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Jean-Claude Capèle (Traducteur)
EAN : 9782253047735
186 pages
Le Livre de Poche (03/11/1988)
3.88/5   75 notes
Résumé :
Le 2 mars 1932, Georg Friedrich Amberg, jeune médecin récemment engagé par le baron von Malchin pour soigner les paysans de son village de Morwede, émerge d'un long coma dans un hôpital d'Osnabrück en Westphalie. A peine les terribles événements des cinq dernières semaines lui sont-ils revenus en mémoire qu'il s'enquiert, auprès de l'infirmière et du médecin-chef, du baron, de Bibiche, sa bien-aimée menacée de mort, de la révolte, mais on lui rétorque qu'il divague,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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SOMMES NOUS VRAIMENT CE QUE NOUS SOMMES ?

Entamer un roman de Leo Perutz, c'est à coup sûr se retrouver dans une autre part de soi, de nous. C'est aller au-delà du vraisemblant tout en s'escrimant à y rester inconfortablement accroché. La Neige de saint Pierre ne déroge pas à cette règle, qui nous emmène aux confins de la réalité et du rêve, entre certitudes et questionnements, entre manipulation et expérimentation, entre conviction et doute.

Et la confrontation violente de tous ces antagonismes, le jeune médecin Georg Friedrich Amberg va l'éprouver dès les premières pages de ce roman confession, tandis qu'il reprend ses esprits dans un hôpital où il est convaincu s'être retrouvé suite à une véritable scène de pugilat et de révolte - au cours de laquelle il est persuadé avec récolté une balle qui ne lui était pas destinée - scène d'émeute qui aurait eu lieu moins d'une semaine auparavant, en cette fin janvier neigeuse, tandis que les praticiens qui l'entourent, en particulier un ancien collègue de recherche, ne cessent de lui affirmer qu'il est là depuis un peu plus de cinq semaines suite à un malheureux accident de la circulation au cours duquel il a bien failli perdre la vie !

Bien évidemment, Amberg est persuadé détenir la vérité, SA vérité. Alors, dans le silence de sa chambre d'hôpital, tout juste troublé par les soins qu'il doit subir, ainsi que par les regards en biais d'un homme qu'il est certain de reconnaître comme étant l'un des principaux protagoniste de cette étrange affaire - un prince russe en exil et réduit à la misère comme nombre de ses semblables depuis la révolution bolchevique, nommé Praxatine -, Georg Friedrich tâche de se remémorer les événements des supposés jours derniers.

Il se souvient de son existence et de ses études berlinoises, la médecine, entamée sans vocation sur les injonctions de la tante qui l'a recueilli après le décès prématuré de son père, un historien connu mais vivant chichement. de sa rencontre, dans un centre de recherche, d'avec une belle et fascinante jeune femme d'origine grecque, Kallisto Tsanaris, surnommée Bibiche. de son départ plus ou moins précipité de Berlin où il ne trouve pas de clientèle, étant parfaitement désargenté, pour une offre d'emploi obtenue sans grand engouement au coeur d'un petit village perdu de la triste campagne de Westphalie, non loin d'Osnabrück.

Là l'y attendent le baron von Malchin, une ancienne et étrange connaissance de son père, le fameux Prince russe devenu son régisseur, cette Bibiche tant chérie - de manière parfaitement platonique et secrète - par le jeune médecin et requise dans cette aventure pour ses connaissances en biologie, un vieux curé débonnaire mais sans force, un instituteur complotiste, une populace pauvre, sans grand rêve ni désir, la fille du baron, malade de la scarlatine et d'une constitution fragile (que l'on verra fort peu), et de son fils adoptif, Frederico, supposé être l'ultime descendant direct de l'empereur Frédéric II.

Permettez une petite digression historique : mort en 1250, Frédéric II fut un régnant hors du commun au point qu'il fut surnommé, entre autre, la « Stupeur du monde ». Aucun de ses fils ne parvenant à reprendre sa succession, il sera le dernier empereur Hohenstaufen du Saint Empire Romain Germanique. Après son décès se profila ce qu'on appellera le "Grand interrègne", laissant place à une lutte sans merci entre les guelfe et les gibelins - à laquelle se mêlèrent activement les papes d'alors, contre les Hohenstaufen - et à la fin duquel ce fut la famille des Habsbourg qui se retrouva sur le trône impérial. Même si ce n'est qu'en filigrane dans le roman de Leo Perutz, et méconnu des français, cette idée de rétablir un grand Reich originel et supposé pur et parfait, sur une base totalement fantasmatique, abracadabrante, était assurément d'une parfaite limpidité aux yeux du lecteur germanophone et, bien entendu, des autorités nazis en Allemagne. Un exemple de plus de cet humour fin mais très grinçant qu'affectionnait tant le pragois...

