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EAN : 9782070719907
322 pages
Gallimard (01/06/1990)
4/5   20 notes
Résumé :

Marceline Caïn : on eût dit qu'elle était mêlée de cendre, de sable et de sang. A quatorze ans, elle n'aimait rien ni personne qu'un gros lapin jaune-orange, touffu, qu'elle appelait Souci. Tous les matins, en cette fin de printemps déjà brûlante, Marceline à peine vêtue et lavée courait ouvrir la porte découpée dans le flanc de la caisse où l'on mettait à dormir Souci pendant la n... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
L'univers d'André Pieyre de Mandiargues est marqué du sceau de l'onirisme. Des rêves dérangeants et des cauchemars voluptueux se déploient au fil d'une plume fine et racée, voire fin-de-race. Fin de siècle assurément. L'héritage du symbolisme, et de Baudelaire en particulier, se remarquent dans la première nouvelle « le sang de l'agneau », une vraie histoire pour ovidés déviants. L'abject et le sordide y deviennent beaux, absorbés par la ouate odorante et moelleuse de moutons chamarrés, sur lesquels on peut compter pour s'endormir hypnotisé, et tomber sous le sort de la jeune héroïne engagée malgré elle dans une dialectique amorale avec le monde des adultes. Angela Carter n'aurait sans doute pas renié ce conte cruel. Pas plus que la quatrième nouvelle, « Mouton noir », qui bêle, pardon qui mêle, Sade au romantisme noir, avec un couple d'héroïnes évoquant Juliette et Justine.

En préférant le point de vue de cette dernière, André Pieyre de Mandiargues se place du côté de l'innocence trahie et dévoyée, dont les nouvelles proposent plusieurs tableaux comme dans les galeries d'un musée. Il fait partie des écrivains qui peignent avec les mots. Ses tableaux baroques s'articulent via une syntaxe parfois complexe. Dans « le pont », les excentricités gothiques et sylvestres sont dessinées par des phrases efflorescentes. Ces contorsions de la langue sont aussi des contorsions du corps tel celui de « L'homme du parc Monceau », dont les déformations organiques font moins penser à un artiste de cirque qu'à la Chose de Carpenter. Et que dire de la cinquième nouvelle « le Tombeau d'Aubrey Beardsley ou les fashionables chinois », aussi longue et tarabiscotée que son titre, un récit qui rend hommage à Dali en déclarant la guerre à la simplicité pour atteindre le paroxysme du kitsch et du grotesque en une sorte de paradis paradoxal ?

Ainsi, plus l'on avance dans le recueil et plus les histoires évoluent vers le surréalisme. L'écrivain abandonne la logique du monde éveillé, au point que la dernière nouvelle nous présente deux mondes rêvant l'un de l'autre à travers le personnage qui les parcourt simultanément. Pour ne pas finir comme lui, mieux vaut ressortir des galeries de ce musée avant que les portes ne s'en referment à la nuit tombée et nous y emprisonnent.
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Dans ce livre, vous trouverez : Un gros lapin roux adoré de sa jeune maîtresse, Une rencontre foudroyante dans une étrange boutique d'un passage nantais, Un homme nu et élastique dans le parc Monceau, La triste fin d'un troupeau de moutons noirs, Une maison de débauche où s'enchaînent les spectacles étranges, Des soirées macabres.

Dans ces textes, chacun dédié à des artistes, l'horreur est étrange, follement esthétique. « Un furieux désir de peau noire s'était emparé de toutes les femmes, et la jalousie des hommes crevait comme une pustule géante qui eût couvert tout le pays de débris ensanglantés. » (p. 185) L'on assiste à un défilé de monstres, à une parade sinistre d'êtres hybrides ou affreusement fardés ou dont les déviances morales effraient plus que les pires cauchemars. le réel devient insolite, comme plus grand, plus fort ou difforme. La mesure n'a plus droit de cité. « Je me suis effrayé à l'idée de l'importance désormais acquise par tous les menus détails de cette sorte de diorama bizarre que je venais d'explorer. » (p. 108)

