AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Silvia Baron Supervielle (Éditeur scientifique)Anne Picard (Traducteur)
EAN : 9782714310286
360 pages
José Corti (06/05/2010)
4.47/5   34 notes
Résumé :
"Journaux, 1959-1971", d'Alejandra Pizarnik : la haute tension du silence
LE MONDE DES LIVRES | 01.07.10 | 17h42 • Mis à jour le 01.07.10 | 17h42

Il y a cinq ans, grâce à la publication de son Œuvre poétique (Actes Sud), on pouvait mesurer l'importance d'Alejandra Pizarnik, écrivain argentin qui n'a vécu que trente-six ans, dont quatre à Paris (entre 1960 et 1964), au cours desquels elle sympathisa avec Yves Bonnefoy, Henri Michaux, Octavio ... >Voir plus
Que lire après Journaux 1959-1971Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
De 1959 à 1971 la poétesse Alejandra Pizarnik a écrit ces journaux où elle se révèle assez directement, avec sa souffrance et son désordre, jusqu'à son internement et ses premières tentatives de suicide. Alejandra évoque très souvent une enfance douloureuse, avec ses "labyrinthes de tristesse". Elle était la fille cadette d'une famille juive de Galicie venue s'installer dans la province de Buenos Aires, en 1934, deux ans avant sa naissance . Il y eut sur cette famille un poids terrible. Ce qui explique les dépressions incurables dont souffrit Alejandra, ses sentiments de vide, d'abandon et de déracinement qui hantent toutes ces pages. C'est d'ailleurs en quittant Buenos Aires pour Paris, où elle mène une vie de bohème, qu'elle semble avoir été la plus heureuse, en dépit de son âme tourmentée et de ses addictions. Dans ces journaux Alejandra Pizarnik évoque aussi ses nombreuses lectures, de Cerventes à Artaud ou Breton, son rapport à l'écriture, sa bisexualité, etc. Je souhaitais découvrir cette auteure depuis longtemps et lire ses journaux avant ses poèmes.
Commenter  J’apprécie          340
A l'heure d'écrire mes impressions sur les Journaux 1959-1971 d'Alejandra Pizarnik, je peine à rassembler mes idées. Les détails triviaux du quotidien que la poétesse argentine prend le temps de narrer dans ses lettres disparaissent ici au profit de réflexions concernant ses lectures en cours : Julien Green, Cervantes, Quevedo, Kafka, Dostoïevski, Góngora, Simone Weil, Borges, Simone de Beauvoir, Rimbaud, Bataille… Elle avale sans compter et analyse les textes en prévision d'articles à écrire. Entre deux bourses obtenues grâce à ses publications, elle voyage à Paris (1960-1964) ou à New York (1968) mais n'extériorise que très peu dans son journal sa vie à l'étranger. Elle ressasse bien plutôt ses angoisses, elle annote ses lectures, se désole de ses amis trop absents. Elle explicite son écriture, ses poèmes qui la traversent et lui viennent d'ailleurs, alors qu'elle aimerait rédiger un roman de longue haleine qui la tienne en besogne pendant des mois. Ce regret est récurrent dans les premières années du journal puis s'estompe lorsqu'elle n'attend plus rien. Au fil des ans, les notes sont plus courtes et plus dispersées, l'auteur attend et annonce sa fin.

Des journaux d'Alejandra Pizarnik, il me reste surtout une sourde et imposante sensation de tristesse et d'angoisse qui m'a tenue éloignée du monde réel tout le long de ma lecture. Je suis sortie épuisée de cette confrontation nécessaire, et souhaite dorénavant passer à une autre étape en littérature, me tourner vers des auteurs plus vivants mais non moins conscients des angoisses de la condition humaine.
Lien : https://synchroniciteetseren..
Commenter  J’apprécie          222
Alejandra Pizarnik naquit à Avellaneda en Argentine en 1936 et mourut à Buenos Aires en 1972. Elle était la fille d'émigrés russes.

Son journal est un véritable outil de travail, mené en parallèle à son activité de poétesse, de traductrice, de critique littéraire et essayiste. Elle en a fait le témoin de ses lectures, de ses recherches intellectuelles et de ses ambitions.

On y rencontre un esprit exigeant envers lui-même, pour qui la littérature était une vocation comparable à un appel religieux.

Elle y a jeté également son malheur de vivre, sa fascination pour le suicide, idée qu'elle n'a cessé d'évoquer, de caresser, à chaque instant de sa vie. Mais elle considérait la solitude affective et la souffrance comme des veines riches dans lesquelles tremper sa plume de poète : "Mon destin est de souffrir" écrivit-elle.