Si ce Frederico, descendant supposé bien que terriblement lointain de son homonyme germanique a été adopté par ce baron un peu dérangé c'est que ce dernier espère lui redonner son trône ! Pour se faire, il veut manipuler les foules afin qu'elles retrouvent le niveau de foi religieuse qu'elle connaissait en ces temps immémoriaux et médiévaux. Mais si le baron est pris d'une idée fixe, il n'est pas totalement fou : il sait bien que son époque est top légère, trop frivole pour retrouver la foi "pure" des ancêtres. Aussi espère-t-il produire cet intangible renouveau spirituel par le biais d'une substance chimique, La Neige de saint Pierre, encore appelée ailleurs "le moine mendiant", la "moisissure de saint Jean" ou encore "le feu de la Sainte Vierge"...!
Cette moisissure, ce champignon microscopique, s'amalgamant à la farine du blé dont elle était issue, aurait provoqué de véritable crises mystiques à grande échelle et c'est donc ce que le baron, malgré la désapprobation définitive de son ami le curé du village - qui craint plutôt l'émergence de Moloch, la foi ne pouvant être pour lui que le fruit d'une longue recherche intime - souhaite faire renaître afin de recréer de toute pièce, et par la volonté d'une populace sous dopant, l'antique Saint Empire...

Au passage, il est fort probable que Leo Perutz se soit inspiré des ravages longtemps causés par un autre champignon parasite, l'ergot du seigle, qui rendait "fou" ceux qui en avaient ingurgité. le surnom donné à ce mal était "mal des ardents" ou "feu de saint Antoine", bien entendu attribué à de la sorcellerie ou à des pouvoirs démoniaques. Faisant à nouveau jouer son sens de l'humour indémontable, l'auteur du roman "Le Maître du Jugement dernier" inverse ainsi les valeurs, transformant donc une moisissure qui fit jadis des centaines de milliers de morts en bénédiction pour la foi, se moquant finalement de tout cela avec un rire que l'on imagine aussi discret qu'immensément sarcastique. Cet homme-là est -
généreusement - diabolique ! Notons au passage que la substance présente dans cet ergot est un des composant du... LSD !

Sans en donner les détails, au risque de trop en divulguer, est-il utile de préciser que le résultat des recherches du baron ne sera non seulement pas à la hauteur de ses espérances absurdes mais qu'elles provoqueront même, en quelque sorte, son exact contraire...

Et Amberg de se retrouver une fois encore confronté à ses médecins qui lui affirment sans trêve, les yeux dans les yeux, que tout ce qu'il pense avoir vécu n'a pu arriver puisqu'il est là depuis plus de cinq semaines, qu'il n'est jamais allé plus loin que le parvis de la gare d'Osnabrück, qu'une telle émeute aurait fait grand bruit, etc.

Comme chaque fois avec Leo Perutz, souvent comparé à Kafka pour certains aspects de leurs oeuvres (dont il partage aussi une même ville d'origine : Prague, et même un premier emploi dans la même compagnie d'assurance !), il n'y a jamais qu'un tout petit fil tendu entre la réalité et, plutôt que ce que l'on pourrait qualifier de rêve, une sorte de réalité alternative et concomitante.
Car si ce roman intrigant, décalé, au rythme sans doute moins époustouflant, moins échevelé que son texte probablement le plus connu en France, Le Cavalier suédois, retient autant l'attention du lecteur, c'est que, par son tempo d'abord faussement alangui mais nous dirigeant imperceptiblement vers une forme de climax irrépressible - n'a-t-on pas affaire aux souvenirs d'abord hésitants d'un convalescent ? -, par la forme narrative employée, digne des meilleurs polars, par cette sensation d'inconfort permanent, mais jubilatoire, dans lequel il fait mariner le lecteur, il nous plonge au beau milieu d'une double manipulation : Celle voulue par un seul sur l'ensemble d'une population, celle d'un petit groupe de gens de l'art sur l'esprit d'un seul. Ainsi surgit cette question transcendantale, métempirique : Ce que je vis, ou crois vivre, ou encore me souvenir est-elle la "Vraie" vie, la seule possible puisque je l'ai personnellement ressentie, intériorisée, expérimentée, ou bien celles perçues par l'entourage, parfois totalement antagoniste avec ma propre perception sont-elles plus vraies, plus exactes ? Ne sommes-nous pas simplement les rêves d'un autre ? Ou bien, a contrario, les êtres qui m'entourent ne prennent-ils vie que par ma propre volonté...? Ces questions, bien plus cruciales qu'elles ne peuvent le sembler dans un monde pourtant pas encore "virtuel" alors, fait de connexions instantanées mais physiquement invérifiables, comme celui que nous connaissons aujourd'hui, préfigurent bien les interrogations que se poseront plus tard un Philip K. Dick, dans le domaine de la Science Fiction, par exemple, mais aussi, dans une certaine mesure, rejoint ce qu'Albert Einstein affirmait, que la réalité n'est qu'une illusion, ou encore certains travaux d'Edgar Morin en philosophie.

