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EAN : 9782368481561
128 pages
Tertium (15/03/2014)
4.28/5   18 notes
Résumé :
Responsable d'un horrible accident de chasse, un jeune homme rencontre dans les bois une mystérieuse inconnue qui lui propose son aide. Porté par son amour, il deviendra un puissant seigneur en Poitou et en Bretagne et leurs fils conquerront des royaumes, au Moyen Orient et en Europe.
Mais, bien qu’adorée de tous, la belle Mélusine cache un terrible secret…

Inspiré du célèbre récit de Jean d’Arras et d’une légende très connue, ce roman d’un amo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Ah, comme j'aimerais bien tomber sur des lutins qui la nuit « accomplissent complaisamment les tâches ménagères et disparaissent au matin ». Je dois cependant me contenter de l'aide de mes deux filles pour ce faire et je les gratifie en partie en leur proposant de beaux livres comme celui-ci.

Je précise tout d'abord que l'illustration de couverture et les dessins de l'intérieur sont signés de Sylvain Bourrières et que j'ai, pour ma part, beaucoup apprécié son travail. On est bien loin des représentations de fées à la Walt Disney et c'est tant mieux. Vraiment ! La couverture suggère fort bien des éléments clés de cette histoire, dont notamment les ruines d'une forteresse et une belle et délicate Mélusine. le dessin de la fin du chapitre 3 propose par exemple de beaux effets de lumières et d'ombres, au clair de lune.

Dans sa postface Michèle Perret rappelle qu'elle adapte (c'est également indiqué en sous-titre « d'après le roman de Jean d'Arras, XIVe siècle ») ici une histoire déjà écrite (et traduite de l'ancien français par ses soins comme indiqué dans la bibliographie, Jean d'ARRAS, Mélusine, roman du XIVe siècle. Préface de Jacques LE GOFF, traduction et postface de Michèle PERRET, Stock, 1979) :

« “Telle est la véridique histoire de la puissante forteresse de Lusignan en Poitou et de la noble lignée qui est issue de la fondatrice de cette forteresse, lignée qui régnera jusqu'à la fin du monde…” nous dit Jean d'Arras, un auteur de talent dont nous ne connaissons que le nom et qui, en pleine guerre de Cent Ans, écrivit en français la légende de Mélusine sur les ordres de son seigneur Jean de Berry, un prince du sang qui venait de reprendre la forteresse de Lusignan aux Anglais et se croyait un peu parent avec la fée poitevine. »

C'est donc le fruit d'un travail de longue haleine qui nous est restitué ici. le résultat est charmant, romanesque à souhait.

Insister sur la véracité de l'histoire me semble être une marque de croyance dans les éléments surnaturels ou féeriques qui est propre au conte. C'est aussi un moyen de capter l'attention comme cette touche d'humour de la part de Michèle Perret qui insert une note de bas de page à l'attention des (petits) lecteurs lors qu'il s'agit d'allumer un feu : « pas d'allumettes, bien sûr, à cette époque », ou bien de nous expliquer ce que se signer voulait dire « il ne s'agit pas seulement de s'attirer la protection de Dieu, comme aujourd'hui avant de faire quelque chose de difficile (tirer une question à un examen ou un penalty au foot !) [...] ».

C'est en revanche avec beaucoup de sérieux que d'autres nombreuses notes nous aident à mieux comprendre le contexte historique légendaire, comme celle-ci : « Léger anachronisme : les canons existaient à la fin du XIVe siècle, à l'époque où Jean d'Arras racontait la légende de Mélusine, mais ils n'existaient certes pas encore dans les temps reculés où sont supposés avoir vécu Mélusine et Raymondin ».

De nombreuses belles phrases péremptoires comme « mérite vaut mieux que beauté » ou « et les jugements de Dieu sont si mystérieux que nul homme ne peut les comprendre avec son esprit limité » trottent encore dans l'esprit du lecteur bien après la fin de la lecture.

Le roi Élienor perd sa femme la fée Pressine qui donne naissance à trois filles : Mélusine, Mélior et Palestine. C'est ainsi que commence ce conte de Mélusine où ils sont nombreux à expier des fautes et où on est souvent convié à célébrer un mariage ! Deux appendices nous renseignent sur le sort des deux autres soeurs.

