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Anne Vièle (Auteur de la postface, du colophon, etc.)
EAN : 9782707143976
226 pages
La Découverte (17/09/2004)
3.5/5   6 notes
Résumé :
Par deux auteurs iconoclastes, une réflexion sur les impasses de la gauche et les failles de l'altermondialisme : un " petit manuel " d'un anticapitalisme pragmatique. C'est entendu : il existe une horreur économique. Mais la dénoncer ne suffit pas : si la dénonciation était efficace, il y a longtemps que le capitalisme aurait disparu... Les auteurs appellent "capitalisme" ce système qui nous saisit à travers des alternatives infernales, du type : "Si vous demandez ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La pensée émancipatrice fait trop souvent l'impasse sur certains domaines et reste encore souvent plombée par l'économisme. La vulgate marxiste ou les réductions sociologiques dominent trop souvent certains pistes, pour que nous ne soyons pas soucieux des recherches iconoclastes ou des démarches exploratrices de sentiers peu fréquentés.

Beaucoup de travaux actuels renouent avec des pensées plus ouvertes, prenant mieux en compte les contradictions provoquées par la révolution capitaliste qui broie et recompose l'ensemble des champs sociaux. Les incursions dans des domaines peu fréquentés sont riches d'enseignements. Un nécessaire dialogue doit se nouer avec celles et ceux qui pensent autrement vers des sorties émancipatrices de notre monde.

Une remarque préalable, je n'essayerai pas de développer une critique englobante de tous les sujets traités par le livre de Philippe Pignarre et Isabelle Stengers, ne disposant pas de l'ensemble des connaissances scientifiques pour avancer sur tous les chemins indiqués.

Plus simplement, ce livre ayant troublé certaines idées, relayé certaines interrogations, aidé à l'expression de connaissances, je souhaitai en faire une lecture aimable et néanmoins critique. Certains livres, au delà de leur étrangeté, ouvrent des portes, même petites, à la pensée émancipatrice. C'est pour moi le cas, avec cette « sorcellerie capitaliste ».

Les chapitres « Que s'est-il passé ?», « Apprendre à se protéger », « Comment faire prise » et « Avoir besoin que les gens pensent » annoncent la démarche pragmatique générale et offre un plan d'interrogations et de réponses « sondes » souvent pertinentes.

J'ai été sensible aux images de la réalité du capitalisme et en particulier celles du chapitre « Les petites mains ». Partant de la constatation que le capitalisme utilise assez peu, dans nos sociétés développées, le recours à la violence brutale, les auteur-e-s explicitent la fabrication permanente « des petites mains », auxiliaires victimes du système. L'argument de l'incorporation du « il faut bien être », retournement contre soi-même, avec adhésion au désespoir, et se doublant de mépris pour ceux et celles qui n'ont pas compris, qui « rêvent encore », est démonstratif. le caractère « sorcier » du fonctionnement du système, des recouvrements par un voile opaque des réalités, de la chosification des relations sociales me semble pertinent.

Exposer certaines situations, en utilisant un vocabulaire imagé, peut aider à la compréhension, à la formulation d'interrogations, au dévoilement de racines. Mais description ne vaut pas analyse, encore moins théorisation. Pour le dire ouvertement, j'accepte les illustrations, les entrées en explication, les projections vivantes de cette « sorcellerie » ou des effets de « capture » du système. Et j'ai relié, ces arguments, à mes connaissances de la théorie marxiste du fétichisme de la marchandise. Cette mise en parole participe en effet d'un même désenchantement du monde.

S'il s'avérait que pour les auteur-e-s le rappel sorcier a une autre fonction, leur volonté de clarification se transformerait alors en obscurcissement et participerait à la création d'une « grande main » emprisonnant nos pensées et donc nos possibilités émancipatrices.

« Si le capitalisme devait être mis en danger par la dénonciation, il aurait crever depuis longtemps » « Nous obliger à ne pas prétendre que la théorie a raison et que ceux qu'elle ne réussit plus à convaincre, à mobiliser, sont simplement égarés » Ces deux citations illustrent la partie la plus intéressante du livre. Les auteur-e-s abordent et critiquent la politique révolutionnaire réduite à une problématique de prise de conscience. En caricature, le parti portant la conscience révolutionnaire, éclaire les masses et/ou les guide vers l'émancipation générale ; cette « théorie » s'est traduite par la dissolution du peuple (Brecht), la dictature et le stalinisme. Mais il n'est pas sûr qu'une lecture plus souple n'ai pas causé des ravages au sein de la mouvance trotskiste (la crise de l'humanité réduite à la crise de l'élément subjectif, elle même réduite à l'absence de direction révolutionnaire !).

