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EAN : 9782714307033
210 pages
José Corti (21/09/1999)
3.57/5   14 notes
Résumé :
"Seuls les naïfs peuvent croirent qu'une discussion vise à résoudre un problème ou à éclaircir une question difficile. En réalité, sa seule justification et d'éprouver la capacité des participants à désarçonner leur adversaire. L'enjeu n'est pas de vérité, mais d'amour-propre. Le beau parleur l'emporte sur le bafouilleur, le téméraire sur le timide, le fonceur sur le scrupuleux. Etre de bonne foi équivaut à additionner les handicaps, le scrupule s'ajoutant à la circ... >Voir plus
Que lire après Petit traite a l'usage de ceux qui veulent toujours avoir raisonVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Absolument parlant, ce Petit traité est un vadémécum post-moderne d'art rhétorique, voire de sophisme ; post-moderne en ceci, que l'ampleur de notre relativisme de bon aloi peut atteindre ou outrepasser le seuil du scepticisme quant à l'existence même du vrai. D'autre part, une position vaguement contradictoire l'anime, au fil des courts chapitres qui seraient presque des entrées d'encyclopédie s'ils étaient rédigés en ordre alphabétique, au sujet de la question de savoir si les opinions défendues par chacun sont modifiables par la discussion, si tant est qu'elles sont tenues pour vraies. Ce qui ne fait pas de doute, pourtant, c'est qu'un gagnant et un perdant sourdent de toute joute ; les questions du nombre de participants, de l'arbitrage, des circonstances, de la gravité du sujet ainsi que du contexte étant essentielles mais non déterminantes. Tout ce qui est déterminant, au contraire, est contenu dans les analyses-prescriptions que les soixante-trois chapitres adressent au duelliste, qui, comme tout un chacun, est légitimé à s'estimer détenteur perpétuel de la raison, et à apprendre l'art et la technique d'en persuader autrui.
Le ton léger et primesautier qui caractérise la prose de Georges Picard, et naturellement le titre du volume, m'avaient incité à ranger celui-ci dans la catégorie « humour ». Je m'en suis vite repenti, considérant la profondeur des contenus traités. L'auteur eût pu se laisser tenter par la dérision ou par le cynisme, le second étant peut-être une forme de la première. La lecture des intitulés des chapitres le laisse supposer. Mais ce n'est que goût de l'aphorisme (cf. : « Un bon mot vaut mieux qu'un mauvais discours » !) et maniement habile des paradoxes. le relativisme qui est le nôtre se garde bien de revêtir un quelconque caractère moralisateur, pas même sous la forme de la condamnation de la société du spectacle : peut-être déplore-t-il juste son conformisme. Les analyses du statut de la vérité dans notre temps ne font pas l'objet de l'essai, pas plus que les exemples tirés de l'actualité (il n'y en a, me semble-t-il, qu'un seul, célèbre et daté d'ailleurs : celui du dernier débat télévisé entre les candidats Mitterrand et Chirac avant l'élection présidentielle de 1988).
Je relève enfin l'excipit de l'ouvrage, qui traite du « conflit larvé entre auteurs et lecteurs » et qui « est aussi classique que celui qui oppose automobilistes et piétons » ; il nous concerne tout particulièrement ici :
« C'est équitable. La vanité qui pousse à publier se voit rabrouer par la vanité critique qui pousse à juger ce qui a été lu, et à juger afin de se donner l'illusion de la supériorité sur un individu assez présomptueux pour prétendre nous occuper deux ou trois heures durant. »
… le calcul des heures est sans doute une ultime petite tentative de victoire de l'auteur sur le lecteur : ça s'appelle de la fausse modestie !
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Etant quelqu'un qui ne cherche pas à avoir continuellement raison, je savais que j'avais tord de l'acheter, et pourtant j'ai eu raison de le prendre !

Dans ce petit traité, l'art d'avoir toujours raison est en fait beaucoup de rhétorique, ce qui lui donne l'avantage d'enseigner cet art quasi oublié. Les chapitres sont très courts mais touchent à tout un tas de sujets différents, j'ai aimé ce sens de l'humour qu'à l'auteur pour avoir raison même qui il se dit en tort. Ce n'est pas un livre d'humour mais peut le devenir si vous savez appliquer quelques conseils énoncés au fil des chapitres. C'est bien écrit, les explications sont limpides, ce petit livre est utile en toute circonstances.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
De la fidélité aux idées

Personne n'est obligé d'être fidèle à une idée. Basta des donneurs de leçons qui vous fustigent parce que vous refusez de vous lier aux rets d'une théorie particulière, ignorant que, sous toute idée, se cache un complexe de raisons orientées dans le même sens et nouées entre elles. Il n'y a pas d'idée solitaire: la plus simple traîne derrière elle un réseau théorique. Rester fidèle à une idée, c'est donc accepter un dogme, plus ou moins consciemment, et se mettre en situation de la bétonner à chaque échange.
