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EAN : 9782246155423
256 pages
Grasset (12/02/1992)
3.82/5   11 notes
Résumé :
Les ombres des alpinistes morts en voulant conquérir le Cervin reviennent hanter, dans les années 30, l'aventure du guide Jos-Mari et de sa cliente Kate qui comptait sauver son couple en défiant avec son mari la montagne...
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Matterhorn. C'est ainsi que les Suisses alémaniques nomment le Cervin.
Matterhorn ou Cervin, cette montagne mythique et magnifique à la frontière entre la Suisse et l'Italie. Gaston Rébuffat l'appelait la "cime exemplaire" ; il l'a décrite dans La montagne est mon domaine d'une façon extrêmement poétique, imaginant un sculpteur à l'oeuvre, travaillant tel un artiste, faisant des choix à chaque étape de sa création pour aboutir à la perfection que l'on peut contempler.
Matterhorn.
Sommet géant et effrayant que quelques hommes fous ou ambitieux ou inconscients ou tout cela à la fois, viennent défier au péril de leur existence.
Montagne légendaire et maudite, elle a fait rêver bien des alpinistes et coûté la vie à beaucoup d'entre eux avant de céder finalement, conquise en 1865 par une expédition dirigée par Edward Whymper.
Mais la victoire se paie au prix fort.
Une glissade lors de la redescente entraîne la chute de quatre hommes ; les trois autres ne doivent leur survie qu'à la rupture de la corde qui les liait.
S'appuyant sur l'histoire du Matterhorn, Joseph Peyré invente des personnages et imagine une intrigue qui se glisse entre les faits réels et s'y insère parfaitement.

On retrouve dans ce roman le souffle épique des épopées anciennes.
Le ton et le contenu ont beaucoup vieilli, mais cela donne un certain charme à la lecture et correspond bien à l'époque décrite : celle où les aventuriers s'élançaient à l'assaut des sommets dans des vêtements et avec un matériel avec lesquels plus personne n'irait faire trois pas dans la neige. Le genre d'objets que j'aime voir dans les différents "musées de la montagne" que l'on peut visiter dans les Alpes.
Le genre d'objets qui font froid dans le dos lorsque l'on pense aux altitudes et aux difficultés affrontées avec un si maigre équipement. Lorsque l'on pense que certains ont attaqué avec si peu le Matterhorn dont la partie la plus haute est baptisée par l'auteur le "royaume des démons invisibles" !

On retrouve dans ce livre des aspects classiques de la littérature de montagne.
Le Matterhorn est personnifié. Autant craint qu'admiré, il se met en colère, il gronde, il attend son heure, il se venge, etc. Il est même par moments parfaitement vivant : "Le Matterhorn lui-même respirait doucement."
Pour le combattre, il faut un homme à la hauteur : Jos-Mari, dont le prénom révèle la foi catholique familiale. Le guide suisse est paré de toutes les qualités. Il est fort, honnête, généreux. Physiquement imposant, il semble indestructible. Guide hors-pair, il veille avec un professionnalisme constant sur sa cliente inexpérimentée. Jospeh Peyré utilise de jolies formules pour le décrire, telles que : Jos-Mari a la "patience des arbres".
Si vous êtes sensible au charme de l'ancien, Matterhorn pourra vous plaire : très bien écrit, un peu désuet, c'est un joli témoignage d'une époque révolue, tant pour ce qui concerne la vie quotidienne que l'alpinisme.
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"Vieux ou jeunes,ils étaient tous du même grain,et leurs mains enfouies au fond des poches des knickers,ou nouées derrière le dos,à la façon paysanne,portaient le cal du piolet,du rocher,de la corde,les stigmates de leur métier:la charge d'âmes à assurer vers les sommets."
Ces quelques mots, même réduits à "charge d'âmes" ou "stigmates" pourraient résumer à eux seuls le rôle poussé à l'angélisme des guides de haute montagne, du jeune guide suisse Jos-Mari, héros de Matterhorn, choisi par Joseph Peyré (écrivain hors-normes du XX° siècle, à présent décédé, qui a reçu le prix Goncourt 1935 pour Sang et lumières) pour porter sa fragile cliente Kate Bergen jusqu'aux sommets malgré son manque de pratique,son obstination dangereuse et surtout en dépit des forces incontrôlables des éléments déchainés.
Jos-Mari:un prénom à la fois Joseph et Marie pour montrer la foi indestructible de ce guide investi de "mission", car il ne s'agit pas ici d'une simple course en montagne.Kate, délaissée par son mari Ludwig, s'entraine pour accomplir avec lui ce "chemin de croix" et retrouver son amour perdu.C'est seule avec Jos-Mari, et son vide intérieur qu'elle affrontera les forces démoniaques déchainées de la tempête et le mal qui la ronge.
Ce roman d'aventure, où l'amour qui pourrait être, reste chaste car issu d'une relation maternelle entre le guide et sa cliente, est pour moi un chef-d'oeuvre classique que le temps ne doit pas permettre d'enterrer.
On retrouve ici la montagne personnifiée, inhumaine ("il n'y a pas d'histoire humaine au Matterhorn") comme dans Colline de Jean Giono, mais un Matterhorn à la "nuque de lion de mer dressé au combat" à la fois bon et mauvais, ambigu. On retrouve le dépassement de soi cher à Saint-Exupéry.
On retrouve le thème de la solitude désespérée cher à l'auteur Joseph Peyré qui dans Sang et lumières choisit un toréador préparant son suicide dans les arènes.
Et surtout il faut saluer l'écriture limpide de l'auteur, sa fine description psychologique des personnages (Jos-Mari a "la patience des arbres",c'est un garçon "massif", au "coeur solide"courageux, il est fiancé et se trouve perdu face à la douceur fragile de Kate), le sens du décor naturel et communautaire (Davidson "prophète décharné, vieux fou qui prédit des morts futures; Mistress Key "agitée aux cheveux roses" qui veut créer un ermitage, Rudi le champion de ski provocateur, le vieux guide Mathias et son "emphysème", le chien Wolf sous le charme de Kate...), le maniement des émotions (entre bonheur et angoisse)
Il est des livres qu'on garde précieusement comme un morceau d'enfance ou un leg.
Ma version date de 1939 mais ses pages jaunies tiennent toujours la route!!!!
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Matterhorn, telle est la désignation alémanique du Cervin, ce fabuleux sommet des Alpes, qui s'élève à 4478 mètres. Tel est donc le titre de ce beau livre de Joseph Peyré, un récit à la fois simple, dans le sens où il relate les événements se déroulant sur un été autour de la station suisse de Zermatt, avec l'évocation typique de la vie en montagne, et partant, des montagnards, et un récit où perce cependant une réelle profondeur. En premier lieu, la profondeur d'âmes des deux principaux personnages, celle de Jos-Mari, le guide au coeur grand comme les montagnes, et celle de Kate, la jeune femme qui a fait voeu de gravir le Matterhorn pour déposer au sommet tous ses doutes, ses souffrances et ses espoirs.