Le style est très tourné, avec des vocables peu communs : au-delà d'un goût certain du beau, l'auteur avait surtout la manie du mot juste et de la précision. Je retiens surtout la première nouvelle, et pas uniquement parce qu'elle parle d'un certain animal. « Cher beau lapin, je t'aime. » (p. 23) On y voit le sacrifice de l'enfance dans la violence et le sang, et la vengeance violente d'une innocence écartelée. C'est puissant et terrifiant.
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Tour à tour, et parfois en même temps, baroques, décadentes, fantastiques ou surréalistes, les nouvelles de ce recueil nous emmènent dans des univers où se côtoient femmes puissantes, fascinantes et dangereuses, animaux monstrueux et inquiétants, paysages sauvages et quartiers sordides, moments gracieux et féroces. Et si l'on ne saisit pas toutes les symboliques et les références, on se délecte d'un style ciselé, foisonnant, coloré et sensuel.
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Il faut lire ce recueil de nouvelles, le plus beau de Mandiargues, et toute l'oeuvre de ce dernier, même sa poésie, injustement oubliée (le poème Eve lucifuge, par exemple, dans le magnifique L'Age de craie). Voici un auteur qu'on ne lit plus, baroque, styliste surdoué, dandy ironique, produit d'une hybridation de Jouve et de Baudelaire, dont les écrits ciselés, toujours érotiques (au sens le plus large du terme), fascinés d'un soleil noir brillant en plein midi, ne peuvent que plonger le lecteur attentif dans la nostalgie pour une époque où l'on savait écrire et vivre. Vivre-et-écrire, dans un seul geste indécomposable, bouleversant et joyeux.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Un bruit, qu’on eût d’abord attribué à la course d’une bête fureteuse dans les chaumes cassants des fougères de la dernière saison, frappa les oreilles de Damien ; des pieds trop rapides pour qu’il pût croire à la venue d’un lourdaud, tel que les bûcherons ou les charbonniers que l’on rencontre habituellement sous bois, firent rouler des cailloux du haut du talus au fond de la cavée ; quand cela fut près de lui, il sentit un frôlement très menu contre son dos, avec une odeur de toison humide. Captivé par sa vision, il essayait de ne pas bouger pour mieux la retenir, souhaitant glisser à nouveau, dès le retour de la solitude, dans la représentation chaque jour évoquée de son plus triomphal souvenir, mais un coup de vent dissipa le grand corps annelé qu’il se plaisait à humilier par les rigueurs d’un examen morose ; alors il ramena les yeux sur terre, et il aperçut contre le fond obscur du paysage forestier un petit être blanc qui regardait, comme s’il hésitait à y risquer ses chevilles, le raidillon conduisant au chemin du bas. C’était une femme, mais habillée d’un pantalon bouffant de gros lainage souple, avec un chandail de cachemire très pur, le tout d’un admirable éclat crayeux ainsi que la robe enfarinée des bateleurs qui font leur parade aux champs devant un cirque de roulottes ; et à l’encontre des filles de billards elle avait des cheveux, d’une couleur châtaine aussi évidemment naturelle que celles de l’argile nue, de l’herbe sèche, des feuilles mortes ou du poil de lièvre, qui, piqués de broutilles, lançaient sur son épaule droite une longue mèche folle assez bien accordée à tout ce que peuvent offrir des hectares innombrables d’arbres et de taillis pendant l’époque où le printemps déchire à peine les défroques rouillées de l’hiver.



« Plus précieuse que toutes les autres créatures de la forêt ! » pensa Damien, à qui, pourtant, ses promenades avaient permis de connaître une foule de merveilles : le chevreuil, croissant beige jeté par-dessus le sentier avec la promptitude élastique d’un coup de raquette ; ce guerrier minuscule qu’expulse en armure sombre un brin d’herbe introduit dans son trou au bord de la mousse, le grillon ; piétant sous les couverts, le rouge-gorge en train de fendre du bec, pour en tirer des larves, un énorme champignon mi-saumon, mi-bleu ; et si joli, le roitelet, quand il trottine sur les branches basses des sapins ou dans l’abri poussiéreux des ifs, qu’il vous serre le cœur ainsi que ferait une fille dévêtue, terminant sa robe de bal sur une machine à coudre éclairée par la lune au centre d’un rond-point de vieilles souches. « Ne rien perdre de cette femme ! » pensa-t-il encore, avec une acuité qui l’étonna, tandis qu’il découvrait aussi chez lui un plus intense désir de possession que jamais ne lui avaient donné le rouge-gorge, le roitelet, le grillon, le cerf-volant aux cornes bleu-noir, la cétoine dorée qui se cramponne à la fleur de sureau, ou même l’écureuil que l’on peut enfermer dans une cage tournante comme dans un lampion vénitien une belle flamme de poil roux. Cependant, il s’abstint de produire aucun geste, par une sorte d’effroi, ne prononçant pas non plus le salut banal que l’on échange souvent au bois, ainsi que des canotiers à la mer, et que peut-être elle attendait pour se retourner si, moqueuse, elle avait fait exprès d’appuyer sur lui au passage l’écharpe de tweed fauve qu’elle tenait à la main.



