AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Martine Keyser (Traducteur)
EAN : 9782859405977
272 pages
Phébus (23/10/1999)
4/5   477 notes
Résumé :
A propos du livre ...

"Ils s'étaient tenus cachés tout le jour et, à présent qu'il faisait nuit, ils traversaient une forêt de pins clairsemés. Les deux hommes, qui avaient de bonnes raisons d'éviter les rencontres, devaient veiller à ne pas être vus. L'un était un vagabond, un maraudeur de foire réchappé du gibet, l'autre était un déserteur."

Leo Perutz considérait Le Cavalier suédois comme son roman le plus réussi. Le plus angoissant ... >Voir plus
Que lire après Le Cavalier suédoisVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (63) Voir plus Ajouter une critique
4

sur 477 notes
5
24 avis
4
24 avis
3
9 avis
2
3 avis
1
0 avis
Voici typiquement le genre de lecture que je n'aurais pas faite sans babélio et ses lecteurs, je découvre également Léo Perutz avec plaisir.
Le cavalier suédois est une oeuvre qui tient du récit d'aventure, de la satire et du roman historique, le tout teinté de fantastique et conté dans un style agréable et très vivant, les pages se tournent pour ainsi dire toutes seules.
J'ai apprécié la note d'introduction qui nous parle de l'auteur ainsi que le prologue qui nous plonge idéalement dans l'ambiance.
J'ai apprécié aussi ces nombreuses notes de bas de pages indiquant "en français dans le texte", elles me font toujours sourire dans les éditions françaises (les seules que je sois capable de lire), elles témoignent aussi d'un temps où le français pouvait être une langue de référence, j'avoue que cela me procure un certain plaisir.
Il serait compliqué de parler du scénario sans dévoiler tout ou partie de l'intrigue qui en elle même n'est pas particulièrement originale, en passant je conseille d'éviter de lire la quatrième de couverture qui révèle d'emblée ce que l'on est supposé apprendre qu'aux deux tiers de la lecture...
L'histoire commence avec deux hommes frigorifiés et dans le plus grand dénuement, l'un est un voleur et l'autre un gentilhomme qui a déserté l'armée en plein conflit.
L'un est habitué à survivre quand l'autre croit encore que tout lui est dû, peut-on imaginer association plus improbable ?
j'ai beaucoup aimé cette lecture, aimé le rythme et le style ainsi que le scénario qui bien que prévisible est simplement bon.
Pour faire une analogie avec la musique et des airs souvent joués, je dirais qu'il s'agit d'une bonne interprétation sur un thème souvent évoqué.
Commenter  J’apprécie          9323
Les éditions Libretto possèdent le don de rappeler à l'ordre la postérité quand cette dernière, tête en l'air… du temps, abandonne l'oeuvre de certains auteurs importants à la poussière.
Ecrits il y quarante ans ou il y a un peu plus d'un siècle, je ne me lasse pas de découvrir les romans de Wilkie Collins, Vladimir Bartol, Max Aub, Erskine Childers, Robert Margerit ou Robert Penn Warren.
Leo Perutz, « le Kafka aventureux » selon Borges, appartient à cette confrérie prestigieuse dont il faut absolument momifier les mots sur du papier pour qu'ils traversent les siècles.
Né à Prague en 1882, de langue allemande, Leo Perutz s'est installé à Vienne. Blessé grièvement durant la première guerre mondiale, il a ensuite fui l'Anschluss en 1938 pour la Palestine. Il est revenu en Autriche en 1953 et y est mort quatre ans plus tard, dans un relatif anonymat.
le Cavalier Suédois, son chef d'oeuvre, écrit entre 1928 et 1936, est comme tous les grands romans, impossible à cadenasser dans un seul genre littéraire. Roman d'aventure, Roman historique, Roman d'amour, Roman fantastique, conte philosophique, manifeste politique contre les inégalités et l'hégémonisme. Une oeuvre "gigogne".
Le récit s'articule autour d'une imposture. Il nous transporte au début du XVIII ème siècle en Silésie, lorsque le jeune roi de Suède, Charles XII veut soumettre l'Europe Centrale et Orientale.
Dans les frimas de l'hiver et dans une campagne enneigée, un jeune noble, Christian von Tornefeld, parti pour rejoindre l'armée suédoise, en quête de gloire et de prestige, se réfugie dans un moulin pour se protéger du froid. Il est accompagné d'un voleur de grand chemin, plutôt de "petit sentier", surnommé Piège-à-poule. Les deux hommes ont en commun d'être pourchassés, l'un pour désertion, l'autre pour ses larcins.
Le moulin est hanté par son meunier, chasseur de têtes chargé d'alimenter les mines d'un Prince-Evêque, en forçats de travail et âmes égarées. L'offre ne fait pas rêver les deux fuyards quand on apprend que le Prince Evêque est surnommé « l'ambassadeur du diable » et qu'une légende raconte que son recruteur est un être maléfique, plus mort que vivant, qui se serait pendu quelques années plus tôt.
Profitant de la pédanterie et de la lâcheté du jeune noble, le voleur lui propose un pacte et les deux hommes échangent leur destin. Par couardise et naïveté, le jeune noble rejoint les forges de l'Evêché et Piège-à-poule endosse l'identité du noble Suédois.
Le roman suit les aventures du voleur qui va profiter de l'aubaine de cette noblesse inespérée. le « von » ouvre des perspectives. Pour faire fortune et venger son infortune, à la tête d'une poignée de brigands, il va multiplier les sacrilèges en pillant les églises, s'emparant d'objets du culte et de reliquaires.
Devenu riche, il va conquérir la jeune fille promise à Christian von Tornefeld et en tombera follement amoureux. Elle l'épouse, croyant avoir affaire au noble cousin.
Mais les beaux jours sont comptés et le Cavalier Suédois va être rattrapé par son passé.
Je vous rassure. Il ne s'agit pas du scénario d'un film de cape et d'épée avec Jean Marais.
Ici, les personnages ne sont pas binaires, il n'y a pas les gentils d'un côté et les méchants de l'autre. le voleur sans scrupule et plutôt détestable du début évolue en bon père de famille, prêt aux plus grands sacrifices. Il ne recherche aucune absolution mais il acquiert une noblesse de coeur digne du titre qu'il a usurpé.
Les questions de l'identité et du jeu des apparences sont au coeur de l'ouvrage. Hitchcock aurait adoré en faire un film, même sans blonde platine à l'affiche. Les histoires de doubles et d'usurpateurs ne manquent pas mais Leo Perutz échappe à la tentation du manichéisme. Sur le sujet, je trouve qu'il prolonge et approfondit à sa manière et de façon très subtile les questionnements de Stevenson dans « L'Etrange cas du docteur Jekyll et de M.Hyde ».
Si le récit est haletant, les passages les plus réussis à mes yeux sont ceux qui expriment l'amour unissant Le Cavalier suédois à sa petite fille. Ils sont d'une poésie incroyable pour un roman de ce genre et le petit soupçon de fantastique distillé avec parcimonie permet à l'auteur d'envelopper le récit d'un voile mystérieux qui ensorcelle le lecteur sans déshumaniser les personnages.

