AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782070339020
736 pages
Gallimard (16/11/2006)
4.2/5   28 notes
Résumé :
Monstrueuse, la matière de ce livre l'est, pour deux raisons. Le sujet, d'abord : le trafic d'hommes noirs, infâme trafic jusque dans les justifications qu'on a voulu lui trouver. Monstrueuse aussi, son étendue dans l'espace, de l'Afrique à la Méditerranée orientale puis de l'Afrique aux Amériques ; et dans le temps, puisque cette histoire est longue de près de quatorze siècles.Il fallait à Olivier Pétré-Grenouilleau, pour maîtriser dans sa totalité l'étude de ce tr... >Voir plus
Que lire après Les traites négrièresVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Dès son introduction Olivier Pétré-Grenouilleau nous rappelle quelques faits et quelques points de méthode :

L'histoire globale est forcement comparative,
« A l'heure de l'histoire mémoire, une déportation organisée d'êtres humains, la plus importante de tous les temps, continue ainsi d'être largement oubliée »,
« L'analyste qui reconstitue les événements a posteriori a trop souvent tendance à considérer que le déroulement qu'il a lui-même contribué à construire correspond à quelque chose de logique et d'inéluctable . On sait évidemment qu'il n'en est rien ».
La partie introductive de l'ouvrage d'Olivier Petré-Grenouilleau expose l'engrenage négrier avec l'invention de la traite et la place de l'Afrique noire comme acteur à part entière de cette traite. Une série de thématiques seront abordées autour du rôle de l'expansion musulmane, le choix du système de plantation américaine, de la main d'oeuvre africaine différenciée de la main d'oeuvre amérindienne et des travailleurs blancs sous contrat, la place de la traite dans l'organisation fonctionnelle de l'Afrique noire.

La première partie du livre présente l'essor et l'évolution des traites négrières. L'analyse fouille les modes de production des esclaves, le rôle des pouvoirs en place et celui des entrepreneurs privés. Les traites orientales et internes seront comparées aux traites occidentales entre autres pour l'acquisition et le transport des esclaves.

Le flux et le reflux des traites donnent lieu à une analyse quantitative, les hypothèses chiffrées sont assises sur le croisement des données disponibles ou d'hypothèses argumentées permettant d'élaborer des scénarii plausibles tant pour les traites occidentales, que pour les traites internes.

A l'issue de cette partie, l'auteur fait ressortir que « tout en étant connectées, traites occidentales, orientale et africaine continuèrent sur le temps long à répondre à leurs propres logiques. »

La seconde partie décrit les processus abolitionnistes avec notamment des développements sur les sources du mouvement abolitionniste, l'exemplarité et l'importance du modèle britannique. La « machine » abolitionniste nécessitera de convaincre pour interdire, de réprimer pour faire cesser. Les « adieux qui n'en finissent pas » se déclineront de manière différentes suivant les zones géographiques.

Si le processus abolitionniste en occident est plutôt connu, il n'en est pas de même pour celui en Afrique et en Orient. L'éradication de la traite en Afrique sera difficile et l'auteur insiste sur le rôle des esclaves dans le processus.

Les rapports entre colonisation et traite ne seront pas oubliés et donc abordés dans leurs dimensions en partie contradictoires.

La troisième partie du livre revient sur le traite dans l'histoire mondiale.

Pour la traite dans l'histoire de l'occident, O. Pétré-Grenouilleau analyse la rentabilité de cette traite en faisant ressortir « la très grande irrégularité des profits, à l'origine de réussites spectaculaires comme retentissantes faillites » puis met en rapport les dynamiques sociales et le développement économique en nous rappelant « qu'en histoire, un ordre de succession chronologique ne saurait être confondu avec un facteur de causalité ».

Des chapitres particuliers sont consacrés aux différentes configurations régionales.

Je souligne le chapitre 7 « La traite dans l'histoire de l'Afrique et du monde musulman » qui sera au centre de la polémique publique. Ce chapitre, compte tenu de la nature des sources écrites, nécessite un travail méthodologique en profondeur pour « évaluer la ponction démographique et ses conséquences pour l'Afrique ».