Quand elle se décida, ce fut un vrai caprice, un parfait mouvement de chèvre : loin de descendre à flanc de talus ainsi que s’y attendait Damien, elle bondit, blanche et légère, par-dessus des touffes d’orties, masquant de leur jeune verdure quelques ronces mortes qui barraient suffisamment depuis plusieurs années l’entrée du pont. Comme, alors, il lui criait le danger de ces planches vermoulues et qu’elle revînt en arrière pour traverser par le chemin de tout le monde au fond de la cavée, elle se mit contre la balustrade juste au milieu de la passerelle, jambes écartées, un bras levé au bout duquel claquait l’écharpe dans les airs, le visage tendu, avec une expression de joie violente, vers lui qui s’était dressé trop tard pour la retenir. Dans la cavée sonore, le vent engouffrait des rafales qui allongeaient derrière elle les boucles de ses cheveux et plaquaient contre son corps ses vêtements de tricot ; ainsi fuyaient au loin, sans que Damien pût rien entendre, les mots qu’il voyait naître à son adresse sur la bouche de l’imprudente.



Après avoir hésité une minute et puisque, décidément, elle ne voulait pas obéir, il franchit à son tour le roncier couronné d’orties, en se demandant, tandis que ses pieds écrasaient le maigre obstacle, pourquoi les gardes n’avaient pas mis là trois ou quatre pieux avec un bon réseau de fil de fer barbelé. Quoi qu’il fît, il espérait bien qu’elle ne l’attendrait pas, car, à moins de l’avoir vaincue d’abord au jeu de billard, une femme inconnue le rendait stupide comme sous l’envol coupant des geais bleutés, rués parfois avec des cris d’un feuillage au-dessus de sa tête ; et quand il posa les doigts sur le premier montant de la balustrade, il fut presque soulagé de voir sur l’autre bord, disparaître le pantalon blanc dans un groupe de houx très sombres en lisière du taillis.



A le gratter de l’ongle, aussitôt le montant s’effritait, creusé par la vermine de cellules farineuses, hérissé de lichens jaunes et gris entre des champignons plats qui ressemblaient à des oreilles noirâtres, ou à de petites ventouses de caoutchouc brun.
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L'un des derniers à entrer au bassin fut le vidame des Moulineaux, provoqué en combat singulier par Rhéa d'Antony qui mit son point d'honneur à ne le terrasser que d'œillades, grâce au seul appui d'un miroir à main qu'elle faisait aller sans cesse au-dessus et à côté de son visage très pâle, pour en rabattre sur l'ennemi les expressions sévères avec tous les feux inexorables de ses prunelles couleur d'aile de martinet. Un bond du vidame, qui s'escrimait avec beaucoup d'agilité d'un couteau à fruit, porta cette arme assez haut pour trancher du coup l'épaulette d'une robe dont la soie touffue est froncée ressemblait à la mousse bleu argent qui s'attache aux troncs des bouleaux ; ainsi qu'une écorce qu'on déchire s'écroula le lourd tissu, et le sein de la comtesse se montra à tous les regards, plus large, plus blanc sous sa pointe faiblement rosée qu'un bouclier de sucre candi, tandis que le miroir, dextrement incliné, en jetait aux yeux du chétif personnage les reflets médusants. Celui-ci n'y put résister, et les géantes le lancèrent évanoui dans la fosse où l'attendaient tous ses pareils.
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Le lendemain, il partit avant le soir, sans vouloir entendre parler de dîner, ce qui fit retentir la maison de gémissements lugubres ; pourtant sa mère l'avait vu manger le quart d'un foie de veau à l'heure du thé, et dix tartines, au moins, de pain frit avec de la confiture de myrtilles.
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Dans tous les pays où les femmes ne seront pas honorées en public comme des objets sacrés, plus que les prêtres même, il n'y aura pas de mœurs.
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- Dînez avec moi, me dit-elle. Vous écarterez ces nains affreux qui font rire ma mère et que je déteste.
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Vidéo de André Pieyre de Mandiargues
André Pieyre de MANDIARGUES – Un siècle d'écrivains : L'amateur d'imprudence (DOCUMENTAIRE, 2000) Émission « Un siècle d'écrivains », numéro 249, intitulée « L’amateur d’imprudence », diffusée sur France 3, le 7 décembre 2000, et réalisée par Evelyne Clavaud.
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