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EAN : 9782080800107
493 pages
Flammarion (30/11/-1)
3.9/5   29 notes
Résumé :

Les femmes font aujourd'hui du bruit ? C'est en regard du silence dans lequel les a tenues la société depuis des siècles. Silence des exploits guerriers ou techniques, silence des livres et des images, silence surtout du récit historique qu'interroge justement l'historienne. Car derrière les murs des couvents ou des maisons bourgeoises, dans l'intimité de leurs journaux ou dans les confidences distraites du passé, dans l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ce livre est en réalité un recueil d'articles au sujet de la place des femmes dans L Histoire.
On trouve des articles assez disparates, différents, ce qui permet somme toute de ne pas s'ennuyer. En effet, c'est un ouvrage très complet qui mêle politique, sociologie et extraits de littératures qui témoignent de la pensée, des idéologies, de leur temps. Ainsi nous sommes face à une étude très complète tant elle brasse de sujets, de manière juste, documentée, et joliment écrit en plus.

On trouve un assez long article en début d'ouvrage au sujet de la correspondance des trois filles Marx.
C'est d'ailleurs fort intéressant d'ouvrir le livre sur le thème de la correspondance, que la chercheuse semble avoir étudié. Elle montre que la correspondance - qui au début n'était pas affaire de femmes car écrire était réservé aux hommes - faisait que la sphère privée (souvent personnifiée par le mari) empêchait la femme de s'exprimer, et donc de passer dans la sphère publique.
Ainsi, la femme se cachait pour pouvoir correspondre, écrire, cela semble enfantin de se cacher pour cela, mais c'est est aussi un acte de résistance. L'homme refuse à la femme cette place publique, c'est une évasion par les lettres. Ainsi, l'autrice montre la pertinence de la correspondance dans la mémoire des femmes grâce à la correspondance des trois filles de Karl Marx dont elle fait l'étude. Cette étude de recueil de lettre nous apprend des choses intéressantes, mais est surtout superbement menée.

Ainsi, les presque 200 premières pages, sont des études de correspondances diverses, de journaux d'une femme issue de la noblesse vivant à Paris, puis le journal d'une mère à sa fille. L'autrice utilise le privé, pour parler d'une condition bien plus large des femmes à une certaine époque. Exposé fascinant, entre le récit de vie et manifestation de la société.
Il y a quelque chose de touchant, de désuet, d'équivoque, dans ce temps révolu maintenant, mais dont on peut retrouver des traces de poussière aujourd'hui.

S'en vient ensuite une étude de la femme au travail, dans le cercle social, extérieur à l'intime, extérieur au privé. de son rôle dans la production, dans les grèves des usines, en passant par son rôle politique, la femme devient elle aussi animal politique, pierre à l'édifice de la construction du pays. Elle n'a non plus seulement un travail domestique, celui de coudre, d'entretenir la maison, de nourrir les enfants, non, désormais elle a aussi sa place à l'usine, travailleuse visible.
D'intéressants passages se succèdent au sujet de la vie ouvrière. Ouvriers d'abord jetés dans les cités, entassés dans des logements aux loyers trop élevés, déracinés de leurs campagnes. Plus tard, l'architecture haussmannienne les chasse des faubourgs aux périphéries crasses. Incroyable histoire de l'urbanisme à travers celles des femmes, icônes, gérantes et déesses malheureuses du foyer.

Le livre propose donc une belle progression dans ces analyses, offrant un large éventail : industrialisation, usine, grève, de la première partie aux correspondances bourgeoises, à une lutte des classes féministes qui n'a encore jamais vu l'émergence de ces deux termes.

Enfin, on ne peut parler de l'Histoire des femmes sans questionner ce qu'est L Histoire des femmes : se demander s'il y a donc une Histoire des hommes ? Ainsi, l'ouvrage se termine avec une étude, en plusieurs chapitres, elle même fondée sur diverses études qui parle de diverses approches de l'Histoire des femmes. On retrouve une analyse de celle de Foucault par exemple.
Le livre s'achève donc en tentant de répondre à ces questions, liste non exhaustive : depuis quand L Histoire des femmes est elle considérée comme à part entière ? Quelles en ont été les grandes lignes, les innovations qui en ont decoulées ? C'est aussi l'occasion d'actualiser certaines études et pensées.