Il serait injuste de ne pas aussi rappeler que cet ouvrage, paru en 1933, fut aussitôt interdit en Allemagne nouvellement nazie. A la lumière de ce que nous venons de voir - manipulation à grande échelle par un petit nombre, esprits faibles subjugués, références moqueuses au premier Reich dont le IIIème se réclamait évidemment, etc. Sans oublier les origines juives de son auteur, même si les grandes lois antisémites ne sont pas encore toutes en place - il ne pouvait en aller autrement.

Un autre aspect du roman mérite qu'on s'y arrête un instant : celui, tourné en un certain ridicule, de la foi, des croyances, de la religion pour lesquelles il suffirait donc d'un genre de LSD pour lui (re)donner toute l'énergie voulue. Mais aussi, la foi comme ultime ressource quand on a plus rien. Et puis, ultime clin d'oeil de Leo Perutz, difficile à évoquer en détail ici sans risquer de "divulgâcher" - comme on dit, parait-il, au Québec -, la foi, n'importe quelle, comme éternel opium du peuple. Un opium fonctionnant sous dope...? L'humour sarcastique et à tiroirs multiples de cet immense écrivain de la Mittel Europa de l'entre deux guerres (il ne publiera quasiment plus rien après son installation en Palestine en 1938, jusqu'à son décès en 1954) est lui aussi une arme de destruction massive de nos certitudes, de nos faiblesses, de nos fausses idoles et de nos aberrations : Lire Perutz, c'est tout simplement Jubilatoire !
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Publié en 1933 et aussitôt interdit pas les nazis, c'est l'avant dernier roman de Leo Perutz, auteur autrichien d'origine juive, publié de son vivant. Un jeune médecin, Georg Friedrich Amberg, se réveille mal en point dans un hôpital. Les souvenirs qu'il a des cinq dernières semaines écoulées, ainsi que de ses raisons de se retrouver en mauvais état et alité, différent sensiblement du discours qu'on lui tient à l'hôpital : renversé par une voiture, il aurait passé ce temps dans son lit, plus ou moins comateux.

Or Amberg a des souvenirs très précis des événements qui se seraient déroulés dans le village de Morwede, dans lequel il a pris ses fonctions de médecin. le village est régi par le baron von Malchin, un ami du défunt père d'Amberg. le baron a d'étranges lubies et projets : il rêve de restaurer le Saint Empire Germanique, et pour ce faire imagine de se servir de la science, et utiliser une étrange substance, qui pourrait agir sur l'esprit des hommes, et lui permettre de les manipuler. Il est aidé dans ses recherches par une jeune femme, qui a déjà croisé la route d'Amberg et dont il est amoureux. le jeune médecin assiste en tant que spectateur aux menées du baron et de sa collaboratrice, qui n'ont pas forcément les mêmes objectifs. Sceptique et refusant de s'engager, il sera toutefois aux premières loges pour suivre les faits jusqu'aux événements graves et tragiques, dont il sera finalement une des victimes. Mais c'est un tout autre discours qu'il entend à l'hôpital : tous ces événements ne seraient-ils que le résultat d'un délire ? ou certains ont-ils intérêt à cacher ce qui s'est passé à Morwede ?

Nous ne pourrons répondre avec certitude à cette dernière question, chaque lecteur est libre de choisir l'option qui lui convient le mieux, ou de se dire que l'incertitude est inévitable. L'essentiel est dans le tableau halluciné et hallucinant d'une communauté vivant d'une manière rétrograde, dans laquelle un appétit de puissance et de manipulation voit le jour, et rend toutes les atrocités possibles. le village a des allures de cauchemar, à la limite du fantastique et de l'horreur, le roman joue aussi avec des techniques de romans policiers, sans oublier la science-fiction. Mais tout cela est utilisé en permanence par Perutz avec une sorte de distanciation, de second degré. Toutes les pistes sont incertaines et ne mènent à aucune solution solide. L'étrange labyrinthe de l'esprit humain ne semble pas avoir de sortie.

