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EAN : 9782867466281
386 pages
Liana Lévi (30/08/2012)
3.2/5   70 notes
Résumé :
Inséparables, les frères Pontecorvo, Filippo et Samuel, l'ont toujours été. Comme les petits perroquets qui ne savent vivre qu'ensemble. Les différences existent pourtant. L'aîné, paresseux patenté, collectionne les aventures. Le second, financier brillant, ne connaît en amour que des ratés.

Et voilà que les destins s'inversent. Samuel subit un revers professionnel important, tandis que Filippo conquiert une renommée inattendue. Une renommée que les ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
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Voici quelques mois, le premier volet d'une saga familiale signée Alessandro Piperno m'avait séduit, me laissant toutefois quelque peu sur ma faim.
Persécution”, Prix du Meilleur livre étranger 2011, s'achève sur la disparition tragique du personnage principal, Leo Pontecorvo, accusé à tort de pédophilie et abandonné de tous.
Depuis lors, des questionnements quant à cette lecture au style particulièrement caustique me revenaient de temps à autre à l'esprit. Comment ce médecin cinquantenaire avait-il pu se laisser mourir à petit feu dans l'indifférence générale ? Comment une femme et deux adolescents avaient-ils pu jouer de tant de lâcheté vis à vis d'un mari, d'un père ?

Le second volet ne pouvait plus attendre !
Le ton badin avec lequel l'auteur aborde les rapports humains interpelle d'emblée. le roman “Inséparables” commence ainsi : “Se fréquenter soi-même avec assiduité suffit pour comprendre que si les autres nous ressemblent, alors il ne faut pas leur faire confiance.”
Étonnant, non ?

L'écrivain italien a laissé les protagonistes du premier opus avancer en âge. Nous retrouvons Filippo et Samuel Pontecorvo bientôt quarantenaires, deux frères aux parcours de vie diamétralement opposés.
Il apparaît très vite que le traumatisme lié aux circonstances du décès de leur père a laissé chez les deux hommes des marques indélébiles, de sérieuses séquelles psychiques.
Une grande partie du roman a trait à la vie affective et à la sexualité de chacun d'eux, l'une et l'autre étant pour le moins bizarres. L'auteur tourne une fois de plus en dérision les moeurs de la bourgeoisie italienne, recourant parfois à une écriture directe et crue.
L'essentiel du roman se déroule à Milan et à Rome mais le lecteur voyage aussi dans le Manhattan des affaires à New York, les bidonvilles de Dacca au Bangladesh ou encore les milieux interlopes de Tachkent en Ouzbékistan.
Des circonstances extravagantes réunissent au final les deux frères et leur mère au domicile romain de cette dernière et permettent de crever l'abcès des anciens non-dits. Cet étonnant happy end porte incontestablement la marque d'un écrivain talentueux.

''Inséparables'', prix Strega 2012, a répondu à mon envie de comprendre jusqu'où l'étrangeté des relations humaines conduit parfois.
Alessandro Piperno ne court visiblement pas après le politiquement correct. Au vu de cette saga familiale si singulière, il flirte déjà avec le cercle de mes auteurs incontournables.



P.-S. :
Plusieurs critiques considèrent "Inséparables" comme un roman se suffisant à lui-même. Je ne partage pas ce point de vue : pour pleinement apprécier les subtilités de ce roman et notamment les particularités du milieu juif dans lequel gravitent les personnages, il est à mon sens préférable de lire auparavant “Persécution” (si vous aimez le premier volet de la saga, vous adorerez celui-ci).

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« A nous les Inséparables ! »
Voilà ce que criait Filippo, l'ainé de Samuel, lorsqu'ils étaient petits. Ces 2 frères, fils de Rachel et Leo Pontecorvo ont eu, à Rome, une enfance gâtée et une adolescence pourrie due au suicide de leur père, le médecin charismatique accusé à tort d'avoir violenté une gamine de 12 ans, qui plus est la copine de Samuel (ce parcours de l'horreur était magistralement raconté dans « Persécution »).
Et les voici 25 ans plus tard, vivant leur vie tant bien que mal, plutôt mal que bien, d'ailleurs. L'aîné est marié à une névrosée, le cadet se partage entre deux femmes. Leur carrière respective connait des rebondissements spectaculaires qu'ils sont obligés de prendre en compte. Et leur vie sexuelle, racontée en long et en large, en subit les conséquences.

