J'ai eu la joie de recevoir ce livre dans le cadre de Masse critique. Et quel bonheur de lecture que cette petite utopie.
Rien que le titre annonçait déjà le ton du livre. Rêve d'une grève sur laquelle on pourrait s'asseoir ensemble et regarder passer les bateaux.
Sur la première de couverture on voit des gens. Se dirigent-ils inexorablement vers la faille ou s'en sont-ils au contraire éloignés pour cheminer ensemble vers quelque chose d'autre. Un rêve...
Nathalie Peyrebonne nous raconte alternativement l'histoire de quelques personnes en quête de sens, de respiration. Ouf, je ne suis pas seule à me demander ce qu'on nous veut à nous asséner tous les jours que "le travail c'est la santé" ; et oui messieurs dames, l'âge de la retraite reculera encore, et "mon dieu que font donc tous ces parasites d'inactifs, ils doivent être bien tristes sans objectifs à atteindre chaque jour", et "mon enfant , tu seras cadre un jour comme papa et tu iras faire des stages de management à l'armée"...
Un rêve ? Pas vraiment. Une réaction. Un sursaut vers la survie. Un retour vers la vie tout simplement. Une brêche qui s'ouvre.
Il y a la conductrice de métro qui passe sa journée enterrée sous une lumière artificielle à convoyer d'autres personnes vers le Système.
Il y a le premier ministre en charge d'administrer tout le Système sous les ordres du grand président un peu bling bling qui n'est pas sans rappeler un certain Mr N.S.
Il y a l'enseignant qui devra former de jeunes esprits à la culture tandis qu'au bout c'est le Système qui les attend.
Travailler plus pour gagner quoi semble demander ce livre...N'y perd t-on pas au contraire en sens, en humain ? Retour à l'étymologie du mot travail : torture !
Le premier ministre est mon personnage préféré dans l'histoire. Il a tout donné à sa "patrie", à la "valeur travail"....Et se retrouve seul. Dans une vie sans saveur à courir après des objectifs : rapidité,rentabilité, compétitivité...
Et de se rendre compte que ce ne sont pas ces stratégies économiques qui le rendent heureux.
Qu'il aime à flemmarder au lit le matin. Et tant pis pour le téléphone et le réveil qui sonnent.
Les autres personnages aussi décident d'arrêter la machine et de marcher pour eux, vers eux. Eloge d'une certaine lenteur et de l'errance choisie. du soi avant un collectif qui n'a pas de sens sauf économique
Sachez aussi qu'il est question d'entartrage à la crème dans l'histoire...
C'est la révolution douce que nous décrit l'auteur. Sans syndicat, sans groupe politique, sans manifestation à banderoles, sans revendication, sinon celle d'être libre. Redevenir des hommes avant d'être des travailleurs...
Et le ton de l'histoire n'est pas politique, ni philosophique, ni tragique. C'est au contraire très léger et poétique.
J'ai refermé ce livre avec la même douce sensation que l'on éprouve lorsque qu'on se réveille après un doux rêve.
Une belle parenthèse qui me fait penser un peu à "
Quelque chose en lui de Bartleby" de
Philippe Delerm, que j'ai lu il y a peu. Sûrement proche aussi de "Bonjour paresse" que j'ai en réserve dans ma bibliothèque.
Alors,
Nathalie Peyrebonne est une auteur que je vais suivre sans aucun doute après avoir lu ce premier roman paru aux Editions Phebus.