L'auteur crée un univers fantasmagorique, avec ironie et maestria, mais qui en même temps pose des questions qui n'ont rien d'irréel, la manipulation des masses, la façon dont le fanatisme peut se traduire en fonction de la société dans laquelle il émerge, par exemple, sont d'une brûlante actualité, et non seulement à l'époque où le livre a été écrit.

Brillant, dérangeant, frustrant, mais aussi très jouissif et posant plein de piste de réflexion, c'est encore une grande réussite dans l'oeuvre de Leo Perutz.
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Rêve ou réalité ? Cette question a failli rester sans réponse, pourtant, quelques indices me donnent à penser que c'était la réalité…

Imaginez que vous vous réveillez sur un lit d'hôpital, vos derniers souvenirs sont qu'une personne vous a assommé avec un fléau…

Le médecin vous signifie qu'on n'utilise plus de fléau pour battre le blé, nous sommes en 1932 tout même et qu'en plus, vous avez été renversé par une voiture.

Youyou, il y a quelqu'un là-dedans, McFly ?

Le doute s'installe. Avez-vous rêvé votre histoire ou vous ment-on ?

Puisque le doute l'habite, le jeune docteur Georg Friedrich Amberg va donc faire appel à ses souvenirs pour nous expliquer son histoire et nous donner la vérité, qui est ailleurs, comme toujours.

L'auteur, au moyen des souvenirs de son personnage principal, va nous entraîner dans un petit village, perdu au fond du trou du cul de la Westphalie, où règne le baron von Malchin et où tout est encore à l'ère manuelle, comme dans des temps reculés.

Si les expériences de petit chimiste de Gaston Lagaffe étaient réputées pour être dangereuses pour tout l'immeuble des éditions Dupuis, ainsi que pour celui de leurs voisins, Ducran et Lapoigne, les expériences chimiques du baron et de son associée, la belle Kallisto Tsanaris (Bibiche pour les intimes) ne le sont pas moins.

Croyez-moi, l'univers de ce roman est spécial, tournant parfois au huis-clos puisque nous sommes dans un petit village et que le baron voudrait, au travers de son fils adoptif, Frederico, ultime descendant de l'empereur Frédéric II (qu'il dit), rétablir la dynastie des Hohenstaufen du Saint Empire Romain Germanique (Ier Reich). Rien de moins…

Bizarre cette idée de vouloir rétablir un grand Empire… C'est moi ou ça pue l'idée du grand Reich de l'autre moustachu de sinistre mémoire ?

Vu que son roman a été interdit dès 1933 par les nazis, ces petits êtres sadiques, je pense qu'en effet ces tristes sires y ont vu, eux aussi, une allégorie des idées de grand empire prônée par leur grand guignol fanatique aux idées détestables et assassines.

Mince alors, ils avaient donc un cerveau ? Ou alors, délation, quand tu nous tiens.

Anybref, voilà une lecture que je n'aurais jamais faite dans ma copinaute Rachel et sans l'erreur qui fut sienne d'acheter ce roman en lieu et place de "La nuit sous le pont de pierre" du même auteur et que j'avais coché pour mon Mois du Polar (PTDR).

Une erreur qui a bien fait les choses car elle m'a permise de lire ce roman étrange, qui se lit facilement et qui parle des rêves un peu fous d'un baron, peut-être pas si frappadingue que ça, et qui va tenter, grâce à une substance chimique, de manipuler les foules pour leur rendre… Je ne vous dis rien de plus.

C'est un roman qui explore à la frontière entre la réalité et le fantasmagorique, qui se promène aux frontières du réel, faisant hésiter le lecteur et le personnage sur les faits qui se sont produits et dont il a été le témoin direct.

Malgré le fait que tout le monde lui dit le contraire, notre docteur se raccroche à ses souvenirs et se demande pourquoi on tente de le manipuler. La réalité serait-elle une illusion ? Ou le rêve est-il vraiment la réalité et on veut l'empêcher d'en parler ?

