Tout d'abord merci à Babelio pour son opération Masse Critique et à Flammarion pour l'envoi du livre.
«
Championnes » est un livre réalisé par deux soeurs,
Lorraine Kaltenbach et
Clémentine Portier-Kaltenbach. Cette dernière est plus connue, puisqu'elle est journaliste et historienne, chroniqueuse radio (RTL, RFI) et télé (France Télévisions,…).
S'il est publié dans la collection « Beaux livres » chez Arthaud ce n'est pas un hasard. Chaque page - 31cm de hauteur ! - comporte une ou plusieurs illustrations ou photographies (majoritairement en noir et blanc) pour agrémenter les propos. Ce livre de 1,6kg est imposant !
L'ouvrage est divisé en 7 chapitres répartissant les femmes selon leurs traits communs : vétérantes, femmes du monde, filles du peuple, enfants de la balle, touche-à-tout, discriminées et militantes. A la fin de l'ouvrage, une chronologie reprend les différentes actions menées par ces femmes et une bibliographie le complète, afin d'aller voir de plus près la vie de ces
championnes exceptionnelles.
Au final, 29 destins de femmes sont détaillés, en quelques pages. Toutes ont eu une vie hors du commun ! Elles sont des pionnières, des femmes d'action et surtout de caractère, car elles ont transgressées l'ordre établi quand elles ne se sont pas carrément imposées ! Et surtout elles viennent de pays très différents : Grèce, Grande-Bretagne, France, Allemagne, Espagne, Australie, Italie, Québec, Etats-Unis, Belgique, Norvège, Russie…
Et si certaines d'entre elles bénéficiaient d'avantages car descendantes de quelques riches familles (il est ainsi plus facile d'obtenir un court de tennis, un avion, une bicyclette ou une voiture…) comme Camille Crespin du Gast (1868-1942), passionnée d'automobile et grande pilote, d'autres demoiselles pauvres ou modestes surent malgré tout développer leurs talents, comme la Grecque Melpomène (1896) qui se lança dans le marathon pour récolter de l'argent.
D'autres encore nous semblent aujourd'hui presque surhumaines car fortes dans de nombreuses disciplines. C'est le cas de Marie Marvingt (1875-1963) : première française à accomplir les 12km de la traversée de Paris à la nage, premier prix de la traversée de Toulouse en 1918 ; elle pratique aussi la gymnastique, la boxe, la lutte, le tennis, le golf, le canoë, la voile, le water-polo, la voltige à cheval. Elle est championne de tir, possède le record de marche dans les Alpes en 1920, première femme alpiniste à faire l'ascension de plusieurs pics inaccessibles ; elle a gagné des prix en ski, patinage, bobsleigh…. Mais ce n'est rien puisqu'ensuite elle découvrira l'aviation et avant 1914 elle aura réussi 290 voyages et atterrissages, et c'est la seule femme à posséder les 4 brevets d'aviation, hydraviation, ballon et hélicoptère (ce dernier, passé à 80 ans !). Elle détient 17 records mondiaux et 34 décorations dont la Légion d'honneur.
Mais hélas, certaines ont dû faire face, en plus de la discrimination pour être de sexe féminin, à la discrimination raciale : Bessie Coleman, afro-américaine, devra attendre de nombreuses années et changer de pays pour obtenir son brevet d'aviatrice ; Gretel Bergmann ou Lilli Henoch, deux juives, seront privées de Jeux Olympiques organisés à Berlin en 1936 et cette dernière sera même déportée et exterminée.
Voici une infime partie du contenu de cet ouvrage magnifique.
Toutes ont contribué à sortir les femmes du foyer, et certains propos masculins font froid dans le dos (voir mes citations), cantonnant ces dames à la maison, trop faibles pour le sport et non-adapté à elles car jugé inesthétique puisque bouger en robe, corset et bottes, ce n'est pas simple…. Elles ont chacune, à des degrés différents, permis l'émancipation des femmes dans le sport au fil des siècles. En bravant les interdits, elles ont montré que les femmes n'étaient pas que des « poupées » destinées à servir l'homme mais qu'elles avaient les mêmes capacités qu'eux (on pense à Nicolasa Escamilla (XVIIIe siècle), torera qui vaincu les mêmes taureaux que ses homologues masculins ; Violette Morris (1893-1944) qui affronta des hommes en combats de boxe,…).
Notons que la Première Guerre Mondiale a été un accélérateur de l'émancipation car les hommes étant partis au combat, ce sont bien les femmes qui durent faire fonctionner les usines, les récoltes et purent faire du sport un peu plus librement. Et à la fin de la guerre, elles n'avaient plus envie de rester chez elles à ne rien faire ! Certaines se sont même engagées dans la guerre, pour conduire des ambulances ou piloter des avions de chasse ! D'autres militèrent ensuite pour le féminisme à la fin de leur vie.
Mais l'égalité homme / femme n'est jamais atteinte, et il faut attendre 1971 pour qu'une femme rentre au Comité Olympique International et 1984 pour que le marathon olympique soit ouvert aux femmes (à Los Angeles). C'était juste hier !
Il est donc très utile ce livre des soeurs Kaltenbach, d'une part pour rendre un hommage à ces pionnières qui osèrent désobéir, et qui restent trop méconnues, et d'autre part pour montrer que la route est encore longue et que d'autres «
championnes » doivent se révolter pour poursuivre l'émancipation sportive des femmes sur tous les terrains. A quand la diffusion du rugby féminin par exemple ? Quand arrêterons-nous de parler des femmes sportives en insistant sur leur beauté ou leurs formes corporelles plutôt que sur leurs performances ?
Bon… ce livre m'a enflammé, et en tant que sportive je vais pouvoir continuer à lutter pour une meilleure reconnaissance des femmes ! J'ai tous les arguments entre les mains ! Et je vous conseille de vous procurer ce livre !