Ce roman ne fait que 200 pages mais ses mots pèseront dans ma mémoire .
Commenter  J’apprécie          736
FATALITAS !

«La fatalité, c'est ce que nous voulons» affirmait sans l'ombre d'une hésitation le romancier et essayiste bourguignon Romain Rolland. Si le héros malheureux du roman le Cavalier suédois eût sans aucun doute rejeté de toutes ses forces - de toute son âme - une telle allégation, son créateur, l'écrivain pragois de langue allemande Leo Perutz, ne l'aurait certainement pas déniée.
De quoi s'agit-il donc ici ? Par l'entremise d'un prologue, un narrateur anonyme se substitue brutalement à une mémorialiste, enchâssant ainsi l'histoire qu'il va nous conter à l'intérieur de la sienne, procédant ainsi dès les première pages à ce qui fera l'un des thèmes majeurs du texte : l'imposture. Et il entame ainsi son propos :

«C'est l'histoire de deux hommes, lesquels se rencontrèrent dans une grange, un jour de l'hiver 1701 où il gelait à pierre fendre. Ils y scellèrent un pacte d'amitié. Après quoi tous deux cheminèrent de compagnie, sur la route qui va d'Opole jusqu'à la frontière de Pologne, à travers les campagnes enneigées de Silésie.»