Très belle découverte, au hasard heureux des amitiés qui se nouent sur babelio !
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C'est un exercice toujours très délicat que de faire la critique d'une oeuvre écrite par une personne pour laquelle on a à la fois de la sympathie, de l'estime et de l'admiration. J'ai pris cet engagement auprès d'elle d'en faire une critique la plus impartiale et objective possible.

Pour ce faire, j'ai pris le temps au préalable d'étudier le livre in-extenso avec une classe de CM1/CM2 d'un niveau correct, pas exceptionnel, loin s'en faut, mais pas non plus aussi bas qu'il m'est arrivé d'en croiser. L'avis qui va suivre est donc une espèce de fusion de mon ressenti propre de lecture, de mon ressenti d'enseignante ayant eu à faire étudier ce livre à des élèves et des remarques mêmes des élèves, qui restent les principaux intéressés dans cette expérience.

Le livre se présente sous forme de dix-neuf chapitres allant de 2 à 8 pages (4 à 5 pages de moyenne). Certains chapitres présentent une illustration de pleine page en noir et blanc de Sylvain Bourrières. Autant régler tout de suite leur sort à ces illustrations. Personnellement, elles ne m'ont pas convaincu et ne me semblent rien apporter à l'histoire, mais les élèves, eux, semblent les avoir appréciées et les trouver importantes.

L'histoire est une double adaptation de l'oeuvre de Jean d'Arras intitulée Mélusine ou la noble Histoire des Lusignan, datant de la fin du XIVème siècle. Adaptation en français moderne, tout d'abord, et adaptation pour les enfants d'autre part.

Cette histoire de Jean d'Arras est complexe car à cheval sur différents genres : le récit merveilleux, tout d'abord, quasiment récit mythique fondateur car on retrouve des avatars de Mélusine dans beaucoup de folklores indo-européens depuis des temps immémoriaux. C'est aussi un roman de chevalerie comme il s'en faisait à l'époque et c'est encore une manière de biographie généalogique sur la famille de Lusignan, originaire du Poitou et dont des représentants seront rois qui à Chypre, qui à Jérusalem, qui en Arménie, qui en Bohème ou au Luxembourg, sans oublier une myriade de comtés ou d'autres type de provinces françaises.

Selon moi, il convient d'examiner séparément les deux types d'adaptations que propose Michèle Perret de cette oeuvre. Tout d'abord, l'adaptation en français moderne, qui, je ne pense pas faire vraiment débat là-dessus est très réussie. En rafraîchissant la langue, les cheminements ou des détails tels que les unités de mesure, on a affaire à un texte réellement intelligible au XXIème siècle. L'auteur propose également fréquemment, en bas de page des éléments d'éclaircissement quant au texte même de Jean d'Arras.

Donc, pour le lecteur actuel, une adaptation parfaite en français moderne. En revanche, si je dois donner sincèrement mon opinion sur l'adaptation destinée à des enfants de 9 à 13 ans, la fenêtre d'âge qui semble le coeur de cible de l'ouvrage, mon éloge sera plus mesuré pour les raisons suivantes :

1) En premier lieu, la richesse et la complexité du vocabulaire employé a très fortement nuit à la compréhension. Les élèves n'ont pas décroché parce que je les ai tenus à bout de bras (et un peu menacé, faut être sincère jusqu'au bout). Je ne sais pas si en lecture libre, un seul de mes élèves serait allé au bout. C'est particulièrement vrai pour les termes propres à la chevalerie ou à la religion, deux domaines où les enfants actuels sont quasi vierges de connaissances et de vocabulaire spécifique.

2) En second lieu, la multiplication des personnages, les descendants de Mélusine, dans la seconde moitié du livre, personnages auxquels on n'a pas vraiment le temps de s'habituer ni de s'identifier me semble également un frein. J'ai perçu un net déclin d'intérêt dans cette phase alors que la première partie, ayant le couple Mélusine et Raymondin pour centre, les avait, elle, captivés.

3) Troisièmement, en regard des connaissances limitées des enfants en géographie, une carte présentant les différents lieux de l'histoire aurait été plus que nécessaire. Les élèves n'arrêtaient pas de me demander : c'est où la Marche ? c'est où l'Arménie ? c'est ou Parthenay ? etc., etc.

4) Enfin, pour des enfants de cet âge, le mélange des genres à quelque chose de frustrant et de déroutant. Je m'explique. Ils ont, vers 10 ans, une expérience à la fois des oeuvres de fiction et également des documentaires (historiques ou autres). Ici, du fait que des informations réelles sont constamment entremêlées d'événements peu crédibles, ils ont eu tendance à se sentir menés en bateau et à ne plus croire à rien du tout. C'est susceptible un enfant à cet âge-là, et c'est assez manichéen aussi : soit c'est faux, soit c'est vrai. Quand c'est entrecroisé, ça dérange.