C'est bien là que le bât blesse, pour moi : autant « Persécution » fouillait dans les recoins sombres du cerveau et des coeurs, autant « Inséparables » s'attarde en dessous de la ceinture... Mais bon, Freud n'est pas loin, je suppose.

De plus, la stratégie narrative où apparait très rarement – mais curieusement - un « je » mystérieux alors qu'il s'agit d'un point de vue omniscient, me semble alambiquée (déjà dans le premier volume, d'ailleurs) et trouve son explication dans les dernières pages. Mais celle-ci me semble « scolaire », comme si l'éditeur avait sommé l'auteur de rendre compte de son narrateur, ce dont l'auteur s'acquitte consciencieusement.

C'est drôle, mais en lisant cette histoire que pourtant j'abordais avec une complète bienveillance, ayant beaucoup aimé le premier tome, j'ai eu l'impression de vivre dans un film américain pur jus, où les personnages s'interrompent continuellement sans s'écouter, où les affres sexuelles se taillent une belle part.

Mais la bienveillance que je ressentais avec « Persécution » ne s'est quand même pas totalement éteinte, car j'ai malgré tout suivi les tourments de cette famille juive hors du commun avec intérêt.

Alors, inséparables dans l'enfance, inséparables dans la vie adulte ? C'est à vous de le découvrir !
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C'est une addiction ! Je dois (me) l'avouer (le chemin de la guérison débutant à la prise de conscience de la maladie), après avoir été Pipernophile dès la première lecture, j'ai rejoint les rangs des Pipernodolâtres les plus virulents et aujourd'hui, les symptômes sont clairs, je suis Pipernomane dépendant. C'est stupéfiant l'effet que ses livres me font.
Prenez le dernier, celui-ci, sur lequel vous attendez peut-être un avis (qui ne vient pas, je sais). Je l'ai acheté il y a plus d'un mois. Aussitôt, je l'ai enfoui dans un tiroir pour ne plus le voir et je me suis mis à lire autre chose. du lourd, du quatre étoiles et demi de chez Babelio, du Roth Joseph et Philip, du Rash, de l'Atkinson, du Pérez-Reverte, du Russo, du Fante, de l'Echenoz, du Munoz Molina, enfin vous voyez : de quoi réussir une cure de désintoxication. Et puis hier, le temps, l'humeur, le manque sans doute, j'ai ouvert le tiroir. Rechute immédiate !
Ne croyez pas que j'ai tout avalé en trois heures. Non, c'est tout le contraire parce je ne suis pas fou, je sais que c'est dangereux. Je n'ai pas envie de faire une overdose qui serait de très mauvais goût sur Babelio. Alors, je lis quelques pages, je note des citations à distiller au fil de ma lecture et c'est le déluge. Je n'ai pas lu les cent premières pages que j'ai déjà vingt-cinq citations à vous faire découvrir. C'est maintenant vous qui risquez l'overdose…
Trois jours plus tard, vous êtes toujours là ?
Si on parlait un peu du livre ? Revoici les frères Pontecorvo dont le père était l'objet central de Persécution (qu'on peut tout à fait lire après même si ce serait mieux de le faire avant). Vingt ans ont passé, Filippo est un dilettante, aujourd'hui on dirait un glandeur, qui ne fait pas grand-chose mais le fait avec élégance et sur lequel, sans qu'il l'ait vraiment cherché, s'abat soudain la réussite puis la célébrité et la reconnaissance médiatique.
Samuel, son frère, ex golden boy, futur ex-courtier en coton, est à peu près tout ce que son frère n'est pas (et réciproquement) mais les deux frères sont unis comme ces perroquets qu'on appelle inséparables parce qu'ils vont toujours par deux. L'un est marié à une actrice de sitcom dont il tombé amoureux devant sa télé, l'autre va se marier avec la femme qu'il fréquente depuis quinze ans sans avoir réellement consommé leur union. Au centre, il y a leur mère qui serait parfaite dans le rôle de la mère juive possessive mais qui sait limiter au minimum ses intrusions pour éviter la caricature.
On pense immédiatement au ton des comédies de Woody Allen, y compris les emballements amoureux, les hauts et les bas (surtout les bas, c'est plus amusant) de la vie conjugale ou familiale et les questions (d'aucun dirait obsessions) sexuelles. On traite ainsi de sujets sérieux voire graves avec une légèreté, une ironie et un humour enchanteurs. C'est distrayant, très bien écrit et toujours drôle. Les coups de griffe sont distribués avec élégance à un panel assez représentatif de personnages, d'institutions ou de situations qui ne l'ont pas vraiment volé. Actrices ou animateurs de télé, cuisiniers « nouvelle cuisine », architectes d'intérieur, dirigeants d'université à la recherche d' intervenants « tendance », peu importe ce qu'ils ont à dire, businessmen vaniteux, fils à papa, réseaux sociaux « dopant l'amour comme la haine », foules hystériques, humanitaires progressistes aux convictions douteuses mais néanmoins attachants (« Il veut coopérer avec elle vingt-quatre heures sur vingt-quatre. le jour il veut l'admirer comme Mère Teresa de Calcutta, la nuit la baiser comme une star du porno »)… et puis, bien sûr, les fondamentalistes, car il semblerait qu'ils aient pris Filippo en grippe…« le plus grand don de Dieu au fondamentaliste est de l'avoir créé obtus. »
La marmite boue gentiment, l'orage va se déclencher et je ne vous dirai pas si les Inséparables y résisteront. J'adore cette histoire, la façon dont elle est racontée, la densité et les faiblesses de ses personnages et ce ton pétri d'humour qui alterne le sérieux, le burlesque et le tragique.
Vous êtes toujours là ? Toujours pas décroché(s) ?... (j'ai ajouté un « s » entre parenthèses parce que j'ai un tempérament optimiste). Mais il va falloir y penser quand même, nous allons devoir nous séparer parce que ce n'est pas moi qui vais vous livrer Inséparables. Il faut aller l'acheter, puis le lire dans la foulée (maintenant, pas demain, pas plus tard, pas dans la PAL), parce qu'à mon avis c'est le meilleur des quatre que je trouve tous formidables. Surprenez-vous, sortez de votre zone de confort habituelle et faites-moi confiance. L'été approche, il est temps de déguster sans modération un Piperno bien frais.
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Je flippe devant Les Oiseaux de Hitchcock, je kiffe ceux d'Aristophane, ceux de Matisse me font rêver, mais ces oiseaux-là, Les Inséparables d'Alessandro Piperno m'ont infligé une déception cruelle, à la hauteur de mes attentes: ils sont tombés comme des pierres du haut du ciel où m'avait laissée Persécution.

