Ce qui m'a décidé en 2006 à porter Passage des heures à la scène en 2006, c'est la lecture à haute voix d'un ami comédien de cette ode rédigée quelque peu comme une partition. Tout y est son, rupture, rythme comme l'indiquent les assonances, les allitérations successives telles des croches, les syllabes à allonger comme des rondes – et enfin, les silences, les pauses, le temps pour l'écho du texte.
Pessoa, à travers ce texte, me fait penser à un tailleur de pierre à son ouvrage parce que son texte est plein d'aspérités – il râpe, il écorche et se brise en un instant.
Pour dire ce texte à haute voix, il faut faire confiance à sa force et l'aborder de façon organique. Les sons provoqués par les mots font vibrer le corps et émerger l'émotion. Ainsi, grâce au rythme du texte, à la musicalité découlant des mots, le corps est mis en mouvement. Ce formidable texte se suffit à lui-même et le lecteur doit rester sobre, c'est à dire dégagé de toute volonté de séduction et entièrement au service du texte.
Cette ode évoque la pensée d'un homme qui revisite son existence. Il s'agit à la fois d'un soliloque et d'une prière. L'homme exprime la difficulté qu'il a eu à communiquer, à aimer, à vivre, à être, dans un monde où l'efficacité est primordiale et les valeurs humaines déconsidérées.