Ce livre résonne aujourd'hui comme un murmure d'apaisement glissé dans l'oreille d'
Emile Zola.
Et l'on peut à juste titre penser qu'il a été écrit pour amener quelques idées fortes, de celles qui paraissent d'abord subversives, mais qui ensuite s'imposent comme évidentes.
C'est la quille pour Séverin Pâtureau.
Il vient d'être libéré de ses quatre ans de service militaire.
Il est de retour au pays, à Bressuire, petite ville bonasse, sans importance et lourdaude comme une paysanne ...
Ce roman est une chronique paysanne, une saga familiale, une histoire d'amour, le constat d'une vie gâchée par la misère.
Ce livre n'est pas un de ces romans contemporains qui s'émeût de la misère d'un temps aujourd'hui disparu, ou presque.
Ce récit est ancré dans son époque, lui colle à la peau comme une vieille défroque, comme un souvenir gênant dont on voudrait se débarrasser.
"
Les creux de maisons" est paru en 1913, d'abord sous forme de feuilleton dans le journal "l'Humanité", puis en volume à la librairie Plon-Nourrit et Cie.
Son écriture est belle, poignante mais jamais larmoyante.
Il est plein d'expressions et d'images paysannes qu'
Ernest Pérochon, par son talent, transforme en jolies tournures, en magnifiques licences littéraires.
Mais le romantisme ici, malgré la beauté du texte, n'a pas eu droit de cité.
Et voici que
Zola, au détour d'un paragraphe, au hasard d'une maigre étagère de bibliothèque, voici que
Zola s'invite dans l'ouvrage.
C'est qu'
Ernest Pérochon, à son contraire, a décidé de montrer que la résilience des habitudes d'honnêteté aide à l'asservissement de l'humble.
Séverin Pâtureau est un brave homme courageux, sans tare, sans vice, et voit pourtant ses espoirs de jeunesse broyés par sa condition.
Le récit de
Pérochon, plus authentique, se place plus proche de la réalité paysanne de l'époque que "la Terre" de
Zola.
Pourtant, il n'en est pas moins glaçant et terrible.
Ernest Pérochon, reniant le droit de propriété lorsqu'il affame, déniant au "ciel" sa fonction de rédemption, s'y montre finement tout aussi subversif que le maître de Médan.
Certaines images y sont terribles, telles cette jalousie du riche à se sentir moins riche à ce que le pauvre soit moins pauvre.
D'autres y sont très belles, telles une parole donnée, et qui est tenue malgré la menace d'en tout perdre.
Enfin quelques unes sont souriantes telles ce notaire qui a fui avec une jeune drôlesse, cet enfant déclaré en mairie sous le prénom d'un roi.
Ce livre, qui est celui des illusions de jeunesse perdues d'un homme simple, est tout simplement un ouvrage magnifique ...