Le décors est ainsi succinctement planté, mais il y manque tout de même quelques détails d'importance. Ainsi, notre premier larron, le jeune Christian von Tornefeld, noble suédois de petite extraction, est en fuite et recherché pour désertion après avoir giflé son supérieur qui avait proféré quelque malheureuse parole à l'encontre du Roi Charles XII de Suède dont il souhaite rejoindre les troupes afin de s'y faire une réputation, un prénom (son aïeul sauva la vie à un précédent Roi de Suède), mais sans y laisser trop de plumes, notre jeune homme étant aussi pédant et prétentieux, même dans l'affliction, qu'il est pusillanime. Le second n'a ni nom ni prénom, tout juste un sobriquet : Piège-à-Poule ! C'est un voleur misérable et sans envergure, vivotant de petits larcins, recherché cependant par les Dragons afin de le mener au gibet - punition fort fâcheuse et généralement définitive qui attend aussi le jeune freluquet -, et qui s'est résolu à abandonner sa liberté pour mener une vie de forçat consentant dans les mines du Prince-Évêque local, surnommé «l'ambassadeur du Diable». Le diable, d'ailleurs, n'est jamais bien éloigné de notre histoire ébouriffante, les pas de nos deux fuyards croisant celui d'un meunier des plus funestes et mystérieux, réputé suicidé, qui s'annonce plus simplement comme le recruteur de l'évêque et qui mettrait bien la main pour son maître sur ce chapardeur, étique mais bien bâti. Le jeune homme de son côté, s'accrochant à cette idée fixe de rejoindre les troupes de son roi, s'aperçoit qu'ils sont proches des terres de son riche parrain, père de la jeune fille à laquelle il avait jadis promis le mariage. Cependant, aussi arrogant que peu courageux, il missionne son compagnon de fortune afin qu'il demande aide, or et vêtements à ce noble de province. Mal lui en prend car, accomplissant parfaitement sa mission, Piège-à-Poule va apprendre que l'ancien maître est mort, que les gens de ferme, de l'intendant au plus simple des valets de basse-cour, profitent abondamment de la situation pour ruiner cette anciennement riche demeure, qu'un vieux bougre de bouffi nobliau local, usurier et avare, contribue à ruiner par toute une série de prêts à taux honteux, acculant la jeune et candide héritière à sa perte (dans l'espoir avoué de la pousser au mariage) et que le jeune freluquet que le filou a promit d'aider est toujours dans le cœur de la belle.
L'idée, fatale, peut naître : par tous les moyens possibles, il prendra la place du jouvenceau, rachètera les terres du château, éconduira tous les profiteurs du dernier manant au gros seigneur, se fera aimer de la charmante héritière et l'épousera. Mais demeure toutefois un problème majeur... C'est qu'il n'est pas Christian von Tornefeld ! C'est avec un art consommé de la rouerie, d'une intelligence et d'une vivacité certaine, d'un sens profond de l'auto-justification de ses actes - les bons comme les mauvais - que notre indigent va parvenir à ses fins, réussissant par ruse à envoyer le (vrai) cavalier suédois dans les mines de l'enfer, s'enrichissant en accomplissant un genre de vol auquel nul n'avait songé avant lui - par crainte de la punition divine - à savoir le cambriolage des biens précieux, statues dorées, ciboires d'argent et autres reliquaires présents dans le saint des saints des églises de la région. Il sauvera ainsi la belle ingénue des griffes de son Harpagon, l'épousant et lui donnant dans la foulée une fille, qu'il adore comme sa vie, et sans doute bien plus encore. Mais la destinée veille. La fatalité ne peut laisser celui s'étant substitué à un autre vieillir tranquillement et mourir, satisfait, dans son lit entouré des siens. Et la chute est aussi fracassante, diabolique, irréversible que l'élévation fut rapide et évidente. Le lecteur le pressent dès l'émergence de l'idée machiavélique mais il espère tout de même jusqu'au bout une rémission... pour services rendus !