Un roman qui met en avant, avec moquerie, le Premier Reich, touchant par là-même le Troisième qui se voulait aussi grand, qui parle de la foi comme de l'opium du peuple (mais d'une autre manière que je ne divulgâcherai pas), qui parle de la manipulation des masses par quelques personnes, le tout sur un ton assez badin, amusant, mêlant habillement le roman d'investigation à celui d'anticipation.

On comprend l'interdiction de l'époque ! Mais maintenant, on peur le lire sans peur et sans reproches.

Une LC avec Rachel qui, malgré les cafouillages du départ, aura été une belle découverte. Elle, comme moi, a apprécié sa lecture. D'ailleurs, elle vous le confirmera dans sa chronique.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Après avoir lu ce livre étonnant, détonant, je me suis aventurée sur les critiques du site.
Et en premier, celle qui est venue en premier, était celle d'Eric... longue, magnifique, sauf que après que dire ? Arrivant en 2021, ma première lecture de cet auteur, fascinée certes par cette découverte, qu'est-ce que je vais pouvoir dire de neuf ?
d'abord j'ai découvert cet auteur par l'éditeur décidément très intéressant,
puis j'avais cheminé chez les auteurs allemands, autrichiens, hongrois, de langue allemande...

Je ne vais pas raconter puisque Eric l'a tellement bien fait
Ce qui est absolument magnifique dans ce roman, jubilatoire, c''est le contraste permanent, entre l'existant et le non existant, entre la réalité et l'inventé ou l'imaginé.
Cette espèce de balance que nous donne l'auteur est géniale.

Ce qui est absolument génial c'est cette vision extraordinaire qu'a l'auteur, sur la mise en place des systèmes totalitaires... on parle souvent de 1984 de George Orwell, mais, beaucoup d'autres oeuvres et antérieures ont alerté sur la mise en place des totalitarismes... la preuve, celle-là.
Une lecture belle et agréable.
Une plongée dans l'histoire de l'Allemagne, histoire qui mérite d'être connue et reconnue.
Une jubilation car primo c'est très très bien écrit et deux, c'est d'un humour sarcastique et à plusieurs degrés.
Bref un vrai moment de plaisir.

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Jamais Leo ne m'a déçu. Il est dans mes tout premiers compagnons de lecture, en compagnie de ma fidèle colectrice Valentyne, cette fois pour La neige de saint Pierre, neuvième livre de cet auteur juif autrichien en ce qui me concerne. Valentyne a-t-elle été convaincue, elle qui, je crois, n'avait pas lu cet écrivain? Je considère Perutz (1882-1957, né à Prague, ayant vécu à Vienne, exilé à Tel-Aviv, une vie bien remplie) comme un des conteurs les plus importants de ma chère Mitteleuropa qui m'a déjà donné tant de bonheurs littéraires. Sous ce titre énigmatique (mais Perutz a souvent des titres curieux, Où roules-tu, petite pomme? ou le Cosaque et le Rossignol ou le miracle du manguier, découvrez-les, ça vaut le coup), se cache une découverte biologique explosive dont je vous laisse la surprise. Sachez cependant que le livre fut interdit par le pouvoir nazi dès sa parution en 1933.

Allemagne années 30. Dans le modeste village de Morwede, au fin fond de la Westphalie, quelques personnages, Amberg, jeune médecin engagé par le baron von Malchin, une séduisante collaboratrice, d'origine grecque, Kallisto dite Bibiche, oui, un aristo russe ruiné par le bolchevisme, un curé de bonne volonté, tout ce petit monde, dans le sillage du baron, joue en fait à l'apprenti sorcier. Et que va-t-il sortir de cette sorte de chimie? Une drogue surpuissante qui permettrait la manipulation de tout un peuple? Vous comprenez maintenant le pilori national-socialiste pour ce roman un peu brûlot et d'ailleurs pour tant d'autres.

du laboratoire du baron une sorte de virus des céréales, champignon, parasite, je ne sais exactement, pourrait bien changer le monde. La neige de saint Pierre (l'un des nombreux noms de cette lèpre) est évidemment une fable annonciatrice et le baron Malchin poursuivant des buts douteux et un délire mégalomaniaque rappelle quelqu'un. Souvent drôle, parfois hallucinant, ce livre s'apparente aussi au roman d'investigation, voire d'anticipation, où Jules Verne aurait croisé Jorge Luis Borges. Je suis un inconditionnel de Leo Perutz, cela ne vous aura pas échappé. Notamment pour sa façon de prendre à bras le corps toute l'histoire tourmentée de cette Europe Centrale dont le baron voudrait restaurer la grandeur quitte à lorgner vers une tyrannie qui ne hante pas seulement les fictions littéraires. Pour l'imagination faites confiance à Leo.