Je vais donc conclure avec cette dernière adaptation, celle destinée spécifiquement à la jeunesse, en disant qu'il aurait très certainement fallu une simplification du vocabulaire et des tournures trop éloignées du quotidien des enfants (ex : vint à passer, eut-on dit, chapellenie, etc.), un débroussaillage plus approfondi sur les descendants de Mélusine sur lesquels on souhaitait se focaliser, une carte des lieux mentionnés, et un documentaire réel, en fin d'ouvrage où les enfants auraient pu avoir accès à " ce qui est vrai " dans l'histoire qu'ils viennent de lire. le simple " repères chronologiques " en fin d'ouvrage ne me semble pas suffisant pour gommer les interrogations germées tout au long du livre.

Bien évidemment, ceci n'est que la véridique histoire de mon avis, qui ne signifie pas grand-chose.
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Je ne vous présente plus cette grande médiéviste qu'est Michèle Perret. Celle-ci avait traduit, dans un premier temps, le texte de Jean d'Arras. Aujourd'hui, elle veut le faire connaître aux plus jeunes. Je trouve l'idée vraiment intéressante. En effet, très souvent, on entend dire que les textes médiévaux sont complexes, peu accessibles. Viennent s'ajouter les préjugés et l'on comprend dès lors que peu de gens lisent cette littérature. En la faisant découvrir dès le plus jeune âge, cela permettra peut-être d'en faire des adeptes, tout au moins d'éveiller leur curiosité.

N'allez pas croire que le texte s'adressant aux jeunes lecteurs, il soit niais ou simpliste. Personnellement, je me suis replongée dans cette histoire avec délice. Et s'il n'y avait pas les dessins illustratifs (que je ne commente pas, chacun se fera sa propre idée), rien ne pourrait dire qu'il s'agit de littérature de jeunesse. C'est avec intelligence et avec un style moderne que Michèle Perret a épuré le texte médiéval. J'ai même presque envie de dire qu'elle l'a dépoussiéré (et c'est moi qui dis ça !) La légende est là, dans toute sa splendeur, réinterprétée avec brio.

