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Critique de Gwen21


Au lecteur qui s'interroge encore sur la valeur ajoutée d'un libraire dans le choix d'un livre versus les achats via les plateformes d'e-commerce, je raconte cette petite histoire : à la librairie, rayon littérature étrangère, je mets enfin la main sur "Par le fer et par le feu" de Henryk Sienkiewicz. Au moment où je m'en empare, j'entends une mâle voix dans mon dos, très légèrement teintée d'accent étranger. "Vous aimez la littérature polonaise, mademoiselle ?". Déjà, qui que soit mon perspicace interlocuteur mystère, le simple fait qu'il me donne du "mademoiselle" le catapulte très haut dans mon estime. Je me retourne et fais face à un jeune homme très distingué qui, sans attendre ma réponse, enchaîne : "Parce que si c'est le cas, je n'ai rien à dire à votre choix, sauf que vous devriez commencer par ça." Et de me mettre entre les mains un pavé de 900 pages d'auteur et de titre inconnus de moi, "Manuscrit trouvé à Saragosse, Jan Potocki". Je vous la fais brève : mon bienveillant guide n'était rien de moins qu'un libraire polonais en stage à Auxerre. Vous ne saviez pas que ça existait ? Moi non plus. Et pourtant, c'est bien grâce à l'attention et aux recommandations de ce libraire franco-polonais que j'ai fait connaissance avec le présent roman dont, à ma plus vive honte, la réputation d'oeuvre majeure de la littérature interplanétaire m'avait complètement échappée.

Ce colossal roman classique, bourré d'aventures jusqu'à la gueule, est d'abord, pour un lecteur français, une longue flatterie à l'oreille tant la langue est belle. Oui, parce qu'il faut préciser que Jan Potocki a consacré plus de vingt ans à l'écrire... en français, et franchement, pendant toute la lecture, vous vous pincez pour le croire. Ô temps béni où le beau français était la langue des intellectuels et des souverains d'Europe, du Finistère à l'Oural et de Luleå à Syracuse !

Revenons au manuscrit de Saragosse, si vous le voulez bien.

Vous avez tous joué, enfant, à empiler des cubes les uns dans les autres à la manière des poupées russes ? Et bien, Jan Potocki fait ici exactement la même chose avec les très nombreux personnages de son roman. Les mises en abyme se succèdent sans répit, tout au long des six décamérons qui structurent le récit. Donc, pour être franche, inutile de me demander de vous raconter l'histoire, j'en suis tout bonnement incapable, ayant oublié les personnages et les situations au fur et à mesure qu'ils étaient remplacés par de nouveaux.

Toutefois, n'allez pas croire que cette densité rend le roman impénétrable, ennuyeux ou obscur. C'est là que réside la magie de l'auteur - magie qui a agi par la suite sur plusieurs générations d'écrivains - car, allié à la beauté chantante de la langue, le récit des nombreuses aventures tantôt picaresques, tantôt fantastiques, tantôt joyeuses, tantôt effrayantes, transplante le lecteur dans l'Espagne des 17ème et 18ème siècles avec un réalisme ahurissant. Pour un peu, vous vous sentiriez dans les basques de Sancho Panza ! Mon seul conseil : rendez-vous très disponible et réservez à ce roman l'exclusivité de votre lecture, au risque de décrocher très rapidement.

Une belle découverte qui cumule la satisfaction d'avoir comblé une énorme lacune de ma culture littéraire et celle d'avoir effectué un incroyable voyage dans le temps et l'espace.

PS : Je n'ai pas encore lu mon Sienkiewicz mais ça ne saurait tarder.


Challenge MULTI-DEFIS 2016
Challenge PAVES 2015 - 2016
Challenge 19ème siècle 2016
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