" Cette maladie des céréales s'appelait en Espagne le lichen de Madeleine, en Alsace la rosée des pécheurs, à Crémone le blé de la miséricorde, à Saint Gall le moine mendiant, dans les Alpes la neige De Saint Pierre, en Bohème la moisissure de Saint Jean,, chez nous en Westphalie le feu de la Sainte Vierge."




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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
J'aurais pu être joyeux, j'aurais pu être heureux même, mais lorsque je me retrouvai seul, je fus tourmenté par une idée obsédante.
Au début, ce ne fut qu'une sorte de jeu, je m'amusai avec cette idée.
«Tout cela, me dis-je, a été si fugace et si beau ! C'est comme si tout n'avait été qu'un rêve.» Et je répétai : «Comme si tout n'avait été qu'un rêve.» Je me mis alors à réfléchir à l'infime différence qui sépare une réalité passée d'un rêve. Et si tout n'avait été qu'un rêve ? Je m'arrêtai : «Peut-être suis-je d'ailleurs encore en train de rêver. Tout cela - la neige qui recouvre la rue du village, la corneille, là-bas, sur la branche, le brouillard, les maisons, le soleil pâle de cette journée d'hiver -, tout cela n'est qu'un rêve, je vais me réveiller, là, tout de suite !»
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Je fermai les yeux pour réfléchir. «La révolte ! Le rêve de l'instauration d'un nouvel ordre des choses par la violence... Cette foi, comme toutes les croyances, n'a-t-elle pas, elle aussi, ses apôtres et sa bible, son mythe et ses dogmes, ses prêtres et ses sectes, ses martyrs et son paradis ? Cette nouvelle doctrine n'est-elle pas persécutée et réprimée par les puissants de ce monde, comme tous les nouveaux courants de pensée ? Ne vit-elle pas secrètement dans le cœur de millions de gens qui sont obligés de la renier ? Le sang a été répandu dans le monde entier en son nom. Est-elle l’Évangile de notre temps ou bien s'agit-il de Moloch...
«Monsieur le curé, aidez-moi ! Quelle est la foi de notre époque ?»
Il ne répondit pas.
J'ouvris les yeux et me redressai dans mon lit.
Le curé de Morwede n'était plus là.
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Je garde des souvenirs précis des dernières années de sa vie. Je le vois faire les cent pas dans la pièce, l'air absorbé, la tête basse, je le vois vérifier les comptes de notre vieille gouvernante ; son visage était toujours blême et marqué par la fatigue ; parfois, il soupirait, et j'aurais pu lire entre les rides de son front les soucis qu'il évoquait souvent, et peut-être aussi du chagrin et bien des déceptions. Je garde le souvenir d'un homme seul, qui ne vivait plus que pour moi et pour son travail.
Mais le portrait que le baron brossa de mon père ne correspondait en rien à ce souvenir. C'était peut-être un portrait de jeunesse qui s'ébauchait devant mes yeux, celui d'un être jeune que je n'avais connu que dans son déclin. Un homme d'une vitalité débordante, qui séduisait les femmes et charmait les hommes, un amateur de chasse et de vins capiteux, un homme du monde, hôte attendu avec impatience et accueilli chaleureusement dans les châteaux aristocratiques, un être qui se dépensait sans compter, semait des idées précieuses à tous les vents en buvant un verre de vin ou en fumant un cigare : voilà comment mon père, dont je n'avais connu que les dernières années, si épuisantes, vivait dans le souvenir du baron von Malchin.
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- Croire signifie être touché par la grâce, dit le curé. La foi est l'oeuvre que dieu accomplit en nous, et seuls un travail patient, un amour dévoué et la prière sont à même de la susciter.
- Non, intervint Bibiche qui semblait sortir d'un rêve. La chimie le peut aussi.
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Mais que de travail a-t-il fallu avant que je n’ose franchir ce pas, reprit le baron. J’ai dû veiller bien des nuits, vérifier bien des preuves et surmonter bien des doutes. C’est une phrase de votre père qui est à l’origine de tout cela. « Ce que nous appelons la ferveur religieuse et l’extase de la foi, me dit-il un jour ici même, à cette table, offre, en tant que phénomène isolé ou manifestation de masse, presque toujours l’image clinique d’un état d’excitation provoqué par une drogue. Mais quelle est la drogue qui induit un tel effet ? La science n’en connait aucune.
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