Michèle, on en redemande !
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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NastasiaB (voir sa critique) a travaillé pendant plus d'un trimestre ce texte avec sa classe de CM1/CM2 et elle a eu la gentillesse de m'envoyer les appréciations de ses élèves. En voici quelques unes, de très jeunes critiques, que je retranscris « dans leur jus » c'est-à-dire avant demande de correction de l'enseignante. Trop chouette, et une sérieuse leçon d'humilité !
* Bonjour ! J'ai trouvé ce livre super ! Il y a pleins d'aventure. Quand Mélusine avait des enfants et que des garçons, j'était stupéfiée. Il y a beaucoups de mots que je ne connaissais pas, mais j'ai cherchée dans le dictionnaire avec ma classe. J'ai bien aimée le chapitre sept, douze et enfin le chapitre quinze. Sans oublier, tout le monde étaient intéressés au chapitre onze Mélusine au bain. Mais j'ai bien aimé ce livre.
* Cette véridique histoire était très bien. Il y avait beaucoup de batailles, mais les événements magiques m'ont plus. C'était très étonant que, d'une simple peau de cerf on peut recouvrir tout un royaume ou que les fées savent se qu'il se passait alors qu'elle ne sont pas là. j'amais aussi quand Geoffroy à la grande dent combatait les geans. Il y avait beaucoup de vocabulaire qu'on ne connaissait pas, mais ça m'a plus de les connaître.
*Bonjour Michèle Perret. je m'appelle XXX j'ai beaucoup aimer votre histoire car on a rencontré beaucoup de mots et ils étaient très durs puis on les appris. On a eu du mal à le lire, il y a eu du roman, de la tristesse, de la baggare et la serpente puis les monstres horribles et celui qui s'appelle Urien il faisait rire et peur avec sa tête ovale et ses yeux vairons c'était quand même pas mal et l'histoire est très jolie
* Je n'ai pas beaucoup aimé cette histoire car il y avait beaucoup de mots qu'on ne comprenait pas. Et la maîtresse les mettait dans le vocabulaire fortuit. Dès qu'il y a un mot qu'on ne connaît pas on le met dans le vocabulaire fortuit. Et presque toutes les semaines la maîtresse nous donne une nouvelle feuille de vocabulaire fortuit et nous deuvons l'apprendre sinon on a une pénitence (c'est un mot du vocabulaire fortuit) c'est d'écrire cent fois « je fais de mon mieux pour réussir ». Et grâce à cette histoire on a eu au moins cinquante mots. Mais sinon ce n'est pas mal. Mais on ne comprenait pas bien la fin.
* Je n'ai pas trop aimer cette histoire car elle était émouvante et un peut rigolotte. Nous avons eux beaucoup de vocabulaire. J'ai bien aimé la fin et j'ai détester Mélusine dans le bain quand sont (sic !) homme la regarder toute nue toute la classe aller vomir. Moi j'ai aimer la dame blanche dans le château qui était Englai et de Chypre.
* J'ai bien aimé l'histoire, les nouveaux mots pour les apprendre. J'ai pas compris la fin (le dernier paragraphe). Il y avait pas d'animal pas grave, j'ai quand même aimer. […] Encore une mais une histoire avec des chiens et des animaux. »
Un grand merci, Nastasia, pour ce sourire.
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J'ai toujours aimé les contes. Les écouter d'abord, car j'ai cette chance d'avoir eu des conteuses chez moi et pas de télévision.. et puis par la suite, les lire. Et là, l'âge importe si peu ! Quand j'ai tenu en mains ce livre, quand j'ai regardé les illustrations, j'ai compris que je revenais un peu "chez moi", en pays d'Enfance éternelle.
Ce conte né en une époque si lointaine pour nous et ici présenté dans un langage adapté à notre temps, se lit ou plutôt s'entend, ainsi le combat entre le bouillant Geoffrey et le géant, sa fureur contre les moines,ses jurons..., ce conte se regarde dans la foule de détails qui restitue sous notre regard émerveillé, tout le raffinement de ce Moyen-âge qui savait parer ses chevaux d'argent et de pierreries, brocher d'or ses tentures... Tout y est opulence propice à l'évasion et à la rêverie du lecteur. Et Mélusine, me direz-vous ? Comment soulever le voile magique qui la recouvre ? Veuillez donc je vous prie, ouvrir la porte du livre de Michèle Perret, introduisez-vous à sa suite et appréciez en l'écriture à la fois simple et savante, d'un art consommé, qui ne pourra que jeter un sortilège et vous envoûter jusqu'à l'ultime page. Et là encore, aller plus loin avec la postface, les notes et repères chronologiques car outre qu'il dépayse et divertit, ce roman vous révélera les secrets de ce temps-là...
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
La Légende de Persine et Mélusine
Tradition vendéenne

"Si vous essayez de voir une fée
En plein jour
En pleine lumière
En plein midi...
Ça marchera pas !
Les fées
On les surprend parfois à l’aube
Entre deux lumières
Émergeant de la brume
Ou sous la lune pleine"

Elinas, roi d’Écosse, a semé ses suivants au cours d’une partie de chasse. Il est maintenant seul, sur son cheval, au beau milieu de la forêt, gouttant à une tranquillité qui lui est assez peu familière. Il finit par déboucher dans une grande clairière au milieu de laquelle se trouve une fontaine. La fée Persine, reine des fées d’Écosse, s’y baigne. Elle n’entend pas le roi s’approcher, sans doute trompée par les éclats de la chasse qui se perdent dans le lointain. Elle est d’abord surprise, puis elle reconnaît le roi qui reste interdit, bras ballants, devant une telle apparition...
Le roi, en un clin d’œil, des sommets du pouvoir, des cimes de la richesse, tout roi qu’il est, le roi Elinas d’Écosse tombe... en amour.
La fée est sortie de la fontaine et se tient devant lui, magnifique et élancée, entièrement nue... Et le cœur d’Elinas bat la chamade, galope même !
Le cœur du roi se rend à cette femme qui semble si fragile
A cette reine de l’autre monde...
- Je m’appelle Persine, lui dit la fée. Je suis reine de mon peuple et nos deux destins sont désormais intimement entremêlés. Je sais lire les signes et déchiffrer les cœurs, sans jamais me tromper... Et c’est là mon pouvoir ! Nous allons nous marier, ô roi... Mais avant tu dois me promettre, que jamais tu ne chercheras à me voir du temps de mes couches.
Ainsi parle la fée, et le roi fait le serment attendu.