Il ne faut que quelques pages pour se laisser totalement embarquer par le Cavalier suédois dont l'auteur lui-même estimait que c'était sa meilleure réussite, son oeuvre la mieux accomplie. En fait d'accomplissement, c'est effectivement une pure merveille.

Qu'on en juge un peu : L'ouvrage peut se lire comme un pur roman picaresque - ce personnage de Piège-à-poule en est une espèce de parangon, un miséreux magnifique, un indigent rusé comme goupil et, s'il n'a pas froid aux yeux, si sa morale personnelle n'est pas dans les clous habituels, ses méfaits semblent assez rapidement aussi justifiables que les actes d'une immoralité insupportable, toute légale, que mène le bal des hypocrites, ces nobles ou ces prélats qui sont à la fois les maîtres, les diseurs de loi et les exploiteurs de ce monde sans pitié ni honneur véritable (il est évident que la description de Leo Perutz de ce monde supposément ancien n'est en rien gratuite). En un mot comme en cent, on fini très rapidement par s'y attacher à cet archétype de déclassé, même si l'on peine à oublier totalement la faute originelle. On est indéniablement dans la lignée de ces romans ébouriffants comme le Diable boiteux de Velez de Guevara, le Paysan parvenu du français Marivaux ou encore du fabuleux Manuscrit trouvé à Saragosse de Jan Potocki (que l'on peut aussi classer dans le genre "gothique").
Si le Cavalier suédois n'est pas à proprement parler un roman historique, les rappels incessants à ce que fut "La Grande Guerre du Nord" au début du XVIIIème, mettant aux prises, pour aller très vite, la Russie et ses alliés polonais, Danois ainsi que certains états allemands contre l'Empire Suédois hégémonique de l'époque donne une saveur, une couleur qui plaira assurément aux amateurs du genre.
Roman pour partie fantastique aussi, il semble parfois faire un hommage discret mais appuyé aux romans gothiques allemands du début du XIXème. N'y croise-t-on pas un meunier maléfique, ancien suicidé, dont on ne sait s'il dit vrai lorsqu'il affirme avoir été sauvé in extremis de son acte maudit de Dieu, mais qui, depuis, est redevable à l'évêque de ce sauvetage, cherchant et trouvant sans fin de futurs hommes de charge promis à une vie infernale ? Leo Perutz est bien top malin lui-même pour sombrer dans un fantastique de pacotille, qui s'exhiberait avec force magie ou autres manifestations d'épouvante inutiles, grotesques. Son fantastique à lui est presque crédible. Il laisse au lecteur la possibilité de croire à la présence physique réelle, directe ainsi que le jeune gentilhomme conçoit l'apparition tranquille de ce valet supposé des enfers par d'aucuns. Tandis que c'est l'homme perdu, à l'existence déjà riche d'expérience mais sans verni culturel et qui ne cache pourtant pas une foi à géométrie très variable, qui s'avérera le plus superstitieux ou, selon l'interprétation qu'on en veut, le plus ouvert à la présence des incarnations d'un autre monde. Pour autant, c'est le jeune prétentieux qui apparaîtra le plus crédule des deux hommes aux yeux du lecteur, et pour son plus grand malheur.
Roman métaphysique, enfin - n'oublions pas que Leo Perutz était juif, dans un monde, la Mittel Europa de l'entre-deux guerres, où l'on entendait gronder ce Léviathan bien vivant, monstrueux de l'Allemagne Nazie (la première publication de ce texte date de 1936) -, qui nous parle de destin, de faute, de fatalité, du rachat de l'ignominie par toutes les souffrances possibles jusqu'à la mort expiatrice (thème chrétien s'il en est mais Perutz n'était-il pas à la rédaction d'un ultime texte intitulé le Judas de Léonard, signe que ce thème revêt une importance capitale tout au long de son oeuvre ?), de la tragédie ontologique de l'homme (du moins dans l'univers perutzien) confronté à un dilemme, à un paradoxe éternel et insoluble, d'être à la fois maître de son libre-arbitre et entièrement à la merci de l'omnipotence divine.
Accessoirement sans doute, mais certainement pas en vain, c'est enfin une histoire d'amour tragique ainsi qu'un magnifique témoignage d'amour d'un père pour son enfant. Ceci est très loin d'en être le thème essentiel, mais c'est un aspect suffisamment peu présent ailleurs, dans la littérature dite "classique" pour se permettre de le signaler.