Bref, très intéressant, un gros morceaux qui donne envie de creuser beaucoup de sous thèmes.
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Première édition 1998.
Introduction:
«Silencieuses, les femmes? Mais on entend qu'elles, diront certains de nos contemporains qui éprouvent jusqu'à l'angoisse l'impression de leur irrésistible ascension et de leur parole envahissante. «Elles, elles, elles, toujours elles, voraces, pépiantes…» mais plus seulement dans les salons de thé, débordant désormais du privé au public, de l'enseignement au prétoire, des couvents aux médias et même au Parlement!
Certes. L'irruption d'une présence et d'une parole féminines en des lieux qui leur étaient jusque-là interdits, ou peu familiers, est une innovation du dernier demi-siècle (le 20ème) qui change l'horizon sonore. Il subsiste pourtant bien des zones muettes et, en ce qui concerne le passé, un océan de silence, lié au partage inégal des traces, de la mémoire et, plus encore, de l'Histoire, ce récit qui, si longtemps, a «oublié» les femmes, comme si, vouées à l'obscurité de la reproduction, inénarrable, elles étaient hors du temps, du moins hors évènement.
Au commencement était le Verbe, mais le Verbe était Dieu et Homme. le silence est l'ordinaire des femmes. Il convient à leur position seconde et subordonnée. (…)
Le silence est un commandement réitéré à travers les siècles par les religions, les systèmes politiques et les manuels de savoir-vivre. (…)
Parce qu'elles apparaissent moins dans l'espace public, objet majeur de l'observation et du récit, on parle peu d'elles, et ce, d'autant moins que le récitant est un homme qui s'accommode d'une coutumière absence, use d'un masculin universel, de stéréotypes globalisants ou de l'unicité supposée d'un genre : LA FEMME. (…) Les femmes sont imaginées beaucoup plus que décrites ou racontées, et faire leur histoire, c'est d'abord, inévitablement, se heurter à ce bloc de représentations qui les recouvrent et qu'il faut nécessairement analyser, sans savoir comment elles-mêmes les voyaient et les vivaient…
C'est le regard qui fait l'Histoire. Au coeur de tout récit historique, il y a la volonté de savoir. En ce qui concerne les femmes, elle a longtemps manqué. Écrire l'histoire des femmes suppose qu'on les prenne au sérieux, qu'on accorde au rapport des sexes un poids, même relatif, dans les évènements ou dans l'évolution des sociétés. (…)
Ce livre est une réunion d'articles sur l'histoire des femmes. »
Page 138, au 19ème siècle, la situation des femmes ouvrières, payées deux fois moins que les hommes est grave :
« Mourir de faim ou perdre son honneur. »
Page 227 ;
«Une femme ne doit pas sortir du cercle étroit tracé autour d'elle», dit Marie-Reine Guindorf, ouvrière, saint-simonienne, acharnée à briser cet enfermement et qui se suicidera de cet échec. Les hommes du 19ème siècle, ont en effet, tenter d'endiguer cette puissance montante des femmes, si fortement ressentie à l'ère des Lumières et dans les Révolutions, dont on leur attribuerait volontiers les malheurs, non seulement en les enfermant à la maison, et en les excluant de certains domaines d'activité — la création littéraire et artistique, la production industrielle et les échanges, la politique et l'histoire — mais plus encore en canalisant leur énergie vers le domestique revalorisé, voire vers le social domestiqué.
Des espaces qui leur étaient laissés ou confiés, des femmes ont pu s'emparer pour développer leur influence jusqu'aux portes du pouvoir. Elles y ont trouvé les linéaments d'une culture, matrice d'une «conscience de genre». Elles ont aussi tenté d'en sortir pour avoir enfin place partout. Sortir physiquement: déambuler hors de chez soi, dans la rue, pénétrer les lieux interdits — un café, un meeting — voyager. Sortir moralement des rôles assignés, se faire une opinion, passer de l'assujettissement à l'indépendance: ce qui peut se faire dans le public comme dans le privé.»