Le même mot ,en grec ancien, qui désigne l'oiseau sert aussi à nommer un oracle, réponse divine et ambiguë aux demandes humaines. Eh bien, toutes mes questions après la lecture de Persécution ont trouvé leur réponse - Cet "oiseau"-là au moins aurait dû me satisfaire...Eh bien non!..je dois être un oiseau mal embouché..

Je sais qui glissait ses dessins sous la porte du pauvre Leo condamné au silence et proscrit par sa propre famille pour un crime qu'il n'avait pas commis -mais, si on lit attentivement Les Inséparables, des invraisemblances notoires apparaissent : le dessinateur n'est pas celui que l'évidence désigne, mais alors que glisse sous la porte de Léo l'autre dessinateur, celui qui en fera son métier?
Je sais qui mettait des barres de chocolat devant la porte du sous-sol où s' était enterré Leo, je sais aussi qui est cet étrange narrateur-je-sais-tout qui se permettait d'ironiser sur chacun au plus fort du drame. Je sais même les secrets de l'insupportable Rachel, cette mère-pieuvre, cette épouse -parfaite-sous-tous-rapports qui soudain se désolidarise et laisse mourir son mari sans solliciter la moindre explication. Le récit, magnanime, lui donne un blanc-seing tardif et littéralement in extremis...Oui, oui, contrairement aux apparences, elle a agi pour la bonne cause! Encore une invraisemblance: épargner ses enfants ...en laissant leur père mourir abandonné et injustifié?

Bref je sais tout ce que je voulais savoir, comme si un dieu bienveillant s'était dit: allez, on va lui faire une petite explication de texte, à cette imbécile, et puis on va la boucler, cette histoire, en la truffant de portraits au vitriol - une actrice névrosée, une belle-fille de rêve pour belle-mère abusive, une onaniste perfide, un snob insupportable et j'en passe...- et aussi d'histoires de cul pour faire bon poids. Les frères Pontecorvo ont des problèmes sexuels, - sexe compulsif, onanisme en réunion ou impuissance, il y en a pour tous les goûts! D'ailleurs, on en aurait à moins avec une mère castratrice et manipulatrice et un père faible et accablé d'opprobre...mais cela ne fait ni un sujet, ni un (bon) livre: juste un reste de viande farci d'épices nouvelles. En Belgique, on appelle cela des oiseaux-sans-tête...

