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EAN : 9782070305995
160 pages
Gallimard (30/11/-1)
3.67/5   15 notes
Résumé :

La mélancolie hante toute l'histoire Culturelle de l'Occident. Hippocrate en fait l'une des humeurs du corps humain, Aristote s'interroge sur le rapport entre mélancolie et génie, la psychanalyse aujourd'hui en propose d'autres interprétations. Entre l'Antiquité et l'aube du XXIe siècle, de la " bible noire " qu'à l'origine elle désigne, la mélancolie s'est perpétuée sous d'autres noms acedia, spleen,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Pas évident d'écrire sur cet ouvrage, publié en 2004 à l'occasion d'une exposition sur la mélancolie à Paris, au Grand Palais... Il est riche, on y apprend pas mal de choses, ça oui. Mais il est impossible à résumer, complexe, voire inutilement compliqué, et ne correspond guère à ce qu'on attend d'un livre de la collection découvertes Gallimard : un livre pour le plus grand nombre, qui aborde le sujet de façon claire et concise, afin que les novices, les non-initiés puissent y avoir accès. Mais Hélène Prigent ne semble pas avoir très bien compris la nature de la commande qu'on lui avait passé. On se retrouve donc avec un ouvrage érudit, mais bien trop court pour que soient suffisamment développés les thèmes complexes attachés à l'histoire de la mélancolie. Car il faut s'accrocher pour comprendre les rapports qu'entretient la mélancolie avec l'imagination, la mémoire, le regard, le concept de l'acedia, etc. Les raccourcis sont nombreux et l'auteure tient pour acquises certaines données : il est évident pour elle, par exemple, que le lecteur connaît suffisamment Platon pour ne pas s'attarder plus d'une ou deux secondes sur sa théorie des idées. Aucun effort n'est consenti pour s'adapter au public.
Pour démonstration, je vais prendre le chapitre consacré au romantisme, qui est la période, le mouvement que je connais le moins mal. Il faut en arriver à la fin de ce chapitre pour qu'Hélène Prigent se décide à se montrer un tant soit peu précise (et encore) sur les buts du mouvement romantique. Auparavant, elle reste dans le flou le plus total, à grands renforts de métaphores. Les métaphores, c'est très joli, les Romantiques aimaient effectivement beaucoup en utiliser, mais dans un ouvrage d'initiation consacré au concept de la mélancolie, ça ne sert qu'à porter la confusion dans le cerveau du lecteur, voire à masquer les insuffisances de l'auteure. Et pour ce qui est de certains tableaux mentionnés, je reste assez sceptique sur l'analyse qu'elle en donne. Je pense notamment à cette assertion selon laquelle La mort de Sardanapale de Delacroix se situerait à l'opposé du Saturne dévorant l'un de ses enfants de Goya. le tableau de Goya relèverait d'une vison imaginaire et irréelle, le tableau de Delacroix serait donc d'une veine plus "réaliste". le problème, c'est que ce qui est justement frappant dans La mort de Sardanapale, c'est l'impossibilité d'identifier les différents plans du tableau, ou de discerner si la scène a lieu dans un intérieur ou à l'extérieur. Dans le genre "réaliste", même avec des guillemets, on fait mieux (et puis bon, taxer Delacroix de réalisme, ça frise l'insulte). Plus loin, l'auteure fait de Sardanapale une figure typiquement mélancolique ; étant donné la pose que le personnage prend (la tête appuyée sur la main, pose typiquement mélancolique), en effet, c'est une théorie qui se tient. Mais alors, l'aspect cauchemardesque, au sens de vision de cauchemar, saute aux yeux. Si Sardanapale est du côté de la mélancolie, c'est à la façon de l'acedia (et voilà que moi aussi je deviens incompréhensible), c'est-à-dire à la façon de Saint Antoine assailli et tenté par les illusions provoquées par le diable. On est donc en pleine vision surnaturelle, et le soi-disant aspect "réaliste" du tableau tient encore moins qu'auparavant.

D'autres manquements sont à noter : le vingtième siècle est très peu évoqué, on ne parle pas de la dépression, en tant que maladie ou pathologie (alors que le terme apparaît dans le sous-titre de l'ouvrage), de la position de la société face à la dépression au vingtième siècle. