Citations sur Nouvelles pour une année 04 (13)
Pendant la journée […] le chien par peur restait muet. Couché par terre, le museau allongé sur ses deux pattes de devant.
-La vengeance du chien-
Secoué par sa femme d’une rageuse traction du bras, cette nuit-là encore le pauvre M. Anselmo fut arraché à son sommeil.
- Tu ris !
Hébété, le nez encombré de sommeil et le souffle légèrement sifflant d’avoir été réveillé en sursaut, il déglutit, gratta sa poitrine hirsute et dit, la mine sombre :
- Encore… Bon Dieu… Encore cette nuit ?
Toutes les nuits ! Toutes les nuits ! mugit sa femme, livide de dépit.
-Tu ris-
Un lien existe entre les contorsions de l’épileptique qui hurle dehors et les simagrées de son épouse dedans, qui cherche à aguicher son cousin. Les énergies cosmiques agissent et l’on devine là, chez Pirandello, les pulsions d’un panthéisme caché.
-Préface de Georges Piroué-
Peu après, derrière les monts lointains les ténèbres commencèrent à se dissiper tout doucement, signal de l’aube. Ah, qu’elle était triste, affligeante, cette toute première lueur du ciel, tandis que sur la terre il faisait encore nuit au point qu’on eût dit que le ciel se sentait peiné d’avoir à la ramener à la vie. Mais petit à petit tout le ciel sur les monts s’éclaira d’une tendre et très fraîche clarté verte qui, à mesure qu’elle grandissait, se dorait et vibrait de sa propre intensité. Légères, presque fragiles, roses maintenant, il semblait que, baignées de cette lumière, les montagnes respiraient. Et jaillit pour finir, flamboyant et comme titubant en son ardeur triomphale, le disque du soleil.
L’aube du matin ? En quarante-cinq ans de vie, il ne se souvenait pas avoir jamais vu le soleil se lever, fût-ce une seule fois, jamais ! L’aube, qu’est-ce que c’était ? Comment était-ce, l’aube ? Il en avait si souvent entendu parler comme d’un spectacle magnifique que la nature offre gratis à celui qui se lève à temps ; il en avait également lu plusieurs descriptions de poète et de prosateurs et somme toute, oui, il savait plus ou moins de quoi il pouvait s’agir. Mais lui de ses propres yeux, non, une aube, il n’avait jamais vu ça, parole d’honneur.
-Le lever du soleil-
Vite ! Sortir au plus tôt de cette ville […]. Vite, vite, en marchant en terrain découvert il trouverait l’endroit le meilleur pour jouir du dernier spectacle, et bonsoir.
La vie, il ne l’avait pas vécue ; il pouvait dire qu’il n’avait jamais bien vu quoi que ce soit : à table, au lit, dans la rue, sur les bancs des jardins publics, toujours et partout il n’avait fait que lire, lire, lire. Et maintenant, aveugle, en face de la réalité vivante qu’il n’avait jamais vue […].
-Monde de papier-
[Défense de Tarara après l’assassinat de sa femme pour cause d’adultère]
Je voulais dire, Excellence, expliqua Tarara, la main de nouveau sur la poitrine, je voulais dire que je l’ai fait, bon. Et voilà tout. Oui, je l’ai fait, Excellence, et je me tourne vers messieurs les jurés, je l’ai bel et bien fait, messieurs les jurés, parce que je n’ai pas pu faire autrement, bon, c’est tout.
-La vérité-
Toute une partie de ma vie –et dont il n’y a pas trace en moi- vit en un autre.
-Nos souvenirs-
Maintenant le monde s’est réintroduit dans son esprit. Il peut se libérer de temps en temps de son tourment pour respirer, par l’imagination, une goulée d’air dans le monde.