Cette multiplicité de niveaux de lecture et de sujets, du roman d'aventure picaresques complètement échevelé et jubilatoire à la réflexion la plus profonde sur le sens de l'existence humaine et ses ressorts, porte indéniablement ce roman très haut au panthéon des ouvrages incontournables du XXème siècle. Celui que Jorge-Luis Borges surnommait le "Kafka aventureux" est un maître du style, de la forme, du suspense dont la lecture est d'un dépaysement grisant, salutaire, d'une vivacité inouï, d'un rythme trépident et sauvage. C'est plein de révérences et pourtant parfaitement original. C'est d'une absolue évidence de lecture et pourtant d'une complexité d'analyse impressionnante, mais sans la moindre lourdeur. On ne s'y ennuie tellement pas le moindre instant (ce qui est finalement plus rare qu'il y parait, même avec certains "grands" livres) qu'à peine est-il refermé... On en redemande !
Commenter  J’apprécie          365
Au début du XVIII siècle, en Silésie, deux compagnons d'infortune lient leur destin et tentent d'échapper au gibet, à la faim et au froid, et errent sur les routes. L'un est un voleur, piège-à-poules, l'autre, un jeune déserteur, un gentilhomme d'origine suédoise, Christian von Tornefeld. Ils trouvent refuge dans un moulin où un repas est servi... leur hôte est le fantôme d'un meunier qui s'est pendu. Celui-ci, afin de s'acquitter d'une dette, sert de roulier, une fois l'an, pour un évêque, un terrible despote, dont les forges sont comparées à l'enfer. C'est Tornefeld qui y sera conduit à la place du voleur. Piège-à-poules usurpe l'identité de son compagnon ainsi qu'un puissant arcane, un parchemin consacré, parvient à la fortune en devenant capitaine de brigands, puis en épousant la cousine de Tornefeld dont il gère le domaine. Mais le passé ne risque-t-il pas de resurgir? Léo Perutz nous offre un roman riche en péripéties, au style truculent, un roman picaresque en Europe centrale.
Commenter  J’apprécie          560
Quand j'arrive à un nombre de critique qui est un multiple de cent, j'aime à marquer le coup avec une un peu spéciale, sur un livre qui m'a particulièrement marqué d'une façon ou d'une autre. Mais tout à mon hiver parisien et son tunnel de rhumes et de gastros (le revers de la médaille quand on a miraculeusement réussi à décrocher une place en crèche) j'ai laissé passer la quatre-centième. Qu'à cela ne tienne, je célèbrerai donc la quatre-cent-troisième comme il se doit.