Derrière le cheminement et le long apprentissage qui doit permettre cette ascension, qui ne semble jamais devoir se faire, le Matterhorn apparaît comme un titan endormi, que la folie ou l'orgueil des hommes qui le gravissent, réveille au plein coeur de l'été, pour s'ébrouer dans sa colère de sommet terrible, prêt à jeter au précipice les impudents qui osent orner ses flancs.

Cette ombre gigantesque, cette légende noire du Matterhorn, est chantée comme une antienne par un homme, que les autres ne comprenant pas désignent comme un fou, Davidsen, qui fouille continuellement la liste des victimes de la noire montagne, tel un prophète malheureux.

Ainsi, la mythique et terrible ascension de l'arête du Hörnli, en 1865, dernier grand exploit de l'alpinisme dans les alpes, fut payée au prix lourd, puisque quatre des sept membres de la cordée finirent dans l'abîme. Cette folle ascension donc, résonne tout au long de l'histoire contée par Joseph Peyré comme une malédiction. le chapelet des cordées qui grimpent dans la nuit pour atteindre la croix du sommet pyramidal est voué à se rompre.

Jos-Mari, touché par la pureté de la démarche de Kate, sa « cliente », s'efforcera de restituer à la montagne son vrai visage, de pleine beauté, qui impose à tous de la respecter, car effectivement pleine de dangers.
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En exergue à « Terre des Hommes », Antoine de Saint-Exupéry (Saint-Ex pour les intimes) écrivait : « La terre nous en apprend plus long sur nous que tous les livres. Parce qu'elle nous résiste. L'homme se découvre quand il se mesure avec l'obstacle ». Cette observation générique, qui s'appliquait à la terre en général, est encore plus juste quand elle touche des entités spécifiques, telles que la mer ou la montagne. L'homme qui leur fait face est obligé en quelque sorte de les affronter. Affrontement sans réciproque en fait, la mer et la montagne n'ont aucune velléité de combat ni de résistance, les éléments ne pensent pas. Mais l'homme, lui, se trouve dans la nécessité de se surpasser pour passer l'obstacle. Et dans son imaginaire, la mer et la montagne ne sont plus des infinités liquides ou des amoncellements de rochers, mais des entités hostiles qu'il faut affronter et battre : « vaincre l'obstacle », et donc aller au-delà de lui-même, se surpasser, et par là-même, se découvrir.
Les familiers de la montagne connaissent bien ce sentiment, au moment d'escalader une paroi, ou d'entamer une longue marche dans la neige. Les guides en ont fait leur quotidien : la montagne est un parent proche, tour à tour ami ou hostile, mais c'est un proche, qui fait partie du cercle restreint de la famille.
Joseph Peyré n'est pas comme Roger Frison-RochePremier de cordée »), Maurice Herzog (« Annapurna premier 8000 ») ou Walter Bonatti (« Victoire sur les Drus ») un professionnel des cimes, mais les amateurs de montagne s'accordent pour dire qu'il nous a laissé un des plus beaux livres jamais écrits sur cet univers de neige et de roc, de froid et de peur.
Matterhorn (littéralement « la corne des prés ») est le nom allemand du Cervin (en italien Cervino), un sommet (4478 m) situé sur la frontière italo-suisse. Jos-Mari Tannewalder est guide de profession et aussi de vocation. Il prend en charge une jeune femme Kate Bergen, épouse d'un riche industriel, qui souhaite gravir le Matterhorn, L'ascension bien entendu sera dramatique, les protagonistes ayant leurs propres problèmes intimes, qu'ils devront cependant mettre de côté pour face aux intempéries et aux pièges tendus par le terrible sommet.
