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EAN : 9782749140094
192 pages
Le Cherche midi (21/08/2014)
3.96/5   12 notes
Résumé :
" La paralysie faciale a déformé ses traits. Pour parler de lui, il convient de trouver un ton objectif, ce qui n'est pas si facile. Il est sourd de l'oreille gauche, le préciser est déjà entrer en lui comme par effraction. Il n'est plus jeune, loin s'en faut, et son esprit commence à vagabonder. " Ni plainte ni complainte dans ce roman cru et nu où l'auteur fait corps avec son personnage pour tenir une chronique où le scalpel de l'humour noir découpe à vif humeurs ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Ce dernier livre de Jean-Claude Pirotte est un magnifique et douloureux hommage à la littérature et à la vie qu'il va falloir quitter un jour. Il aura jusqu'au bout, sauvé son désir d'écrire et de lire au sein des souffrances, de l'extrême épuisement dû à la progression de son cancer et des traitements éprouvants qu'il a subi.
Les livres ont protégé son enfance, ils l'auront accompagné durant son adolescence, sa longue cavale et jusqu'à la fin.

C'est avec une grande lucidité qu'il nous écrit une dernière fois alors que le suivi de sa maladie l'a contraint à quitter la maison de Saint Léger dans l'Aube où il vivait avec sa compagne pour revenir à Namur, la ville où il est né.


« Partout où il posait son bagage les livres l'entouraient, c'était une famille encombrante dont les membres ne cessaient de proliférer. Or, sans cette famille, il se sentait perdu, incomplet, mutilé.
(…) Aujourd'hui que le cancer l'assigne à résidence dans cette ville où il est né par un caprice du hasard, quelques rangées de livre le rassurent sur son destin. » p 49

Il nous offre au fil des pages un florilège des livres qui l'ont toujours accompagné et lui rappellent des lieux où il a vécu : Lisbonne avec la Ballade de la plage aux chiens de José Cardoso Pires, Joubert « le tant aimé, qu'il convient de relire sans cesse, (…) non pour oublier, mais pour se retrouver » et Nerval et Maurice de Guérin, Montaigne, « La Vigie » de Marcel Arland, Gaston Bachelard, Pablo Neruda, « La Relique » de Henri Thomas, « La Tradition de minuit » de Mac Orlan, le « journal » de Stendhal etc…

La vie ce sont aussi les malades qu'il côtoient à l'hôpital : 
« Le partage de la maladie défie le sentiment de solitude. Une humanité affligée, composée de toutes les couches sociales, se défend contre la terreur en partageant une intimité de hasard. Elle s'accorde quelques heures d'oubli des raisons pour lesquelles elle se trouve rassemblée.
(…) Et je vis là quelques moments d'un oubli bienheureux en écoutant cet homme, ou cette femme, parler d'une vie sans fards. Une telle confiance inattendue le bouleverse. L'humanité malade est riche de confidences et d'espoir, alors même que rôde la mort.
(…) Il fait bien partie de la communauté fraternelle des cancéreux » p 70 71

Cet ultime voyage avec un écrivain que l'on aime, désormais disparu est bouleversant mais procure un apaisement et un regain de force pour ne pas se laisser gagner par le pire des cancers celui que Pirotte nomme « le cancer de l'esprit » qui l'avait entraîné, quelques années auparavant, vers « les ténèbres de la dépression »
et « Les métastases de l'esprit devaient avoir inspiré celles du corps. La conscience diffuse d'un autre mal avait soudain réveillé en lui, paradoxalement, l'envie de vivre. »
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Ce dernier texte de Jean-Claude Pirotte invite le lecteur
à ce voyage sur la corde raide des plis et replis d'une mort
prévue.

Le vieil homme atteint d'une longue maladie soliloque.
L'écrivain Pirotte passe du " il " premier chapitre au " je"
dès le second chapitre dévoilant ainsi qu'il s'agit d'un auto-
portrait.

Rien de morbide ni de complaisant dans ce livre qui se
donne pour un roman et qui révèle en réalité des passages
philosophico-poétiques sur la souffrance et sur la condition
précaire de l'individu.

Pirotte cite Joseph Joubert :
  " En effet, note Joubert, je ressemble en beaucoup
de choses au papillon. Comme lui j'aime la lumière,
comme lui j'y brûle ma vie, comme lui j'ai besoin pour
déployer mes ailes que dans la société il fasse beau
autour de moi et que mon esprit s'y sente environné
et comme pénétré d'une douce température, celle de
l'indulgence. J'ai besoin que les regards de la faveur
luisent sur moi."

Nous trouvons également des réflexions sur le retour
à l'enfance non dénué d'une lucidité certaine.

Jean-Claude Pirotte devient son propre scribe.

" Portrait craché " constitue un Véritable Ode à la littérature.
À noter également le regard justement acerbe de J-C Pirotte
sur notre société, de la place qu'y occupe l'informatique
considéré comme nouveau moyen d'aliénation de l'humain,
de la fascination de l'écran et du clavier dont est victime le
plus grand nombre.
Cette littérature soigne, apaise, désennuie, et permet,
dans la mesure de l'mpossible, de tenir la dragée haute à la
souffrance.

Pirotte cite Joseph Joubert :
  " En effet, note Joubert, je ressemble en beaucoup
de choses au papillon. Comme lui j'aime la lumière,
comme lui j'y brûle ma vie, comme lui j'ai besoin pour
déployer mes ailes que dans la société il fasse beau
autour de moi et que mon esprit s'y sente environné
et comme pénétré d'une douce température, celle de
l'indulgence. J'ai besoin que les regards de la faveur
luisent sur moi."

L'humour ‒ glaçant certes ‒ n'est jamais absent :
" L'homme est d'une maigreur que nous qualifierons
d'intéressante, la cortisone l'ayant privé – ou quasiment –
de ses muscles, il reste un squelette bien dessiné, qui
conserve une peau juste un peu fripée aux articulations."

Et le livre s'achève par ces lignes bouleversantes sur le
silence et l'absence car il s'agit alors :
" d'accueillir la mort et en quelque sorte de lui faire place nette ".
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Déniché cet ouvrage en décembre 2014, en fouinant dans le fonds " Littérature " de la Librairie Tschann- Paris - Débuté en 2014 et repris en octobre 2022

"Maintenant que des dizaines de volumes tous précieux l'ont rejoint dans ce logement de la dernière heure sans doute, il se sent à nouveau rassuré, presque euphorique, et les manifestations de la douleur semblent se raréfier, voire disparaître. Que cela se révèle plus tard une illusion ne le contrarie pas.Les livres sont des analgésiques. Il leur attribue ce rôle d'adoucisseurs de la maladie avec une foi de prosélyte. "

Je me permets de débuter par cet extrait des plus explicites de cet ouvrage très particulier, puisqu'il est le dernier de cet auteur, qui se battait vaillamment contre un cancer très agressif, avec déformation faciale, compliquant à l'excès le quotidien le plus élémentaire du peintre- poète ; Boire, se nourrir relevaient de l'exploit journalier de sa volonté..

.C'est sûrement pour cette raison que dans un premier temps j' ai mis de côté ce texte, très éprouvant, à première vue!

En le reprenant, j'ai lu tant d'autres choses : l'Amour de la vie, de l'humour, de la poésie, l'évocation de son enfance, de ses amoureuses, de ses amis...et cet amour fou pour la Littérature....qu'il doit sûrement, en bonne partie, à ce grand-père maternel, épatant, qui le " nourrit " en livres et auteurs les plus éclectiques !

Ce grand-père, quelle belle figure d'intelligence et de gaieté, fâché avec sa fille aînée, la mère de l'écrivain, très belle femme, bourgeoise froide, distante, confiant son fils à des " nounous- mégères " ( selon le qualificatif de l'auteur !)...il tombe malade car on lui interdit de voir son grand-père et on l'empêche de lire !...
Un médecin bienveillant, comprenant les " maltraitances" vécues par ce jeune
garçon, se fâche contre les parents, en établissant une ordonnance peu banale : "des fortifiants, des livres et la présence de son grand-père !..."

Dans cet univers toxique et mal-aimant, les Livres seront vraiment comme une révélation et un bonheur de chaque heure, jusqu'au bout de sa vie... !

Et c'est que nous voulons retenir de ce récit bouleversant: un Ode aux Livres et à la Belle Littérature...qui transportent, subliment tous les malheurs ,tous les chagrins et même la Maladie...!

