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Citations sur Le livre de l'intranquillité (815)

La liberté, c'est la possibilité de s'isoler. Tu es libre si tu peux t'éloigner des hommes sans que t'obliges à les rechercher le besoin d'argent, ou l'instinct grégaire, l'amour, la gloire ou la curiosité, toutes choses qui ne peuvent trouver d'aliment dans la solitude ou le silence. S'il t'est impossible de vivre seul, c'est que tu es né esclave. Tu peux bien posséder toutes les grandeurs de l'âme ou de l'esprit : tu es un esclave noble, ou un valet intelligent, mais tu n'es pas libre. p 229 édition de 1988
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La solitude me désespère ; la compagnie des autres me pèse.
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Nous sommes qui nous ne sommes pas, la vie est brève et triste. Le bruit des vagues, la nuit, est celui de la nuit même; et combien l'ont entendu retentir au fond de leur âme, tel l'espoir qui se brise perpétuellement dans l'obscurité, avec un bruit sourd d'écume résonnant dans les profondeurs!
Combien de larmes pleurées par ceux qui obtenaient, combien de larmes perdues par ceux qui réussissaient ! Et tout cela, durant ma promenade au bord de la mer, est devenu pour moi le secret de la nuit et la confidence de l'abîme.
Que nous sommes nombreux à vivre, nombreux à nous leurrer! Quelles mers résonnent au fond de nous, dans cette nuit d'exister, sur ces plages que nous nous sentons être, et où déferle l'émotion en marées hautes !
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Mon destin est peut-être, de toute éternité, d'être comptable, et la poésie ou la littérature ne sont peut-être qu'un papillon venant se poser sur mon front, et qui me rend d'autant plus ridicule que sa beauté est plus éclatante.
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Passer des fantômes de la foi aux spectres de la raison, c'est simplement changer de cellule.
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Certaines métaphores sont plus réelles que les gens qu'on voit marcher dans la rue.

Texte n° 157.
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Renoncer, c'est nous libérer. Ne rien vouloir, c'est pouvoir.
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J'ai pris une telle habitude de ressentir le faux comme le vrai, les choses rêvées aussi nettement que les choses vues, que j'ai perdu la capacité humaine, erronée me semble-t-il, de distinguer la vérité du mensonge.

Texte n° 157.
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Je ne suis guère touché d'entendre dire qu'un homme, que je tiens pour fou ou pour un sot, surpasse un homme ordinaire en de nombreuses occasions ou affaires de l'existence. Les épileptiques, en pleine crise, sont d'une force extrême ; les paranoïaques raisonnent comme peu d'hommes normaux savent le faire ; les maniaques atteints de délire religieux rassemblent des foules de croyants comme peu de démagogues (si même il en est) réussissent à le faire, et avec une force intérieure que ceux-ci ne parviennent pas à communiquer à leurs partisans. Et tout cela prouve seulement que la folie est la folie. Je préfère la défaite, qui reconnaît la beauté des fleurs, à la victoire au milieu du désert, emplie de cécité de l'âme, seule avec sa nullité séparée de tout.