Ce livre est une réunions d'articles de Michelle Perrot sur l'Histoire des femmes qu'elle cherche dans leurs écrits privés (journaux intimes, correspondances), dans les archives des mairies, Église, police, syndicats d'ouvriers…
Patiemment, inlassablement, elle nous livre l'Histoire des femmes et c'est passionnant comme lire plusieurs romans les uns à la suite des autres.
Lien : https://www.gabrielle-dubois..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
[...] leur posture normale [des femmes] est l'écoute, l'attente, le repli des mots au fond d'elles-mêmes. Accepter, se conformer, obéir, se soumettre et se taire. Car ce silence, imposé par l'ordre symbolique, n'est pas seulement celui de la parole, mais aussi celui de l'expression, gestuelle ou scripturaire. Le corps des femmes, leur tête, leur visage parfois doivent être couverts, et même voilés. "Les femmes sont faites pour cacher leur vie" dans l'ombre du gynécée, du couvent ou de la maison. Et l'accès au livre et à l'écriture, mode de communication distanciée et serpentine, susceptible et déjouer les clôtures et de pénétrer dans l'intimité la mieux gardée, de troubler un imaginaire toujours prêt aux tentations du rêve, leur fût longtemps refusé, ou parcimonieusement accordé, comme une porte entr'ouverte vers l'infini du désir.
Car le silence était à la fois discipline du monde, des familles et des corps, règle politique, sociale, familiale -les murs de la maison étouffent les cris des femmes et des enfants battus- personnelle. Une femme convenable ne se plaint pas, ne se confie pas, excepté chez les catholiques à son confesseur, ne se livre pas. La pudeur est sa vertu, le silence, son honneur, au point de devenir une seconde nature, l'impossibilité de parler d'elles finissant par abolir son être-même, ou du moins ce qu'on peut en savoir. Telles ces vieilles femmes murées dans un mutisme d'outre-tombe, dont on ne discerne plus s'il est volonté de se taire, incapacité à communiquer ou absence d'une pensée dissoute à force de ne pouvoir s'exprimer.
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Ce silence profond, les femmes n'y sont pas seules. Il enveloppe le continent perdu des vies englouties dans l'oubli où s'abolit la masse de l'humanité. Mais il pèse plus lourdement encore sur elles, en raison de l'inégalité des sexes, cette "valence différentielle" (Françoise Héritier) qui structure le passé des sociétés. Il est la donnée première où s'enracine la seconde : la déficience des traces relatives aux femmes et qui rend si difficile, quoique très différemment selon les époques, leur appréhension dans le temps. Parce qu'elles apparaissent moins dans l'espace public, objet majeur de l'observation et du récit, on parle peu d'elles, et ce, d'autant moins que le récitant est un homme qui s'accommode d'une coutumière absence, use d'un masculin universel, de stéréotypes globalisants ou de l'unicité supposée d'un genre : LA FEMME. Le manque d'informations concrètes et circonstanciées contraste avec l'abondance des discours et la profusion des images. Les femmes sont imaginées beaucoup plus que décrites ou racontées, et faire leur histoire, c'est d'abord, inévitablement, se heurter à ce bloc de représentations qui les recouvrent et qu'il faut nécessairement analyser, sans savoir comment elles-mêmes les voyaient et les vivaient, comme l'ont fait surtout, en l'occurrence, les historiens de l'Antiquité tels François Lissarague, déployant la bande dessinée des vases grecs, ou du Moyen-Age. On verra les perplexités d'un Georges Duby, scrutant les images médiévales, ou d'un Paul Veyne, disséquant les fresques de la Villa des Mystères. L'un et l'autre concluent au caractère mâle des oeuvres et du regard et s'interrogent sur le degré d'adhésion des femmes à cette figuration d'elles-mêmes.
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L'irruption d'une présence et d'une parole féminines en des lieux qui leur étaient jusque-là interdits, ou peu familiers, est une innovation du dernier demi-siècle qui change l'horizon sonore. Il subsiste pourtant bien des zones muettes et, en ce qui concerne le passé, un océan de silence, lié au partage inégal des traces, de la mémoire et, plus encore, de l'Histoire, ce récit qui, si longtemps, a "oublié" les femmes, comme si, vouées à l'obscurité de la reproduction, inénarrable, elles étaient hors du temps, du moins hors événement.
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Silencieuses, les femmes? Mais on entend qu’elles, diront certains de nos contemporains qui éprouvent jusqu’à l’angoisse l’impression de leur irrésistible ascension et de leur parole envahissante. «Elles, elles, elles, toujours elles, voraces, pépiantes…» mais plus seulement dans les salons de thé, débordant désormais du privé au public, de l’enseignement au prétoire, des couvents aux médias et même au Parlement!
Certes. L’irruption d’une présence et d’une parole féminines en des lieux qui leur étaient jusque-là interdits, ou peu familiers, est une innovation du dernier demi-siècle (le 20ème) qui change l’horizon sonore. Il subsiste pourtant bien des zones muettes et, en ce qui concerne le passé, un océan de silence, lié au partage inégal des traces, de la mémoire et, plus encore, de l’Histoire, ce récit qui, si longtemps, a «oublié» les femmes, comme si, vouées à l’obscurité de la reproduction, inénarrable, elles étaient hors du temps, du moins hors évènement.
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Mais les femmes sont ensuite captives de ces métiers qui les accaparent et ne leur offrent guère, par ailleurs, de perspective de promotion salariale ou sociale, tant ils sont volontairement bornés. "Faire carrière" est de toute manière une notion peu féminine ; pour une femme, l'ambition, signe incongru de virilité, est déplacée.
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Suite à la publication de Jean Cavaillès - Résistant ou la pensée en actes (Flammarion, 2002), ouvrage collectif dirigé par l'historien Jean-Pierre Azéma, ce dernier retrace la vie de Jean Cavaillès (1903-1944), philosophe, mathématicien et résistant de la première heure.
Retrouvez l'épisode sur toutes les plateformes de podcast : https://urlz.fr/q8Ye
Présentation d'ouvrage issue de l'édition 2002 des Rendez-vous de l'histoire sur le thème "L'étranger". 
© Jean-Pierre Azéma, 2002. Voix du générique : Michel Hagnerelle (2006), Michaelle Jean (2016), Michelle Perrot (2002) 
https://rdv-histoire.com/
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