La lecture de son journal ne permet pas de trouver une cause univoque à cette profonde mélancolie : elle évoque bien une mère assez froide, une éducation triste, son incapacité à nouer une relation sentimentale durable. Elle se trouvait laide et grosse, buvait et fumait trop.

Mais toutes ces hypothèses ressemblent davantage à des conséquences qu'à des causes (excepté la carence maternelle).

Elle vécut de 1960 à 1964 à Paris où elle noua de nombreuses amitiés littéraires et artistiques avec Pierre de Mandiargues, Octavio Paz, Julio Cortázar, Italo Calvino, Marguerite Duras, Yves Bonnefoy, Cristina Campo. Elle entretint des correspondances intenses toute sa vie. Elle y traduisit Henri Michaux, Hölderlin, Antonin Artaud.

Son retour en Argentine accéléra les manifestations de sa dépression. Elle s'y sentait isolée intellectuellement et affectivement et la présence de sa mère lui pesait.

Alejandra Pizarnik fut une défricheuse d'états psychiques "borderline", une chercheuse de vérité amère : on ne s'étonne pas de son amour pour Antonin Artaud et Fodor Dostoïevski, pour Rimbaud et Lautréamont.

Elle se suicida en 1972 après quelques mois d'internement psychiatrique.

Elle nous a laissé plusieurs recueils de poésies épurées à l'écho profond et de la plus belle eau. Dommage qu'elle soit morte si jeune !
Commenter  J’apprécie          120
Un seul nom m'est constamment venu à l'esprit, en lisant le Journal d'Alejandra Pizarnik : Vincent La Soudière, que j'ai longuement évoqué dans cette note.
Certes, si Vincent a écrit des lettres, Alejandra a tenu un journal avant de se suicider, mais il est bien évident que les lettres du premier peuvent se lire comme un journal et il est tout aussi évident que le journal de la seconde peut être lu comme autant de lettres adressées à des correspondants, imaginaires ou bien réels, ses amis, les auteurs qu'elle lit, qu'ils soient vivants ou bien morts.
Lien : http://www.juanasensio.com/a..
Commenter  J’apprécie          30

Citations et extraits (39) Voir plus Ajouter une citation
[incipit]

3 janvier 1959

J’ai laissé tomber la psychanalyse. Je ne sais pas pour combien de temps. Je vais très mal. Je ne sais pas si je suis névrosée, ça m’est égal. J’ai simplement une sensation d’abandon absolu. De solitude absolue. Je me sens toute petite, une toute petite fille. Et tout le monde m’abandonne. Absolument tout le monde. A présent, ma solitude est faite de chimères amoureuses, d’hallucinations… Je rêve d’une enfance que je n’ai pas eue, et je me revois heureuse – moi, qui ne l’ai jamais été. Quand je sors de ces rêves, je n’existe plus au regard de la réalité extérieure et présente. Il n’y a jamais eu autant de distance entre mon rêve et mon action. Je ne sors pas, je n’appelle personne. Je purge une étrange pénitence. Mon cœur me fait funestement souffrir. Tant de solitude. Tant de désir. Et la famille qui me tourne autour, qui me pèse avec ses horribles problèmes quotidiens. Mais je ne les vois pas. C’est comme s’ils n’existaient pas. Quand ils s’approchent de moi, je sens des ombres qui m’ennuient. En fait, presque tous les êtres m’ennuient. J’ai envie de pleurer. Je le fais. Je pleure parce qu’il n’y a pas d’êtres magiques. Mon être ne tremble devant aucun nom, devant aucun regard. Tout est pauvre et vide de sens. Ne disons pas que je suis coupable de cela. Ne parlons pas de coupables.

J’ai pensé à la folie. J’ai pleuré en implorant le Ciel de devenir folle. Ne plus jamais sortir des rêves. C’est mon image du paradis. Je n’écris presque pas d’ailleurs.

Il y a pourtant un désir d’équilibre. Un désir de faire quelque chose de ma solitude. Une solitude orgueilleuse, industrieuse et forte. Etudier, écrire et me distraire. Tout ça, seule. Indifférente à tout et à tous.
Commenter  J’apprécie          160
23 juillet 1962

C’est incroyable comme j’ai besoin des gens pour me connaître moi-même.