"Et la lecture prend le pas sur la douleur, on dirait presque qu'elle la maîtrise, sans cesser de l'évoquer par un silence habité. La littérature, que le monde aujourd'hui méprise, est la seule sauvegarde. Il suffit de quelques lignes souveraines et modestes, et le ciel change de couleur. Il y a comme un parfum de résurrection (...)qui réveille les sens et apaise le coeur.Les mots vont bien au-delà d'eux-mêmes, et leurs échos nourrissent l'esprit qui était " en proie aux longs ennuis", et qui s'éveille enfin donnant les images salvatrices. "

Jean-Claude Pirotte rend hommage à de nombreux écrivains, chers à son coeur comme Joubert, Henri Thomas, Prevel, écrivain ami d'Antonin Artaud...

Il ne verse jamais dans la complainte ou l'apitoiement ; il utilise la double utilisation du " Je" et du " Il", la troisième personne comme si il se mettait à distance, comme si il s'observait !

J'enchaîne avec "Mont-Afrique" et attends avec impatience une commande d'un de ses textes plus anciens: " La Pluie à Rethel"...pour poursuivre ma connaissance de cet écrivain- poète et artiste peintre.. rendant merveilleusement..et au centuple ,son amour des mots et de la Littérature. Un " généreux passeur" !...

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Connu du grand public pour sa chronique poétique publiée chaque mois dans le magazine Lire, le poète, se sachant condamné par le cancer, revient sur ses journées cernées par la maladie, la solitude et la littérature dans l'éprouvant Portrait craché. Là aussi, mais par brides brusques et sans vernis, l'auteur plonge dans sa mémoire et fait remonter à la surface des moments de vie qui compterons dans sa construction intime. Déchirant de désespoir, jusqu'à l'insoutenable, Portrait craché est écrit avec beaucoup d'amertume et de tristesse, mais n'en recèle pas moins de vibrants hommages à l'amitié, la vérité et surtout à la poésie. Jean-Claude Pirotte souille de sa plume cette société techno-moderne, crache à la figure de l'économie, de la raison et de la machine, et oppose à cette déshumanisation programmée le coeur, l'esprit et la vérité poétique.
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Il vaut mieux avoir le moral au beau fixe pour entamer ce roman (très proche d'un récit autobiographique) car il y est beaucoup question de la maladie (cancer) et de la mort qui approche. le narrateur lutte contre sa déchéance physique, se bat au maximum pour grappiller quelques mois, quelques années peut être. Il y a l'enfance, présente encore et toujours, et la littérature comme planche de salut. Oui, ce roman pousse le lecteur dans ses retranchements sur un sujet qu'il est légitime d'éviter mais j'ai trouvé paradoxalement une sorte de joie de vivre assez présente malgré les souffrances et le corps qui lâche petit à petit... Ce texte est paru dans la collection Romans au Cherche-Midi, en 2014, année de la mort de Jean-Claude Pirotte.
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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
C’est dans les livres, et avec les livres, que j’ai vécu, dit-il encore, dit-il toujours. La révélation de l’enfance n’a rien perdu de son étrange luminosité. De cela au moins il tient la certitude. Les livres le relient à tous les passés mémorables, et ce qu’il a négligé de lire constitue un avenir, car les livres font échec au temps. Les voies de la découverte, en dépit de l’âge, ne cessent de s’ouvrir à sa curiosité. Aussi physiquement diminué soit-il, l’univers de la lecture ne cesse de s’ouvrir à lui, ménageant en dépit des avanies du destin les portes dérobées d’une intime jouissance. p 37
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Il ne s'est jamais éloigné de l'enfance, l'enfance où tout est vrai lorsque tout est faux. Non, l'enfant demeure en son esprit la seule vérité, il n'importe pas qu'elle soit controversée. On ne peut la supprimer d'un trait de plume.Elle est à la fois blanche et noire comme la poésie. Obscure et lumineuse. Il s'étonne qu'aussi rares soient les personnages de la vie qui aient recours à l'enfance, leur propre enfance, en face du mystère intégral que constituent le corps et l'esprit, les sens et la prescience de leurs propres enfants, qu'ils veulent à tout prix modeler à la forme des adultes qu'ils sont devenus.L'enfance incomprise- qui souhaite et refuse d'être comprise- se déroule dans ce " Jardin secret " que Larbaud a si sensiblement décrit dans " Enfantines " .Larbaud le collectionneur de soldats de plomb.