Nous sommes au XVIIème siècle, quelque part dans les plaines de Silésie. La Suède domine le monde. Elle a vaincu Danemark, Pologne, Saxe, et maintenant son roi fou et implacable, Charles XII, poursuit le tsar de toutes les Russies à travers les steppes infinies. Mais ici, un déserteur de son armée, un gentilhomme qui n'est encore qu'un gamin trop gâté, erre dans la neige en compagnie d'un vagabond. Il demande à ce dernier d'aller à plusieurs lieux de là, jusqu'au domaine où réside sa jeune cousine à laquelle il est fiancé, et de quérir du secours. Mais pendant sa visite le vagabond aperçoit la jeune fille, et en tombe instantanément amoureux. Pour elle, il va concevoir un incroyable plan…

Non loin de là, une gigantesque mine de fer engloutit les hommes par dizaines. Bien souvent des condamnés, les autres on ne se soucie pas trop de savoir s'ils sont volontaires. Par précaution on les enchaine tous, et on abat ceux qui essayent de s'enfuir avant d'avoir fait leurs années. Parfait pour se débarrasser du jeune gentilhomme. le vagabond se met ensuite à la tête d'une bande de brigands, et entreprend de détrousser églises, monastères et bourgeois. Pendant des années ils sévissent et terrorisent la région, puis du jour au lendemain on n'en entend plus parler. Quelques jours plus tard, au domaine de la jeune cousine qui entre temps est devenu femme, un visiteur inattendu se présente : son cousin est de retour pour l'épouser ! Ses poches débordent d'écus pour sauver les terres hypothéquées, et son coeur d'amour pour sa fiancée. Mais le vagabond peut-il ainsi faire la nique au destin et se décharger à jamais de sa condition ? Voila qui est moins sûr…

Une fabuleuse aventure au souffle mystique à travers les plaines et les collines enneigées de l'Europe centrale. le gentilhomme se fera vagabond et le vagabond se fera noble, le blé continuera de murir et la guerre de rugir au loin. Et de tout cela, il ne restera que l'amour d'une petite fille et ses souvenirs de l'être merveilleux qui, défiant l'impossible et la mort, venait la nuit toquer à ses volets pour l'embrasser.
Commenter  J’apprécie          458


