Roy Cady ou l'anti-héros typique.
Dès le départ, on sent qu'il n'est pas 100% bad guy mais comme tout white trash respectueux de son état, la pauvreté additionnée à la sous-éducation additionnée aux mauvais choix additionnés à la malchance l'ont très normalement amené à devenir le porte flingue d'un petit mafieux sans grande envergure, propriétaire d'un bar et ayant la main mise sur deux ou trois affaires louches, rien de bien transcendant mais toujours assez pour mettre sous ses ordres des types comme Cady, exécutants et exécuteurs, qui ne se posent pas trop de questions et surtout n'aspirent pas à devenir calife à la place du calife.
Enfin ça c'est jusqu'au jour où, dans la même journée, Roy apprend qu'il est atteint d'un cancer des poumons avant de se faire envoyer en mission suicide par son boss qui souhaite se débarrasser de lui pour une sotte histoire de bomba latina.
Mais autant de poisse, c'est pas possible, à un moment ça tourne et pour Roy Cady, c'est quand il se trouve à deux doigts de se faire étendre qu'il se met à être verjot, et de sa Louisiane natale, entraînant avec lui une pauvre gamine prostituée qui se trouvait là, le voilà parti sur les routes jusqu'au Texas où, dans un motel minable, il essaye de se faire tout petit en ruminant une potentielle vengeance.
Galveston n'est donc pas au sens propre un road trip, sauf si passer d'un état à un autre au volant d'un pick-up en est la définition mais on est tout de même loin de Thelma & Louise. Pas vraiment un polar dans le sens classique du terme non plus. Non,
Galveston, s'il reste difficile à classer, serait plutôt un récit sur la rédemption et la possibilité ou non de regarder dans le rétro sans avoir à rougir quand d'un coup on nous annonce la fin prochaine du voyage.
Pour Roy Cady, dont la vie n'a été qu'une succession de meurtres et d'escroqueries en tout genre, même pas la peine de se retourner pour faire le bilan, c'est tout vu ; alors maintenant que ses poumons se préparent à lui faire leurs adieux, il se verrait bien changer de côté en essayant d'aider une ou deux personnes à ne pas finir comme lui. Mais difficile parfois de tourner le dos à ce qu'on est, même avec la meilleure volonté du monde. Pourtant il s'y emploie Roy, il s'y emploie aussi fort qu'il peut...
Ces événements se déroulent en 1987.
A une vingtaine d'années de là, l'ouragan Ike frappera le Golfe du Mexique et l'île de
Galveston où Roy (poumons malades mais costauds donc) s'est réfugié ne sera pas épargnée, catastrophe climatique en forme de réflecteur à sa propre existence, la route qu'il a suivie ne pouvant l'amener qu'à la violence, la destruction et l'anéantissement définitif.
Une lecture plaisante à laquelle il m'a malheureusement manqué ce petit truc qui n'a pas de nom (la Pasión, peut-être ?!) mais qui fait la différence entre un bon livre et un petit bijou.
Le portrait se cette Amérique sans espoir qui noie son No Futur dans l'alcool et la drogue est pourtant parfaitement représenté par
Nic Pizzolatto, le style est fluide, sans chichis et les instantanés s'entassent rapidement pour former une structure narrative intéressante, entremêlant passé et présent avec en prime le joli choix de la narration à la première personne. Malgré tout ça, il reste difficile de s'attacher à ce personnage de truand sur le retour qui n'ouvre jamais vraiment la porte et on arrive à la fin du récit bardé de la désagréable impression d'être toujours resté à la périphérie de l'histoire. Un peu dommage mais pas mortel, on passe quand même un bon moment dans le Noir, simplement le risque d'oubli à court terme est présent.