L'auteur, et je partage cette orientation de recherche, contrairement à d'autres ne néglige pas la part africaine : « Une histoire dans laquelle, comme partout ailleurs, les élites locales ont souvent eu la meilleure part. Dire cela, c'est penser que l'analyse affinée de la traite comme catalyseur ou frein de la dynamique politique et sociale africaine serait peut-être en mesure de renouveler la quête, classique et importante, mais en partie illusoire, d'un bilan global de la traite qui serait mesurable en termes de profits et de pertes. C'est aussi refuser l'idée selon laquelle toute transformation n'a pu s'opérer que par la médiation de l'Occident ou du monde musulman. C'est enfin croire que les Africains ne furent pas seulement des victimes, des collaborateurs ou des opposants aux influences venues de l'extérieur, mais aussi des acteurs de leur propre histoire. »

Un sous chapitre est consacré à la traite souvent négligée, voir déniée dans l'histoire du monde musulman.

Dans sa conclusion, l'auteur nous invite à revisiter des horizons plus ou moins connus, de refuser les a-priori. « La compréhension des différentes parties d'un système composite est impossible sans la compréhension du comportement du système dans son ensemble (Freeman Dyson). »

Une lecture incontournable sur un sujet très humain dans son infamie même.

Une fois de plus cet ouvrage et les polémiques soulevées autour de la libre recherche comparative des historiens interroge sur la fonctionnalité des lois mémorielles, en l'occurrence ici la loi Taubira.

Plus généralement, une réflexion devrait se développer sur l'écart grandissant entre histoire érudite et simplifications scolaires ou vulgates journalistiques, entre savoirs scientifiques et expressions politiques. Comment rendre accessible la complexité du monde, comment s'appuyer sur les expertise scientifiques pour débattre et assumer des choix démocratiques ?
Commenter  J’apprécie          142
Ce livre n'est pas facile d'accès. Dommage parce que le sujet et la thèse sont intéressantes. Hélas, la prose de l'auteur n'est pas particulièrement agréable, ou l'ensemble m'a paru peu aisé à lire. Ces remarques n'enlèvent rien au connaissances érudites de Petre-Grenouilleau : l'ouvrage est bien une référence.
Commenter  J’apprécie          20
Trafics négriers continentaux et maritimes des origines à l'abolition. Mes ancêtres y étaient. Dans la cale et sur la passerelle.
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Une histoire dans laquelle, comme partout ailleurs, les élites locales ont souvent eu la meilleure part. Dire cela, c’est penser que l’analyse affinée de la traite comme catalyseur ou frein de la dynamique politique et sociale africaine serait peut-être en mesure de renouveler la quête, classique et importante, mais en partie illusoire, d’un bilan global de la traite qui serait mesurable en termes de profits et de pertes. C’est aussi refuser l’idée selon laquelle toute transformation n’a pu s’opérer que par la médiation de l’Occident ou du monde musulman. C’est enfin croire que les Africains ne furent pas seulement des victimes, des collaborateurs ou des opposants aux influences venues de l’extérieur, mais aussi des acteurs de leur propre histoire.
Commenter  J’apprécie          50
À l’heure de l’histoire mémoire, une déportation organisée d’êtres humains, la plus importante de tous les temps, continue ainsi d’être largement oubliée. Non pas parce qu’elle serait peu étudiée, mais parce qu’elle est déformée par les ravages du « on dit » et du « je crois », par les rancœurs et les tabous idéologiques accumulés, sans cesse reproduits par une sous-littérature n’ayant d’historique que les apparences.
Commenter  J’apprécie          50
Malgré l'existence de travaux synthétiques parfois remarquables sur l'esclavage en général, l'histoire comparative des traites négrières est donc encore dans son enfance.
Commenter  J’apprécie          70
L’analyste qui reconstitue les événements a posteriori a trop souvent tendance à considérer que le déroulement qu’il a lui-même contribué à construire correspond à quelque chose de logique et d’inéluctable . On sait évidemment qu’il n’en est rien
Commenter  J’apprécie          40
La compréhension des différentes parties d’un système composite est impossible sans la compréhension du comportement du système dans son ensemble
Commenter  J’apprécie          30

Videos de Olivier Pétré-Grenouilleau (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Olivier Pétré-Grenouilleau
Qui ne connaît pas son passé n'a pas d'avenir. La Bibliothèque à remonter le temps, collection unique en son genre, s'adresse à tous. Elle allie goût du savoir et plaisir de la lecture en vous invitant à voyager en compagnie des meilleurs historiens. Que vous soyez adolescent, adulte, professeur ou tout simplement citoyen, découvrez l'Histoire comme vous ne l'avez jamais vue. Professeur des universités, Olivier Grenouilleau est l'auteur d'une oeuvre récompensée par de nombreux prix. Il compte parmi les grands historiens d'aujourd'hui.
autres livres classés : traite des nègresVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (115) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3139 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}