Texte n° 200.
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L'art consiste à faire éprouver aux autres ce que nous éprouvons, à les libérer d'eux-mêmes, en leur proposant notre personnalité comme libération particulière. L'impression que j'éprouve, dans sa substance véritable qui me fait l'éprouver, est absolument incommunicable ; et plus je l'éprouve profondément, plus elle est incommunicable. Pour que je puisse, par conséquent, transmettre ce que je ressens à quelqu'un d'autre, il me faut traduire mes sentiments dans son langage à lui, autrement dit, exprimer les choses que je ressens de telle façon qu'en les lisant, il éprouve exactement ce que j'ai éprouvé. Et comme ce quelqu'un d'autre, par hypothèse de l'art, n'est pas telle ou telle personne, mais tout le monde, c'est-à-dire cette personne qui appartient en commun à toutes les personnes, ce que je dois faire, en fin de compte, c'est convertir mes sentiments propres en un sentiment humain typique, même si, ce faisant, je pervertis la nature véritable de ce que j'ai éprouvé.
Les choses abstraites sont toujours difficiles à saisir, car il leur est toujours difficile de capter l'attention du lecteur. J'en donnerai un exemple simple, par lequel je vais concrétiser les abstractions qui précèdent. Supposons que, pour un motif quelconque (la fatigue de faire des comptes, ou l'ennui de n'avoir rien à faire), je sente tomber sur moi un vague dégoût de la vie, une anxiété née au fond de moi, qui me trouble et m'angoisse. Si je traduis cette émotion par des phrases qui la serrent de près, plus je la serre de près, plus je la donne comme m'appartenant en propre, et moins, par conséquent, je la communique aux autres. Et si on ne parvient pas à la transmettre à d'autres, il est plus facile et plus sensé de l'éprouver sans la décrire.
Supposons, cependant, que je veuille la communiquer à autrui, c'est-à-dire, à partir de cette émotion, faire de l'art — car l'art consiste à communiquer aux autres notre identité profonde avec eux, identité sans laquelle il n'y a ni moyen de communiquer, ni besoin de le faire. Je cherche alors, parmi les émotions humaines, celle qui, de type banal, présente le ton, le genre, la forme de l'émotion où je me trouve en ce moment, pour les raisons inhumaines et toutes personnelles que je suis un aide-comptable fatigué, ou un Lisboète qui s'ennuie. Et je constate que le genre d'émotion banale qui produit, dans les âmes banales, la même émotion que la mienne, c'est la nostalgie de l'enfance perdue.
Je tiens la clef de la porte qui mène tout droit à mon sujet. J'écris et je pleure mon enfance perdue ; je m'attarde avec émotion sur des détails évoquant les gens et les meubles de la vieille maison provinciale ; j'évoque ce bonheur de ne connaître ni droits ni devoirs, d'être libre parce qu'on ne sait ni penser ni sentir — et cette évocation, si elle est bien faite, si elle comporte les phrases et les scènes nécessaires, va susciter chez mon lecteur exactement la même émotion que celle que j'ai ressentie, moi, et qui n'avait rien à voir avec l'enfance.
Ai-je donc menti ? Non : j'ai compris. Car le mensonge — en dehors du mensonge enfantin et spontané, qui naît du désir de rêver tout éveillé — est simplement la prise de conscience de l'existence réelle des autres, et de la nécessité où l'on est d'y conformer la nôtre. […] Le mensonge est simplement le langage idéal de l'âme ; et de même que nous nous servons de mots, qui sont des sons articulés de manière absurde, pour traduire en langage réel les mouvements les plus subtils et les plus intimes de nos émotions et de nos pensées (que les mots, bien entendu, ne pourront jamais traduire) — de même nous nous servons du mensonge et de la fiction pour nous comprendre les uns les autres, alors que nous n'y parviendrions jamais par le seul canal de la vérité, pure et intransmissible.
L'art ment parce qu'il est social. Et il n'est que deux grandes formes d'art — l'une qui s'adresse à notre âme profonde, et l'autre à cette part de notre âme douée d'attention. La première est la poésie, la seconde est le roman. La première commence à mentir dans sa structure même, la seconde dans son propos. L'une entend nous donner la vérité par le moyen de lignes obéissant à des règles diverses, et qui mentent à l'essence même du langage ; l'autre entend nous la donner par le biais d'une réalité dont nous savons tous qu'elle n'a jamais existé.
Faire semblant, c'est aimer. Et je ne vois jamais un joli sourire ou un regard pensif sans me demander aussitôt (et peu importe qui regarde ou sourit) quel peut-être, au fond de l'âme dont le visage sourit ou regarde, le politicien qui veut nous acheter, ou la prostituée qui veut qu'on l'achète. Mais le politicien qui nous achète a aimé, tout au moins, le fait de nous acheter ; et la prostituée, si nous l'achetons, a aimé tout au moins le fait que nous l'achetions. Nous ne pouvons nous dérober, quoi que nous en ayons, à la fraternité universelle. Nous nous aimons tous les uns les autres, et le mensonge est le baiser que nous échangeons.

Texte n° 260.
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