Pourtant, l'inconstance intellectuelle a très mauvaise presse. Elle est généralement assimilée à de la faiblesse d'esprit ou à de l'opportunisme. Méfiance bizarre car, enfant, comment peut-on convaincre quelqu'un, ou se laisser convaincre par lui, si l'on n'accepte pas le principe de la "trahison des idées"? On dira qu'il y a une différence entre changer fréquemment d'idées - caractéristique d'un intellect volage - et se convertir exceptionnellement au point de vue d'un autre lorsque ses raisons apparaissent meilleures. C'est avouer une certaine incapacité à polémiquer avec soi-même, à se départir seul de ses idées trop familières. Quel mérite y a-t-il à changer d'opinion, quand il y nécessité à le faire sous la pression d'autrui? En revanche, secouer son propre cocotier pour décrocher les idées qui ont fait leur temps, voilà ce que j'appelle la liberté d'esprit - laquelle, pour être vraiment crédible, devrait commencer par être appliquée à soi-même.
Quelqu'un a défini l'intelligence comme la faculté de comprendre les raisons qui sont opposées aux nôtres, donc d'être capable, au moins en théorie, de les défendre avec une certaine sincérité (pour autant qu'elles sont à un niveau acceptable). Eh bien, il faut admettre que cette forme d'intelligence ne court pas les rues! La plupart des gens préféreraient couler avec leurs propres idées plutôt que d'être sauvé avec celles des autres. Chaque discussion polémique les enferme un peu plus dans leur bunker. Et l'on appelle ces débats des échanges!
Un tel état des lieux n'est pas fait pour donner confiance. La rue est donc nécessaire. Par prudence, il vaut mieux entrer dans une discussion en donnant à entendre que rien, ni personne, ne nous fera admettre que l'on peut avoir tort. Même si l'on y défend une opinion fraîche de la veille, on la fera passer pour ancienne, et déjà mille fois exposée au feu. Ainsi inspirera-t-on le respect dû à la fidélité aux idées, cette vieille lune dogmatique qui excuse tout, notamment la paresse de penser.
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Il y a deux façons de disqualifier quelqu'un : le traiter d'imbécile ou d'intellectuel.
Dans le premier cas, l'affaire est vite enlevée : comme dit la chanson, quand on est con, on est con, la tautologie vaut évidence. La seconde injure mérite plus d'explications. (...).
Se faire traiter d'intellectuel est infamant dans certains milieux. Cela revient à prendre en pleine figure les accusations de coupeur de cheveux en quatre et de masturbateur frénétique, les deux activités ne semblant pas incompatibles à ceux qui ne s'y sont pas essayé. (...)
Quiconque traite autrui d'intellectuel est mûr pour le traiter un jour de pédé ou de gouine mal baisée. Il est bon de le savoir, afin d'obliger les accusateurs à assumer leur pulsions fascistes.
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L'excès n'est pas toujours là où on l'attend : attention aux sages qui, au nom de la mesure, finissent par aplanir toute idée saillante et par recouvrir de sable les pistes les mieux tracées. Avec eux, il y a risque de tout perdre, à commencer par la compréhension de notre propre point de vue.
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« Autant que possible, il faut éviter de fixer un adversaire droit dans les yeux. On ne se rend pas compte de la capacité déstabilisante d’un regard […] Soudain, la mauvaise foi partagée, sur laquelle repose l’échange, se fait visible et encombrante. […] Ce qui est caché, c’est le combat des amours-propres ; ce qui est montré, c’est un face à face chevaleresque dont l’enjeu est censé dépasser les vanités individuelles et se situer sur le plan de l’idéal. Chacun, à la fois, le sait et ne le sait pas. » (p. 75)
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Lorsque, dans une discussion, quelqu'un lance : « Il faut être logique ! », soyez à peu près sûr qu'une fois sur deux, il s'apprête à s'en abstenir lui-même. Les débatteurs les moins cohérents ne se privent pas de placer leurs inconséquences sous le patronage de la Logique : ils l'invoquent d'autant plus qu'ils ne la respectent pas, comme certains dévots avec leur dieu.
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