Malgré mon intérêt et ma passion pour les oiseaux, je n'ai pas aimé ces Inséparables, bien moins intéressants ou inquiétants que ceux que Tippi Hedren achète au début des Oiseaux d' Hitchcock, qui ont le bon goût de rester sagement dans leur cage à se bécoter, quand les mouettes, les hirondelles, les passereaux et les corbeaux deviennent inexplicablement des tueurs en puissance.

La curiosité dit-on, est un vilain défaut: je n'aurais pas dû vouloir à toute force connaître la réponse aux énigmes du livre précédent. Pan, sur le bec! Sans compter quelques plumes perdues avec mes illusions...

Persécution était un somptueux vol de gerfauts DANS le charnier natal. Les Inséparables, c'est de la roupille de sansonnet..
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J'ai lu Persecution , le premier volet de ce diptyque, il y a trois ans et j'en ai gardé un souvenir bien vivace: Un climat malsain autour d'une calomnie d'une gamine de 12 ans qui prétend avoir été abusée par un pédiatre renommé. La famille se disloque et le père finit par mourir , seul dans sa cave. Mais ce qui m'avait troublé, c'était l'apathie du père , incapable de se défendre . Sa mort laisse deux orphelins , Filippo et Samuel que l'on retrouvent ici 25 ans plus tard.
Filippo l'ainé vient de réaliser un film qui cartonne au delà de tous les espoirs tandis Samuel occupe un poste valorisant dans le monde du coton. Filippo multiplie les conquêtes même s'il est en couple avec Anna , fille d'un milliardaire quand Samuel entretient une liaison officielle avec une avocate, malgré son impuissance.