L'histoire en elle-même n'est pas inintéressante mais elle reste assez banale. Mais le roman séduit par d'autres attraits : la couleur locale est très bien respectée, la description du village de Zermatt est particulièrement réussie, notamment par le rendu « technicolor » des habitants en costume traditionnel, le côté technique de l'ascension, sans être indigeste, est très bien restitué, on est carrément au coeur de l'action, plaqué contre la paroi ou pris dans la tempête, le suspense psychologique se maintient de bout en bout… mais le personnage principal, c'est bien le Matterhorn, personnification de la montagne, présentée comme une divinité contrariée, à la fois juge et partie dans ce drame où il tient le premier plan.
Le côté démodé et désuet du roman devient ici un atout : il lui donne un caractère historique bien daté (les montagnards d'aujourd'hui vont sourire de voir l'équipement et l'organisation de l'époque) qui ajoute à l'intensité du récit.
Grand classique de la littérature de montagne, Matterhorn est à placer aux côtés des auteurs déjà cités (Frison-Roche, Herzog, Bonatti), ainsi que de quelques autres qui méritent le détour : la quasi-totalité des ouvrages de Samivel (que tout savoyard doit avoir dans sa bibliothèque) et aussi ce très beau roman de Pierre Moustiers : « La paroi » (1969).
Enfant de la montagne
J'y retourne j'y retourne
Enfant de la montagne
J'y retourne en chantant…
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Ils étaient dans Zermatt plus de cent guides diplômés du Club Alpin Suisse, dont ils arboraient l'insigne, croix blanche sur champ rouge, à leur revers. [...] Masques striés comme noix sèches, ossatures énormes, corps tendineux et noués, ils étaient faits pour la patience, voûtés par le portage, ramassés pour grimper, pour crocher dans la glace et le roc de leurs pattes griffues, sclérosées par la pierre et le gel, et pour hisser les lourds poids morts. [...] Vieux ou jeunes, ils étaient tous du même grain, et leurs mains, enfouies au fond des poches des knickers, ou nouées derrière le dos, à la façon paysanne, portaient le cal du piolet, du rocher, de la corde, les stigmates de leur métier : la charge d'âmes à assurer vers les sommets.
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Pourquoi remuer les histoires des morts ? Ces vitrines étiquetées, ces souliers racornis, ces bouts de corde rompue des trois frères Knubel, et ces pauvres bêtes empaillées et pressées en troupeau, aigle d'or et choucas plantés sur des bouquetins poussiéreux étaient d'une tristesse à faire fuir même un Anglais entre deux whiskies.
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Parvenu à la prise qu'il connaissait comme les guides situent toutes les prises de ce chemin battu du Matterhorn, assez précisément pour les retrouver d'une seul morsure de piolet lorsque vient le verglas et même remarquer celles d'entre elles qui ont pu s'effriter entre deux de leurs passages, Jos-Mari s'arrêtait, s'assurait.
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Le Matterhorn qui, par-dessus la forêt de mélèzes et d'aroles, l'herbe de l'alpe et les labours gris des glaciers, les avait suivis à distance, surgissant de tant de sites, de tant de lacs jaloux de le capter et d'en garder l'image, la stèle vertigineuse qui commande à la vie et à l'amour des hommes, et aux mouvements des troupeaux, pesait maintenant sur leurs fronts. Le lac Noir en possédait l'ombre. Noire sur le champ éblouissant du couchant, avec sa pureté de gemme froide des soirs de gel où les pierres elles-mêmes se suspendent, saisies, et respectent son silence de nef, la Montagne sacrée, dépouillée de la présence humaine, redevenait le temple de la nuit. Car les cordées attachées tout le long du jour à son flanc, et qu'elle avait voulu souffrir dans la patience, étaient redescendues, retombées autour d'elle comme poussière.
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-Allez tout seul.Laissez-moi ici.Ici...
Mais Jos-Mari n'entendait plus les mystères.Rendu à sa simplicité, rappelé à la condition essentielle du guide,il agissait comme les siens le lui avaient montré.Le guide dans la tempête de neige n'écoute pas la supplication de l'épuisé de le laisser.Il le ramène.
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