Les épousailles sont bientôt célébrées et le bonheur règne sur le pays. De leur union naissent trois filles : Mélusine, Mélior et Palestine. Il sont heureux...
Un temps...

Mais le bonheur, ça ne peut que se flétrir. Comme une fleur.

Mataquas, le fils maudit, premier né du roi, d’un premier mariage. Mataquas le jaloux, le fourbe... Mataquas pue-la-haine !
- Pourquoi donc, mon noble père, mon puissant roi, pourquoi cet interdit ? Il y a là-dessous, à n’en point douter, quelque mystère qu’on cherche à vous cacher, quelque trahison sur laquelle on ne voudrait pas que vous portiez les yeux, de peur de votre juste courroux. Ne point la voir du temps de ses couches... Vous êtes en votre royaume ! C’est vous qui commandez !
Le roi est noble et fier, alors au tout début, il refuse d’écouter les paroles de son fils. Manquer à sa promesse, il n’en est pas question une seule seconde...
Mais deux secondes, déjà, c’est bien plus long...
Et les jours
Les mois
Et le venin qui coule intarissable...
Le venin
Qui coule
Intarissable
Le roi est noble et fier, alors il finit par douter. Les démons le tourmentent et lui, seul, il résiste. Mais des démons, on en a toujours à ne plus savoir qu’en faire...
Elinas, roi d’Écosse, car il est noble et fier, entre dans la chambre où Persine baigne ses trois petites.
Persine pousse un hurlement, et au dessus du bruit des larmes de ses filles, désespérée elle lance à Elinas :
- Tu m’as trahie et nos cœurs se déchirent ! Désormais, et par ta faute, je suis perdue pour toi !
Sans un adieu, ni un dernier regard, elle s’envole en fumée avec ses enfants enveloppés dans une serviette rouge. La baignoire est vide, l’eau s’est évaporée, et l’on raconte qu’Elinas effondré l’a remplie de ses larmes.

Persine s’en est allée dans l’île enchantée d’Avallon. Elle y élève ses filles pendant quinze ans. Et chaque matin, un peu avant le jour, elle conduit Mélusine, Mélior et Palestine au sommet de la montagne Fleurie d’Eléonos. De là, elles contemplent le lever du soleil sur les rivages d’Écosse que l’on devine au loin.
- Voyez, mes filles, c’est là que nous aurions dû vivre, heureuses, si votre père n’avait pas manqué à sa parole. La joie aurait été notre quotidien alors que désormais nous sommes condamnées à cette misérable condition...
L’amertume, la nostalgie hantent le cœur de Persine qui ressasse sans arrêt le récit de sa tragique épopée.
Un jour, l’aînée, Mélusine, réunit ses deux sœurs en secret pour les entretenir d’un plan :
- Pendant ce temps qui est passé, j’ai bien réfléchi... Tout est la faute d’Elinas, notre père. Nous sommes maintenant versées dans les sciences magiques... Il serait juste qu’il paie encore plus durement le tourment dans lequel il nous a plongé.
Il serait juste
Qu’il paie
Encore plus durement
Le tourment dans lequel il nous a plongé !

Les sœurs acquiescent ; le roi d’Écosse se retrouve enfermé dans la montagne de Northumberland, que l’on appelle encore Brumblerio. A tout jamais...
Enfermé !
Il serait juste
Qu’il paie
Encore plus durement
Le tourment dans lequel il nous a plongé !

Les enfants sont cruels...