Comme dans le premier opus, on sent rapidement que rien n'est simple. La chute est proche du sommet, l'amour n'est jamais un terrain conquis, la stabilité professionnelle très précaire, les rapports entre les frères sont pour le moins équivoques et l'on ne parle pas de la mère . Sous-jacent , tous les non dits sur la fin du père , 25 plus tôt, notamment pour le cadet (c'est sa petite amie de l'époque qui a accusé son père).
Les personnages sont denses , les rapports minutieusement dévoilés , l'intrigue , certes très rétrospective, plutôt captivante. Il y a certes quelques longueurs mais le final est une apothéose , bien dans l'atmosphère de ce roman où l'on sent que tout peut se briser instantanément.
Ce livre a été lauréat du prix Strega , équivalent transalpin de notre Goncourt. Cela ne veut bien sur rien dire , Chanson douce a bien été primée chez nous !!!, mais valorise un livre à l'atmosphère bien particulière.
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critiques presse (4)
Bibliobs
03 décembre 2012
Une belle séance de psychanalyse, qui n'est pas sans rappeler l'Italo Svevo de «la Conscience de Zeno» et le Moravia de «Moi et lui», et qui a valu à Piperno le prestigieux prix Strega cet été. Bravo!
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Telerama
21 novembre 2012
Roman non moins spectaculairement réussi que le précédent, mélange d'intelligence aiguë, d'humour, de crudité, de mélancolie aussi, qui scrute les liens familiaux et leur substrat symbolique.
Lire la critique sur le site : Telerama
Lexpress
02 octobre 2012
Le mélange est fort, tapageur et savoureux, avec ce qu'il faut de mauvaise conscience, de nostalgie et de gravité pour que le lecteur soit totalement séduit.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Lexpress
23 août 2012
Cruel. Et cinglant.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (64) Voir plus Ajouter une citation
Ce qui est troublant chez des hommes comme lui, c'est que le triomphalisme avec lequel ils parlent de leur talent pour les affaires semble avoir contaminé tout ce qu'ils pensent sur quelque sujet que ce soit. Ils considèrent que le fait d'avoir si brillamment réussi dans leur métier les autorise à se prononcer sur le savoir humain tout entier. (...)
Il voulait simplement vous expliquer comment étaient les choses.
Il voulait que vous vous rendiez compte que quoi que vous puissiez penser sur un sujet, il en savait plus long que vous.
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Une héroïne tragique se tenait dans le décor de l'entrée. Ne pensez pas à Médée ou à Clytemnestre, je vous prie, mais à quelqu'un de plus contemporain, à mi-chemin entre la jeune gitane triste qui demande l'aumône au feu rouge et l'adolescente maghrébine qui a échappé de peu à un naufrage. Anna n'avait jamais atteint une telle intensité dramatique, pas même dans le téléfilm sur la fille repentie d'un homme de la Camorra. Ses longs cheveux noirs dégoulinaient comme une gouttière, mais elle paraissait ne pas s'en soucier. Que lui était-il arrivé ? Filippo eut du mal à ravaler un de ses commentaires aigres en même temps que sa dernière bouchée.
"On peut savoir où tu étais ?" fut ce qu'il réussit à lui demander de plus gentil.
"Je viens de me disputer avec Piero."
Puis Anna laissa l'orage commenter ses paroles avec un grondement guerrier de tonnerre lointain. Et elle ajouta aussitôt après : "Définitivement, cette fois."
C'était la troisième dispute "définitive" qu'Anna avait eu ces dernières semaines avec Piero Benvenuti. Son agent. Et pas seulement le sien, mais aussi d'un tas d'animateurs télé qu'il qualifiait pompeusement d'"artistes", bien que pas un seul n'ait jamais tenu un pinceau.
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L'idée d'entreprendre une carrière dont les premiers pas lui avaient trop coûté à son goût ne l'attirait pas du tout.
Alors mieux valait s'en tenir au programme électoral inusable : pas d'orgueil, pas d'ambition et, surtout, pas de dignité à défendre. Au fond, se répétait-il, il s'agissait d'un dessin animé, destiné à une catégorie mineure du festival. Un truc de rien du tout. Qui passerait inaperçu. Lui allait à Cannes pour s'amuser. Avaler une langouste aux frais du producteur, un tartare plein de sauce Worcester comme il l'aimait. Des films à gogo et gratis des plus grands maîtres de la terre. Il aurait l'autographe de Jodie Foster ou au moins d'un des frères Dardenne. Et si tu sais t'y prendre, mon grand, une belle partie de jambes en l'air. La Croisette pullule de paumées prêtes à tout ! Bref, même à cette occasion, Filippo avait réussi là où la plupart des gens échouent : ne pas se donner trop d'importance.
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Elle avait fait irruption dans sa chambre (séparée, depuis toujours, de la sienne) pour lui mettre sous le nez quelque chose qui ne sentait pas précisément bon en hurlant : "Ca, je l'avais encore jamais vu !"
Réveillé en sursaut, Filippo avait découvert à quelques centimètres de sa bouche une sorte d'installation artistique, de celles qui ont un grand succès dans toutes les biennales du monde : un plateau de cuisine sur lequel cohabitaient, sans véritable harmonie, une croûte de parmesan rongée, une bouteille de bière pleine de mégots de cigares, une chaussure Adidas solitaire d'où pointait un paquet (vide) de biscuits Gentilini. Dans ce que n'importe qui aurait pu prendre pour une oeuvre de Pop Art dénonçant les krachs névrotiques du capitalisme avancé, Filippo reconnu les restes de sa longue séance de télé de la nuit précédente.
En d'autres circonstances, il aurait peut-être revendiqué ce chef d'oeuvre avec autant d'énergie que Michel-Ange la paternité de son David. Mais le matin de bonne heure, pris au dépourvu, soumis à un réveil brutal, son sens esthétique était encore assez engourdi pour le pousser à juger cette oeuvre d'art avec le regard prosaïque de sa femme. Eh oui, il devait l'admettre : du point de vue d'une épouse dénuée d'imagination et pleine de rancoeur, ces reliques étaient réellement répugnantes.
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Piero était un mélange troublant, et en fin de compte amusant, de cynisme et de sentimentalisme. Un talentueux courtier en théâtreux sans talent. Quelqu'un qui se dépensait avec compétence pour ses protégés, afin de leur décrocher, les contrats les plus avantageux et les scènes les plus populaires, mais qui, en raison d'un irrémédiable déficit d'empathie, avait du mal à comprendre la forme particulière que la vanité prenait chez chacun d'eux.
Pourquoi tôt ou tard, arrive toujours le moment où l'animateur surpayé de jeu télévisé se découvre la passion du théâtre ? Où la starlette, remarquée pour son immobilité de statue, se laisse tenter par le démon de la danse ? Pourquoi tous, dans ce monde de merde - dont Piero se considère comme une espèce de génie de la lampe -, décident-ils de vouloir être ce qu'ils ne sont pas ?
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