critiques presse (1)
BDGest
11 juin 2013
La résolution de l’intrigue, pourtant inattaquable au niveau de la cohérence, en devient quasiment anecdotique, tant le déroulement du scénario avait fini par lasser.
Lire la critique sur le site : BDGest
Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
La petite Maria Christine qui s'était dirigée à cloche-pied vers les écuries trouva le Torcol dans la pénombre. Assis sur son coffre il raccommodait une vieille sangle. Elle l'observa un moment puis se mit à parler de ce qui agitait et tourmentait son coeur.
- Sais-tu que mon père part à la guerre ?
- Oui, dit le Torcol. Et mon compagnon et moi partons avec lui.
- Alors vous serez trois, fit l'enfant qui compta sur ses doigts. Pourquoi partez-vous à trois comme les Rois mages ?
- Pour que l'un écoute quand les deux autres se taisent, expliqua le Torcol.
- Est-ce loin, la guerre ? demanda Maria Christine.
- Donne-moi une aune, que je mesure, dit le Torcol.
- Et quand revenez-vous ?
- Quand tu auras usé trois paires de petits souliers.
- Mais je veux savoir quel jour ! s'écria Maria Christine.
- Cours dans la forêt et demande au coucou, suggéra le Torcol.
- Et que vas-tu faire à la guerre ? s'enquit Maria Christine.
- Courir après la fortune, répondit le Torcol. Ma bourse vide m'est un poids. Je me sentirai plus léger quand elle sera pleine.
- Ma mère pleure, fit l'enfant. Ma mère dit que beaucoup de gens ne reviennent jamais de la guerre.
- C'est à cela que l'on reconnait que la guerre est bonne, repartit le Torcol. Car si elle était mauvaise, tout le monde rentrerait aussitôt.
- Alors pourquoi ma mère pleure-t-elle ? demanda l'enfant.
- Parce qu'elle ne peut partir avec nous.
(page 173-174)
Commenter  J’apprécie          220
– Messire est donc pressé ? fit posément le voleur. Pour moi, j’ai tout le temps de bénir vos chevaux. Allez, et qu’ils se rompent le cou !
– C’en est trop ! hurla le baron. Tête de colonne à droite ! ouvrez les rangs ! Préparez-vous à attaquer ! Et toi, dégringole ton perchoir et rends-toi où je tire!
Il leva son pistolet et mit en joue tandis que ses cavaliers se rangeaient selon ses instructions.
– Que le renard défende sa peau ! cria le voleur d’une voix si forte que tout le bois résonna. Le signal était donné. Le coup de feu partit. La balle toucha le voleur à l’épaule à l’instant même où il lançait l’essaim de frelons au beau milieu des dragons.
Ce fut d’abord un bourdonnement sourd. Les cavaliers, déconcertés, tendirent l’oreille. Un cheval se cabra net, un second fit un écart brusque et rua, zébrant l’air de ses sabots arrière. On entendit un juron, une exclamation rageuse, le hurlement des cavaliers touchés par les fers. Un instant, la voix du baron Maléfice domina le tumulte :
– Rompez ! Formez un seul rang ! criait-il, conscient du danger.
Mais déjà le chaos régnait alentour.
Assailli par les frelons, les chevaux qui avaient pris position au centre cherchaient à fuir : ils se cabraient, tombaient à la renverse, piétinaient les cavaliers désarçonnés. Un vacarme indescriptible emplissait la forêt ; aux hennissements se mêlaient les hurlements, les jurons, les disputes, les ordres contradictoires que personne n’écoutait. Des coups de mousquets et de pistolets ponctuaient ce tumulte qu’amplifiait l’écho. La bataille rangée avait dégénéré en une mêlée de chevaux et d’hommes vociférant parmi les sabots fous ; les cavaliers s’agrippaient aux crinières ou, jetés à bas, pendaient lamentablement aux étriers ; ce n’était plus qu’une cohue de mousquets, de sabres, de mains battant l’air et de faces convulsées. Et c’est au fort de cette débandade que les brigands ouvrirent le feu.
C’en était fait de la belle ordonnance des assaillants. Les chevaux s’égaillaient en tous sens, avec ou sans cavalier, piquant un galop endiablé à travers la futaie et le désordre de ses taillis. Une poignée de dragons s »étaient remis d’aplomb et tentaient de reformer un rang mais déjà les brigands fondaient sur eux à coups de gourdins et de crosses.
Le baron Maléfice était parvenu à maîtriser son cheval : il fit une volte brusque afin de porter secours à ses hommes. Mais il était trop tard, déjà les brigands les avaient dispersés. Voyant la partie perdue, il poussa un juron, éperonna sa monture et s’enfuit au galop, tandis que le voleur, toujours perché, lui lançait son adieu sarcastique :
– Quelle mouche vous pique, Messire ? Prenez garde d’éreinter votre cheval !
La voie était libre. Il ne restait plus qu’à capturer les chevaux vacants et à sauter en selle. Le voleur se coula au bas de son arbre et s’adossa un moment au tronc. Sa blessure commençait à le faire souffrir, le sang déjà transperçait sa chemise et sa redingote.
Commenter  J’apprécie          50
Il aperçut, droit devant, le moulin abandonné et, plus loin, les joncs des marais, la lande puis les collines et les forêts obscures. Ces forêts, ces collines lui étaient familières. C'était les terres de l'évêché... avec leur forge et leur brocard, leurs carrières, leurs fonderies et leurs fours à chaux. Là régnait le feu et l'évêque despote que tout le pays surnommait "l'ambassadeur du diable". Et le voleur cru voir, au fond de l'horizon, les flammes des chaufours dont il s'était jadis enfui. Où que le regard portât, ce n'était que flammes violettes, pourpres, mêlées à la fumée noire. Là gémissaient les morts vivants enchaînés aux charrettes, les voleurs de grand chemin et les vagants qui avaient été ses frères - ensemble ils avaient choisi cet enfer pour échapper au gibet. Comme lui jadis, ils arrachaient, une à une, de leurs mains nues, les pierres des carrières de l'évêque, une vie durant ; ils sortaient du four des résidus incandescents, debout jour et nuit devant la gueule vomissante, à peine protégés par l'étroit auvent de bois qu'ils surnommaient entre eux "le cercueil". Le feu leur brûlait le front et les joues - ils ne sentaient plus : ils ne sentaient que le fouet du bailli et de ses valets qui les exhortaient à la tâche.
Et c'est là que le voleur voulait retourner ! Ce lieu était pour lui le dernier refuge. Car le pays comptait plus de gibets que de clochers, et il savait que le chanvre qui devait le pendre était déjà peigné et cordé.
Commenter  J’apprécie          90
Le voleur réfléchit. Pour atteindre le village de Lancken, il lui fallait revenir sur ses pas pendant quelques trois milles. Qui sait si les champs mal entretenus qu’ils avaient traversés n’appartenaient pas au noble cousin de son compagnon d’infortune ? Il aurait bien aimé connaître l’homme qui se laissait escroquer de la sorte par son intendant, ses teneurs de livres, ses bergers et ses valets.
Le chemin était périlleux, il le savait. S’il tombait entre les mains des dragons, c’était la corde à coup sûr, car les gibets ne manquaient pas à la croisée des chemins. Mais il était accoutumé au danger. Plus d’une fois le destin l’avait placé devant cette alternative : mourir de faim ou mourir pendu. À présent qu’il était résolu à mettre un terme à sa vie d’errant, à troquer sa liberté contre le gîte et le couvert, voilà qu’il se sentait envahi, une fois de plus, du désir impérieux de braver le vent âpre du dehors, d’inviter une dernière fois la mort à danser la courante.
Commenter  J’apprécie          110
Pendant plus d'une année, les voleurs d'églises sévirent de l'Elbe à la Vistule... Ils coururent la Poméranie, la Pologne, le Brandebourg et la Neumark, la Silésie et les monts de Lusace. Ces contrées avaient toujours regorgé de bandits mais aucun n'avait encore osé s'en prendre aux biens sacrés de l'Eglise, même en ces temps de calamités. A présent la profanation était monnaie courante et l'émoi était grand. On crut d'abord, à l'ampleur des méfaits, que les pilleurs des saints lieux étaient plus d'une centaine. Il s'avéra qu'ils n'étaient que six et ne formaient qu'une petite bande. Aussitôt le bruit courut que les brigands de Dieu avaient le pouvoir de se rendre invisibles au cœur du danger, aussi le baron Maléfice les poursuivait-il en pure perte. D'aucuns prétendaient que Satan, l'ennemi héréditaire de Dieu, s'était fait leur capitaine et dirigeait en personne les opérations.
Commenter  J’apprécie          100