- Misérable filles ! leur dit leur mère quand elle apprend la nouvelle. Qui êtes-vous pour oser juger le destin ? Qui croyez-vous être pour vous substituer à son bras vengeur ? Qui pensiez-vous ainsi châtier ? Vous n’avez plus votre place sur l’île enchantée d’Avallon et nous devons ce jour nous séparer pour ne plus nous revoir.
Elle s’adresse alors plus particulièrement à Mélusine :
- Quant à toi, qui est la plus savante, toi par qui tout est arrivé, écoute maintenant quel est ton châtiment. Tu seras désormais, chaque samedi, Serpente du nombril jusqu’aux pieds. Si jamais tu viens à te marier, ton mari ne devra jamais te voir sous cet aspect ni connaître ton lourd secret. A cette condition tu vivras et mourras comme une femme, sinon tu connaîtras la solitude et les tourments sans fin ! Mais quoiqu’il en soit tu seras la source d’une noble et courageuse descendance qui commettra de hauts faits.
Adieu, ma première fille, et ne reviens jamais...
Les trois sœurs se sont séparées ; Persine, quant à elle, est restée en Avallon, toute seule avec ses souvenirs et son chagrin.
Mélior deviendra reine des étoiles filantes et Palestine princesse des cygnes blancs. Mais ce sont là d’autres histoires...
La jeune Mélusine va par les chemins, elle arrive en terre de France et erre dans les forêts du Poitou. Au fil du temps, son cœur s’apaise et une belle nuit, elle lit dans les étoiles qu’elle est désormais capable d’aimer. Alors, comme le soleil se lève, du plus profond d’elle jaillit un rire pur et cristallin...
Et le temps passe encore et une belle nuit, elle lit dans les étoiles que désormais elle pourra elle aussi être aimée. Elle se rend alors à la fontaine de Sé, au milieu de la forêt de Colombiers. Là, elle quitte sa robe et entre dans l’eau claire pour s’y baigner au clair de la lune.

Cette même nuit, le jeune Raymondin galope dans la forêt . Droit devant lui, il ne fait rien pour éviter les branchages qui viennent lui déchirer le visage. Il a mal, la douleur le déchire car la fatalité a fait de lui un meurtrier. En effet, lors d’un terrible accident de chasse il a ôté la vie à son oncle Aimeri, le comte du Poitou.
Il galope pour oublier.
Si seulement il pouvait oublier !
Il galope sur sa monture hors d’haleine qui l’accompagne au bout de la folie...
La chevauchée maudite débouche dans une clairière où soudainement le cheval se met au pas. Raymondin pose pied à terre... et il s’approche de la fontaine, comme hypnotisé.
- Je t’attendais, lui dit la fée. Il n’y a pas de mots qui puissent te consoler, pas d’actes qui puissent revenir contre le temps passé. C’est le destin, nous devons y faire face car c’est le lot de toute créature qui pense et qui respire au monde.

Et Raymondin, en un clin d’œil, des profondeurs de la folie, des abîmes du désespoir, là où l’obscurité est si opaque que l’on s’y prend les pieds et que l’on tombe encore plus bas, et que l’on se relève pour tomber encore, et bien Raymondin est illuminé... par l’amour.
- Il faisait froid, dit-il. Mais cette étrange chaleur tout d’un coup... C’est vous ?
- Mais non, c’est toi !
- ...
- Je m’appelle Mélusine. Je vais t’accompagner et nous allons nous marier, Raymondin. Mais avant, tu dois promettre, tu dois me jurer que jamais que tu ne chercheras à me voir le samedi. A cette seule condition nous serons heureux.
Et Raymondin fait le serment attendu.

Mélusine lui conseille de retourner à la cour du nouveau comte du Poitou et de lui dire toute la vérité sur l’accident de chasse. Raymondin écoute son conseil, on lui pardonne, et il obtient même pour son mariage le fief de Lusignan.
Peut-être la fée a-t-elle tiré magiquement dans l’ombre les ficelles du destin en faveur de Raymondin... Qu’importe, les premières démonstrations au grand jour de ses pouvoirs sont spectaculaires : la nuit précédent les noces, elle bâtit une chapelle où a lieu la cérémonie et la forteresse de Lusignan dans laquelle le jeune couple s’installe.
Le bonheur est là, le pays est prospère.
Chaque nuit, Mélusine fait construire des châteaux, des abbayes et des chapelles, au petit peuple de la terre. Gnomes, lutins, farfadets, korrigans, à son service, de quelques pierres et d’un peu d’eau érigent les tours, clochers, dressent vers le ciel édifices et villes entières avant que le soleil ne reprenne sa course. Vouvant, Mervent, les forteresses de Tiffauge, Talmont et Partenay, la tour de Saint-Maixent, les tours de garde de La Rochelle et de Niort, l’église de Saint-Paul-en-Gâtine, et bien d’autres... Toutes ont eut le même architecte : Mélusine. Et si un curieux surprend la bâtisseuse au travail, elle s’arrête et laisse le chantier en l’état. C’est pour cette raison qu’il manque une fenêtre à Merrigoute ou la dernière pierre de la flèche de l’église de Parthenay.
Personne ne s’étonne ! Comme si c’était normal...
Parfois aussi on entend son rire enfantin qui soulage les peines les plus lourdes à porter.....