Revenir sur ces sujets, me semble toujours d'actualité, surtout lorsque l'on participe à l'émergence d'un rassemblement social majoritaire et d'un parti démocratique, féministe et révolutionnaire.

La démarche émancipatrice ne peut être assimilée au seul dévoilement du monde, à une sorte de révélation athée. Une démarche transitoire ne peut être une pédagogie illuminant la route aux lendemains qui chantent.

Pour moi, une politique d'émancipation radicale, une politique révolutionnaire, ne peut se déduire de la préexistence d'un sujet préconstitué, quoique inconscient de son état et de sa mission, qui fusionnera avec le programme d'un parti (auto proclamé ?) en montant dans les wagons du train de la lutte des classes.

Le rappel au cri de Seattle « Un autre monde est possible », en rouvrant et réactualisant des espace aux possibles, en renouant avec des pratiques collectives permettant de progresser dans la transformation des rapports sociaux, sans se limiter aux rapports d'exploitation, me semble important, car élément fondateur pour toute une génération.

« Reste que la disparition du sentiment de fatalité ne forcera pas cette armée à se disperser comme des vampires lorsque le soleil se lève » et « les trajets d'apprentissage ne peuvent qu'être hétérogènes » les retours des auteurs sur la bataille autour de l'AMI ou les exemples tirés de l'industrie pharmaceutique que P. Pignarre a exploré dans d'autres ouvrages, permettent d'avancer des pistes de réflexions et d'actions. Et j'adhère aux expressions de cette volonté de changer la société, de se transformer et transformer le monde, en incitant à la création d'espaces de démocratie, de cadres de réflexion et d'action, engendrant d'autres repères, plus ou moins détachés, mais toujours récupérables, de la marche du monde.

Cela implique aussi, pour moi, de dégager une ou des voie(s) stratégique(s) plausible(s) autour d'un (de) programme(s) pointant des objectifs, pour des avancées collectives, dans les émancipations et les transformations des conditions individuelles et collectives.

Sur ce sujet, les propositions des auteur-e-s, me semblent bien en retrait des possibles et du souhaitable.

Si certains, au nom d'une stratégie fixée au début du siècle dernier par la révolution russe, rechignent aux propositions politiques concrètes et à l'intervention dans les mondes réels, ce n'est ni une nouveauté ni une excuse. Mais, ne pas dessiner, même en pointillé, même de façon incomplète, des grandes lignes stratégiques plausibles d'une émancipation collective, me semble une régression dans le champ de la théorie et l'activité politique.

Il faut certes être prudent, ne pas assener des arguments d'autorité, prendre en compte les évolutions contradictoires, les expériences différenciées et les connaissances forcement partielles de la réalité, ne pas céder aux recettes ou aux mauvaises habitudes, mais renoncer, c'est se maintenir « sous le charme » c'est aussi se réduire à n'être qu'une « petite main ».

S'il ne faut pas laisser le sentiment de l'urgence nous dominer, je ne pense pas, que nous soyons réduit-e-s à uniquement apprendre à penser, à des échanges individuels ou des échanges de paroles raisonnables.

Enfin, dans le chapitre « Reclaim », les références aux pratiques néo-païennes, aux sorcières américaines (certes démarquées de croyance déiste ou féerique) sont très problématiques.

Au mieux, il s'agit d'un monde étrange trop éloigné de mon imagination pour que les comparaisons puissent être utiles, au pire (et c'est plutôt mon opinion) il s'agit d'une pensée régressive vers des mondes invisibles, en-charmés, envoûtés, substituts à une pensée inclinée vers l'émancipation humaine.

Parce que ce livre aborde de façon intelligible le fonctionnement du monde et nous interroge sur de possibles transformations, parce qu'il entraîne à la réflexion, il mérite débat.

Peut-être n'ai-je pas compris certains développements, aux auteur-e-s de préciser ou de clarifier leurs pensées afin de les rendre plus abordables.

Prendre des risques dans l'exploration des réalités, pour aborder par le milieu, certaines questions et tenter d'y répondre de façon moins stéréotypée, ne dispense pas cependant de développer des pensées « raisonnables », même enveloppées dans un vocabulaire imagé et volontairement décalé.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Nous obliger à ne pas prétendre que la théorie a raison et que ceux qu’elle ne réussit plus à convaincre, à mobiliser, sont simplement égarés
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Si le capitalisme devait être mis en danger par la dénonciation, il aurait crever depuis longtemps
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