Mais il y a une façon de ressentir que je déteste de toutes mes forces car dans ces moments-là, je me hais, je hais tout et tout le monde. Après un épisode de « temps haï », j’arrive à peine à me reconstituer. Je reviens à moi comme une malade et j’ai peur de ma fragilité comme une malade. C’est ce qui m’est arrivé aujourd’hui, après avoir attendu quatre heures, debout, dans les services de la Police, avec un essai sur « l’art révolutionnaire ou l’art imaginaire » que je lisais comme une esquimaude, sans comprendre le sens des mots. Ensuite, j’ai pris un taxi et lorsque je suis passée sur une très belle place, j’ai failli pleurer car j’ai compris que j’étais, moi aussi, rentrée dans l’engrenage absurde du travail et des papiers, et que mon temps m’avait été volé. Car après tout, mon temps m’appartient, et je devrais pouvoir en disposer comme j’en ai envie, bien ou mal. J’ai passé la matinée à chercher des papiers justificatifs pour qu’on me laisse me voler mon temps tranquillement. En fait, travailler pour vivre est encore plus stupide que vivre. Je me demande qui a bien pu inventer l’expression « gagner sa vie » comme synonyme de « travailler ». Où est donc cet imbécile.
Commenter  J’apprécie          211
Soudain, ce n'est ni le jour ni la nuit - soleil véloce, soleil brisant le matin doux, fait de brume et d'absence -, mais l'âme, le lieu ténu de l'âme découvert dans le sexe, grâce à quelque chose ou quelqu'un un instant entrevu, quelqu'un d'indéterminé, d'indéfini, que tu as vu une seconde ou peut être moins, pour te retrouver ensuite sans toi-même. Mais tout ça est confus. Il faut que je m'explique : je marche dans la rue en regardant le soleil qui vient de se lever et les petits nuages au-dessus de l'horloge de Saint-Germains-des Prés, et je tourne, ou plutôt mon corps tourne à l'angle d'une rue, et soudain, ce qui avait toujours été attente de toi, ce qui avait toujours été en attente de toi se trouve justifié, corroboré par la simple grâce d'un visage entrevu, que tu ne pourrais même pas décrire, tu continues à marcher et quelque chose commence à se briser : quelque chose s'est déchiré en toi et tu voudrais être dans ta chambre et pleurer, ou tout du moins essayer vaillamment de le faire. Ensuite, la peur s'éloigne et il ne reste que le sexe comme marque du sentiment tragique de la vie : en lui s'accomplit un rite de créatures avides qui attendent quelqu'un qui ne viendra pas, parce qu'il n'existe pas.
Commenter  J’apprécie          90
Ce qui est insupportable, c’est de se trouver quelque part, dans un café, pendant un rendez-vous inoffensif, et de sentir soudain un bruit de ferraille, de tiges en fer, de choses terriblement oxydées qui roulent lentement dans ton coeur (dans la partie interne, toujours dans la partie interne) et je tremble, je ne parle pas, je suis temps, je suis espace, je cherche à quoi m’accrocher pour ne pas tomber, mais je ne tombe pas, je suis rivée à mon siège.

Quelque chose veut te faire mourir et te laisser vivante, quelque chose t’éloigne de tout geste connu, de tout souvenir familier. Je voudrais les voir tous en train de me voir soudainement possédée par une roue dentée oxydée, qui tourne lentement à l’intérieur de la poitrine ou dans la mémoire ? Ou dans le cerveau ? Si ça pouvait être une maladie horrible, avec un nom et une fin ; Mais ça ne va jamais s’arrêter. Quelque chose t’obsède, t’angoisse, te renvoie à une zone épouvantable, où il n’y a que peur, peur, peur encore.
Commenter  J’apprécie          90
Mon étonnement face à mes poèmes est prodigieux. Je suis comme un enfant qui découvre qu'il a une collection de timbres qu'il n'a pas triés. Si je lis, si j'achète des livres et que je les dévore, ce n'est pas par plaisir intellectuel - je n'ai pas de plaisirs, je n'ai que faim et soif - ni par appétit de connaissances, c'est par une sorte d'astuce inconsciente, que je viens de découvrir : collectionner des mots, les accrocher en moi, comme si c'était des haillons et que j'étais un clou, les abandonner à mon inconscient comme on se débarrasserait de quelque chose, et puis se réveiller, un matin terrible, pour trouver à mes côtés un poème déjà fait. Voici ma prouesse, mon héroïsme.
Commenter  J’apprécie          90