( p.156)
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Tous nous avons soif de reconnaissance.La maladie, en nous éloignant de l'anonymat commun, nous confère, croyons- nous, un statut individuel. Enfin différent, le malade tenu pour tel se détache du troupeau.
(...)
Mais la civilisation occidentale est un leurre. Transporté en Afrique ou en Inde, le malade en est réduit à la condition de paria.Et c'est bien à cette condition qu'enfant, le personnage espérait être voué. Car,enfant, il pensait la maladie comme la chance d'être solitaire et de pouvoir rêver. Le bonheur d'être abandonné de tous, et d'abord des parents, le transportait au comble de la vie.

(p.61)
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Et la lecture prend le pas sur la douleur, on dirait presque qu'elle la maîtrise, sans cesser de l'évoquer par un silence habité. La littérature, que le monde aujourd'hui méprise, est la seule sauvegarde. Il suffit de quelques lignes souveraines et modestes, et le ciel change de couleur. Il y a comme un parfum de résurrection (...)qui réveille les sens et apaise le cœur.Les mots vont bien au-delà d'eux-mêmes, et leurs échos nourrissent l'esprit qui était " en proie aux longs ennuis", et qui s'éveille enfin donnant les images salvatrices.

( p.31)
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Maintenant que des dizaines de volumes tous précieux l'ont rejoint dans ce logement de la dernière heure sans doute, il se sent à nouveau rassuré, presque euphorique, et les manifestations de la douleur semblent se raréfier, voire disparaître. Que cela se révèle plus tard une illusion ne le contrarie pas.Les livres sont des analgésiques. Il leur attribue ce rôle d'adoucisseurs de la maladie avec une foi de prosélyte.

( p.38)
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Videos de Jean-Claude Pirotte (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Claude Pirotte
« […] J'ai reçu de François Dhôtel (1900-1991), sous la forme d'un « tapuscrit » photocopié […], la merveilleuse suite de poèmes que voici. Je me suis dit qu'André Dhôtel, à la mort de qui je n'ai jamais cru, se dévoilait soudain plus vivant que jamais, avec la lumière pailletée de son regard et son sourire en coin. […] Maintenant ces poèmes sont là, qui n'ont rien de testamentaire, même si l'on devine que leur auteur peu à peu s'absente - mais c'est pour mieux affirmer une présence imprescriptible. Voici ces poèmes, dans l'ordre où je les ai reçus. […] Les poèmes naissent de la couleur du ciel, du temps qu'il faut, d'un écho des jours ordinaires et miraculeux, comme les impromptus qu'aimait tant Dhôtel, ou les petites pièces de Satie. […] Au rythme séculaire des premières lectures éblouies,
« Voici donc le chant de la jeunesse oubliée et des souvenirs perdus » […] » (Jean-Claude Pirotte)
«  […] Des paroles dans le vent en espérant que le vent est poète à ses heures et nous prêtant sa voix harmonise nos artifices.
Nos strophes seraient bien des branches avec mille feuilles que l'air du large fera parler peut-être un jour où personne n'écoutera.
Car l'essentiel serait qu'on n'écoute jamais et qu'on ne sache pas qui parle et qui se tait. […] » (Espoir, André Dhôtel)
0:00 - Abandon 2:00 - Attente 3:30 - En passant (II) 4:50 - La preuve 5:30 - L'inconnu 6:15 - Splendeur (II) 6:46 - Générique
Référence bibliographique : André Dhôtel, Poèmes comme ça, éditions le temps qu'il fait, 2000.
Image d'illustration : https://clesbibliofeel.blog/2020/04/08/andre-dhotel-idylles/
Bande sonore originale : Scott Buckley - Adrift Among Infinite Stars Adrift Among Infinite Stars by Scott Buckley is licensed under a Creative Commons Attribution 4.0 International License.
Site : https://www.scottbuckley.com.au/library/adrift-among-infinite-stars/
#AndréDHôtel #PoèmesCommeÇa #PoésieFrançaise
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