Videos de Leo Perutz (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Leo Perutz
En 2018, Libretto fête ses 20 ans ! Une bonne occasion pour revenir avec son Directeur éditorial sur l'histoire de cette maison d'édition emblématique. Dans cette vidéo, il nous fait (re)découvrir les littératures de l'imaginaire à travers une sélection de titres incontournables.
0:37 Melmoth, de Charles R. Mathurin 1:15 Vathek, de William Beckford 1:38 Le Cavalier suédois, de Leo Perutz 2:20 La Source au bout du monde, de William Morris 3:12 Feuillets de cuivre, de Fabien Clavel 4:23 Les Aventures du chevalier Jaufré
Site dédié pour les 20 ans de Libretto : https://libretto20ans.fr/
La page Babelio pour les 20 ans de Libretto : https://www.babelio.com/20-ans-libretto
Retrouvez-nous sur : F A C E B O O K : Babelio T W I T T E R : @Babelio I N S T A G R A M : @babelio_ P I N T E R E S T : Babelio S N A P C H A T : babelio_off
+ Lire la suite
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature des langues germaniques. Allemand>Romans, contes, nouvelles (879)
autres livres classés : littérature tchèqueVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (1049) Voir plus



Quiz Voir plus

Quiz: l'Allemagne et la Littérature

Les deux frères Jacob et Whilhelm sont les auteurs de contes célèbres, quel est leur nom ?

Hoffmann
Gordon
Grimm
Marx

10 questions
413 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature allemande , guerre mondiale , allemagneCréer un quiz sur ce livre

{* *}