se loue dans les fermes avoisinantes, tandis que Delphine se gage comme femme de ménage, espérant économiser suffisamment d'argent pour louer une borderie avec laquelle ils pourront vivre plus aisément. En attendant de voir leur projet aboutir, ils s'installent dans une vieille cabane insalubre comme beaucoup de pauvres de cette période que l'on nomme "Les creux-de- maison ".

Fort de leur amour, tous deux s'acharnent au travail comme des damnés, Delphine ne se posant que peu de temps entre chaque naissance. Hélas, après plusieurs accouchements, la fatigue et la malnutrition auront raison de sa santé et la malheureuse décède dans cet espace insalubre, devenu trop étroit pour toute la famille, laissant derrière elle un mari et des enfants qui vont connaître le même destin que leur père dans sa jeunesse et devenir à leur tour des cherche-pains.

Si cette lecture est d'une noirceur oppressante, l'auteur va droit à l'essentiel, en décrivant avec justesse la misère de cette période très sombre de l'entre guerre qui se termine malgré tout avec une touche d'espoir en demi-teinte.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Séverin sonna la soupe, la visite, l’appel, le couvre-feu. Tout y passa. En deux temps, très nets, il embouchait l’instrument, puis, la sonnerie finie, il l’éloignait d’un brusque lancé de l’avant-bras. Le petit bossu gambillait de joie.

Séverin recommença le couvre-feu; le couvre-feuétait son succès. Cela débutait par de petites explosions, des sons brefs et durs comme des noyaux; puis la dernière note s’allongeait infiniment, passait par dessus la ville, allait jusqu’aux coteaux sombres endormis sous la brume, pour revenir enfin tout près et mourir lentement, comme une haleine.

A la troisième reprise, il tenta d’allonger encore cette note finale, mais le son qui filait, mince, s’épandit soudain en foirade.
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Cette foire de septembre, qui se tenait dans le quartier Saint-Jacques, le quartier neuf de la ville, attirait à Bressuire une grande foule.

La matinée était surtout aux gens de commerce, comme pour les autres foires, mais la soirée était toute à la jeunesse.

Les valets de ferme et les fils de métayers venaient à pied de toute la campagne avoisinante ; il en venait même de fort loin, par bandes matinales ; quelques-uns trouvaient place dans les voitures, qu’on surchargeait pour cette occasion.
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Le Bocage était comme une immense forêt, une forêt aérée et verte d'abord, puis vite plus dense et bleue avec des traînées sombres qui étaient des lignes de sapins; à l'horizon, des houles grises montaient, montaient, et les dernières, toutes pâles, se perdaient dans l'azur attendri, très loin.
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Cependant, à Pâques, les bessons commencèrent à suivre Louise à l’école et leur mère fut un peu soulagée. Comme le bourg était à une bonne demi-lieue, les trois enfants emportaient leur pain et leur fricot pour le repas de midi. Delphine mettait dans leur panier tout ce qu’il y avait chez elle d’à peu près mangeable ; elle trouvait moyen parfois de leur donner des œufs, un œuf et demi plutôt, les bessons devant partager celui qui était entier. Mais aux jours de disette, ce lui était une grande peine de songer que les petits déjeuneraient d’un quartier de pomme ou d’une figue.
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C'était une cabane bossue et lépreuse, à peine plus haute qu'un homme; on descendait à l'intérieur par deux marches de granit; il y faisait très sombre car le jour n'entrait que par une lucarne à deux petits carreaux; l'hiver, il y avait de l'eau partout.
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