http://feeclochette.chez.com/Ailleurs/persine.htm

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Seuls les hommes prétentieux ne croient pas au surnaturel.
En effet, notre pauvre intelligence humaine ne peut comprendre les mystères de toute la création divine, visible et invisible. Contentons-nous de faire acte d’humilité, d’admettre qu’il existe des choses surnaturelles qui nous échappent et de nous en émerveiller !
Ainsi je suis convaincu que certains prodiges, comme par exemple ceux qu’on attribue aux fées, sont bien réels. D’ailleurs, récits populaires et livres savants en portent témoignage et nos anciens nous ont souvent rapporté des rencontres avec ces créatures nocturnes qu’on appelle « lutins », « enchanteurs » ou « bonnes dames ». Aujourd’hui encore on dit en avoir vues ici ou ailleurs.
On raconte que les lutins entrent la nuit dans les maisons sans ouvrir les portes, enlèvent les bébés, les estropient ou les jettent dans le feu, et qu’à leur départ, ils les rétablissent en aussi bonne santé que si rien ne s’était passé[…]
On voit aussi parfois, la nuit, au coin du feu, des femmes qui ont l’air de petites vieilles ridées et rabougries. Elles accomplissent complaisamment les tâches ménagères et disparaissent au matin.
On dit qu’il arrive que ces êtres fantastiques prennent l’apparence de très belles femmes, et que plusieurs hommes en ont épousé. Elles leur font jurer de respecter certaines conditions : de ne jamais les voir nues ou de ne jamais chercher à savoir ce qu’elles font le samedi ou encore de ne jamais chercher à les voir pendants leur couches si elles ont des enfants. Tant qu’ils observent ces conditions, ils jouissent d’une situation élevée et d’une grande prospérité […]
Mais trêve d’anecdotes. Je ne les ai proposées, moi Jean d’Arras, qui commence cet ouvrage le mercredi avant la saint Clément, en l’an de grâce 1392, que parce que mon récit à pour objet l’histoire de la fondation de la noble forteresse de Lusignan en Poitou par une créature surnaturelle, par une fée. Et cette histoire est la pure vérité, tirée de chroniques authentiques, sans y ajouter d’inventions ou de digressions.[..]
Préface de JEAN d’ARRAS (Novembre 1392)
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Le lendemain, les festivités recommencèrent et durèrent quinze jours. Mélusine combla de joyaux de prix les dames et les demoiselles, les chevaliers et les écuyers. Et tous reconnurent que Raymondin avait fait un noble et puissant mariage.

- Mais dites-moi, demanda encore une fois le Comte de Poitiers, à quel lignage appartient votre femme. Lorsque le vieux chevalier nous a accueillis, il nous a indiqué que sa maîtresse s'appelait Mélusine d'Albanie. Je vous prie donc de nous dire quel est ce lignage ? Elle doit être de très noble origine.

Les frères de Raymondin manifestèrent la même curiosité. Mais le jeune homme leur répondit :

- Jamais je ne me suis posé sur ma femme autant de questions que vous venez de le faire. Mais je peux vous assurer qu'elle est la fille d'un grand roi.

La parenté de Raymondin dut se satisfaire de cette réponse.
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Quant à la légende, elle est toujours vivace : allez en terre poitevine et vous verrez la haute falaise sur laquelle s’élevait la forteresse aujourd’hui détruite, vous verrez les ruines de la puissante abbaye de Maillezais, vous verrez des dizaines de châteaux dont on vous dira qu’ils ont été construits par la bonne dame qui transportait, la nuit, les pierres dans son tablier, et sur le bord de la fenêtre de l’un d’entre eux, on vous montrera même l’empreinte qu’elle laissa de son pied, le jour où elle s’envola pour ne plus jamais revenir.
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- Mon cher frère, je ne dois pas vous cacher votre déshonneur. Le bruit court partout que votre femme se livre à la débauche tous les samedis. Et vous, vous êtes si aveugle à son égard que vous n'osez pas chercher à savoir où elle va ! D'autres soutiennent que votre femme est un esprit enchanté qui fait sa pénitence le samedi. Je ne sais que croire, mais je ne puis tolérer ces murmures et je suis venu ici pour vous en informer.
À ces mots, ivre de colère, Raymondin repoussa la table, se précipita dans sa chambre pour chercher son épée et courut vers l'endroit où il savait que Mélusine se retirait tous les samedis.

Chapitre 11.
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