Videos de Alejandra Pizarnik (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Alejandra Pizarnik
INTRODUCTION : « Le siècle qui commence trouve une Argentine confiante en l'avenir. le positivisme à la mode met une foi illimitée dans les avancées du progrès et de la science, et la croissance de la jeune république autorise une vision optimiste du destin national. La classe dirigeante a bâti son programme sur la base d'une instruction publique et gratuite pour tous, destinée à réaliser l'intégration culturelle de la deuxième génération d'une masse énorme et hétérogène d'immigrants à peine débarqués d'Europe. Cette Argentine, qui est à l'époque une toute jeune nation - sa guerre contre les Indiens n'est terminée que depuis vingt ans -, dépend économiquement de l'Angleterre, est fascinée par la culture française et admire autant l'opéra italien que la technologie allemande. Ce qui ne l'empêchera pas de tâtonner à la recherche de sa propre identité, à la faveur d'un sentiment nationaliste exacerbé dès 1910 […]. L'avant-garde poétique porte le sceau du modernisme, largement diffusé à Buenos Aires par Rubén Darío qui […] marquera d'une empreinte durable la vie culturelle du pays. […] La quête de la modernité inscrite dans le nouveau courant anime déjà ce pays avide de rallier un monde qui ne jure que par Le Louvre, la Sorbonne et Montparnasse. […].  […]  La seconde décennie du siècle […] marque un tournant décisif dans la réalité argentine. […] Hipólito Yrigoyen accède au pouvoir. Avec lui surgit une nouvelle classe sociale, issue de l'immigration et amenée, pour un temps, à prendre la place de la vieille oligarchie qui a dirigé le pays depuis les premiers jours de l'indépendance. […] Cette modernité, qui relie les poètes argentins à l'avant-garde européenne, se concrétise avec le retour au pays de Jorge Luis Borges, en 1921. […] Dans un article polémique paru dans la revue Nosotros (XII, 1921), Borges explique : « Schématiquement, l'ultraïsme aujourd'hui se résume aux principes suivants : 1°) Réduction de la lyrique à son élément fondamental : la métaphore. 2°) Suppression des transitions, des liaisons et des adjectifs inutiles. 3°) Abolition des motifs ornementaux, du confessionnalisme, de la circonstanciation, de l'endoctrinement et d'une recherche d'obscurité. 4°) Synthèse de deux ou plusieurs images en une seule, de façon à en élargir le pouvoir de suggestion. » […] […] les jeunes poètes des années 20 se reconnaissent au besoin qu'ils éprouvent de revendiquer une appartenance et de se trouver des racines. […] Il faut attendre une dizaine d'années encore pour que, dans le calme de l'époque, de jeunes créateurs, avec l'enthousiasme de leurs vingt ans, apportent un élan nouveau et de nouvelles valeurs poétiques. Prenant leurs distances par rapport à l'actualité, ils remettent à l'honneur le paysage et l'abstraction, ainsi qu'un ton empreint de nostalgie et de mélancolie. […] Les années 60 correspondent en Argentine à une période d'apogée culturel. le secteur du livre est en plein essor ; de nouvelles maisons d'édition voient le jour et, conséquence du boom de la littérature sud-américaine, la demande d'auteurs autochtones augmente, ce qui facilite l'émergence de noms nouveaux. […] La génération des années 70, à l'inverse, est marquée au coin de la violence. Plus se multiplient les groupes de combat qui luttent pour l'instauration d'un régime de gauche, plus la riposte des dictatures militaires successives donne lieu à une répression sanglante et sans discrimination qui impose au pays un régime de terreur, torture à l'appui, avec pour résultat quelque trente mille disparus. […] » (Horacio Salas.)
CHAPITRES : 0:00 - Titre
0:06 - Alejandra Pizarnik 2:30 - Santiago Kovadloff 3:26 - Daniel Freidemberg 4:52 - Jorge Boccanera
5:51 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Horacio Salas, Poésie argentine du XXe siècle, traduction de Nicole Priollaud, Genève, Patiño, 1996.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Alejandra Pizarnik : https://universoabierto.org/2021/09/27/alejandra-pizarnik/ Santiago Kovadloff : https://www.lagaceta.com.ar/nota/936394/actualidad/santiago-kovadloff-argentina-pais-donde-fragmentacion-ha-perdurado-desde-siempre.html Daniel Freidemberg : https://sites.google.com/site/10preguntaspara1poeta
+ Lire la suite
Dans la catégorie : Mélanges littérairesVoir plus
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature espagnole et portugaise>Mélanges littéraires (71)
autres livres classés : journalVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (79) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Chefs-d'oeuvre de la littérature

Quel écrivain est l'auteur de Madame Bovary ?

Honoré de Balzac
Stendhal
Gustave Flaubert
Guy de Maupassant

8 questions
11094 lecteurs ont répondu
Thèmes : chef d'oeuvre intemporels , classiqueCréer un quiz sur ce livre

{* *}