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Citations sur Le parti pris des choses - Douze petits écrits - Proêmes (116)

Le cageot

À mi-chemin de la cage au cachot la langue française a cageot, simple caissette à claire-voie vouée au transport de ces fruits qui de la moindre suffocation font à coup sûr une maladie.
Agencé de façon qu'au terme de son usage il puisse être brisé sans effort, il ne sert pas deux fois. Ainsi dure-t-il moins encore que les denrées fondantes ou nuageuses qu'il enferme.
À tous les coins de rues qui aboutissent aux halles, il luit alors de l'éclat sans vanité du bois blanc. Tout neuf encore, et légèrement ahuri d'être dans une pose maladroite à la voirie jeté sans retour, cet objet est en somme des plus sympathiques, - sur le sort duquel il convient toutefois de ne s'appesantir longuement.
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L’huître, de la grosseur d’un galet moyen, est d’une apparence plus rugueuse, d’une couleur moins unie, brillamment blanchâtre. C’est un monde opiniâtrement clos. Pourtant on peut l’ouvrir : il faut alors la tenir au creux d’un torchon, se servir d’un couteau ébréché et peu franc, s’y reprendre à plusieurs fois. Les doigts curieux s’y coupent, s’y cassent les ongles : c’est un travail grossier. Les coups qu’on lui porte marquent son enveloppe de ronds blancs, d’une sorte de halos.
À l’intérieur l’on trouve tout un monde, à boire et à manger : sous un firmament (à proprement parler) de nacre, les cieux d’en dessus s’affaissent sur les cieux d’en dessous, pour ne plus former qu’une mare, un sachet visqueux et verdâtre, qui flue et reflue à l’odeur et à la vue, frangé d’une dentelle noirâtre sur les bords.

Parfois très rare une formule perle à leur gosier de nacre, d’où l’on trouve aussitôt à s’orner...
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Tout l'automne à la fin n'est plus qu'une tisane froide. Les feuilles mortes de toutes essences macèrent dans la pluie. Pas de fermentation, de création d'alcool : il faut attendre jusqu'au printemps l'effet d'une application de compresses sur une jambe de bois.
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LE MOLLUSQUE

Le mollusque est un être – presque une – qualité. Il n’a pas besoin de charpente mais seulement d’un rempart, quelque chose comme la couleur dans le tube.
La nature renonce ici à la présentation du plasma en forme. Elle montre seulement qu’elle y tient en l’abritant soigneusement, dans un écrin dont la face intérieure est la plus belle.
Ce n’est donc pas un simple crachat, mais une réalité des plus précieuses.
Le mollusque est doué d’une énergie puissante à se renfermer. Ce n’est à vrai dire qu’un muscle, un gond, un blount * et sa porte.
Le blount ayant sécrété la porte. Deux portes légèrement concaves constituent sa demeure entière.
Première et dernière demeure. Il y loge jusqu’après sa mort.
Rien à faire pour l’en tirer vivant.
La moindre cellule du corps de l’homme tient ainsi, et avec cette force, à la parole, – et réciproquement.
Mais parfois un autre être vient violer ce tombeau, lorsqu’il est bien fait, et s’y fixer à la place du constructeur défunt.
C’est le cas du pagure.

un blount *: le cadre de la porte.

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La surface du pain est merveilleuse d'abord à cause de cette impression quasi panoramique qu'elle donne : comme si l'on avait à sa disposition sous la main les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des Andes. Ainsi donc une masse amorphe en train d'éructer fut glissée pour nous dans le four stellaire, où durcissant elle s'est façonnée en vallées, crêtes, ondulations, crevasses… Et tous ces plans dès lors si nettement articulés, ces dalles minces où la lumière avec application couche ses feux, - sans un regard pour la mollesse ignoble sous-jacente. Ce lâche et froid sous-sol que l'on nomme la mie a son tissu pareil à celui des éponges : feuilles ou fleurs y sont comme des sœurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois. Lorsque le pain rassit ces fleurs fanent et se rétrécissent : elles se détachent alors les unes des autres, et la masse en devient friable… Mais brisons-la : car le pain doit être dans notre bouche moins objet de respect que de consommation.
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LA CIGARETTE


 Rendons d'abord l'atmosphère à la fois brumeuse et
sèche, échevelée, où la cigarette est toujours posée de
travers depuis que continûment elle la crée.

 Puis sa personne : une petite torche beaucoup moins
lumineuse que parfumée, d'où se détachent et choient
selon un rythme à déterminer un nombre calculable de
petites masses de cendres.

 Sa passion enfin : ce bouton embrasé, desquamant
en pellicules argentées, qu'un manchon immédiat formé
des plus récentes entoure.

p.40

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Tout le secret du bonheur du Contemplateur est dans son refus de considérer comme un mal l'envahissement de sa personnalité par les choses
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Le feu

Le feu fait un classement : d’abord toutes les flammes se dirigent en quelque sens…

(L’on ne peut comparer la marche du feu qu’à celle des animaux : il faut qu’il quitte un endroit pour en occuper un autre ; il marche à la fois comme une amibe et comme une girafe, bondit du col, rampe du pied…)

Puis, tandis que les masses contaminées avec méthode s’écroulent, les gaz qui s’échappent sont transformés à mesure en une seule rampe de papillons.
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Les mûres
Aux buissons typographiques constitués par le poème sur une route qui ne mène hors des choses ni à l’esprit, certains fruits sont formés d’une agglomération de sphères qu’une goutte d’encre remplit.

Noirs, roses et kakis ensemble sur la grappe, ils offrent plutôt le spectacle d’une famille rogue à ses âges divers, qu’une tentation très vive à la cueillette.
Vue la disproportion des pépins à la pulpe les oiseaux les apprécient peu, si peu de chose au fond leur reste quand du bec à l’anus ils en sont traversés.

Mais le poète au cours de sa promenade professionnelle, en prend de la graine à raison : « Ainsi donc, se dit-il, réussissent en grand nombre les efforts patients d’une fleur très fragile quoique par un rébarbatif enchevêtrement de ronces défendue. Sans beaucoup d’autres qualités, - mûres, parfaitement elles sont mûres – comme aussi ce poème est fait. »

Le parti pris des choses
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Et je tourne encore mon esprit vers mon enfant qui me lie à l'ordre social, et dont l’existence aggrave ma condition de serf.
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