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Critique de candlemas


« L'homme est la mesure de toutes choses : de celles qui sont, du fait qu'elles sont ; de celles qui ne sont pas, du fait qu'elles ne sont pas (... ) des dieux, je ne sais ni s'ils sont ni s'ils ne sont pas ».
Voici -à peu de choses près-en deux phrases ce que L Histoire aura retenu de Protagoras, l'un des plus grands sophistes de son temps. Son scepticisme religieux et son relativisme nous sont surtout parvenus par l'intermédiaire de son plus grand détracteur : Platon.

Comme à son habitude, dans Protagoras ou Les Sophistes, Platon met en scène son maître Socrate dans une joute polémique contre Protagoras, et plus globalement contre les sophistes, ces professeurs d'éloquence itinérants de l'antiquité grecque. Si les sophistes sont de nos jours assimilés à des personnes utilisant des arguments ou des raisonnements spécieux pour tromper ou faire illusion, ayant donné naissance à la rhétorique romaine et à nos démagogues modernes, on le doit sans doute en grande partie à ce dialogue et au Théétète.

Socrate va interroger l'art et l'éloquence de Protagoras en remettant l'excellence et la vertu au coeur du questionnement. Faisant d'abord admettre qu'il faut pouvoir définir le fond de ce dont on parle avant de pouvoir l'enseigner, il montre que, pour les sophistes, le fond importe peu, et qu'ils sont donc incapables de justifier ce lien nécessaire.

Protagoras, de son côté, explique qu'il saura enseigner à chacun l'art de "bien diriger sa maison", ce qui, au sens large, renvoie à l'économos et au politis, ou politique. Il entend par bien l'efficacité. Grâce au mythe de Prométhée et à son éloquence, il semble un instant l'emporter en expliquant que, si chaque citoyen dispose d'un sens politique inné, celui-ci peut néanmoins s'enseigner. Mais au final, Socrate, le confrontant aux contradictions de son propre raisonnement, finit par démontrer que la vertu ne peut se diviser, et est consubstancielle du savoir. L'idéalisme platonicien est donc sauf.

En dépit de l'image négative qui poursuit aujourd'hui les sophistes, il est intéressant de constater que, d'abord, Protagoras aura été le maître du jeune Aristote, que l'enseignement sophistique se sera perpétué jusqu'à nous, et que le positivisme juridique, comme en philosophie politique, depuis Machiavel (et déjà avec Saint Augustin), l'aura finalement progressivement emporté sur les thèse naturalistes et idéalistes de Platon.

Moralement, on peut le regretter, car ces pratiques poussées à l'extrême conduisent au cynisme le plus total et pervertissent les démocraties contemporaines ; mais leur modernité n'en est pas moins réelle : notre monde actuel est totalement emprunt du scepticisme et du rationalisme prôné par les sophistes , et, depuis l'époque des Lumières, ce sont aussi ces caractéristiques qui ont favorisé la fin des monarchies et du dogmatisme religieux en occident, qui a fait avancer la science contre les croyances a priori, et favorisé la prise de conscience du relativisme culturel.

Ce que Platon critiquait tant se révélerait-il à l'usage vertueux ? Quoiqu'il en soit, ces dialogues de Platon sont parmi les plus finement écrits, constituent toujours des fondamentaux quant aux question métaphysiques, et peuvent aussi être vus comme prémisses à des réflexions politiques, sociétales ou théologiques plus modernes.
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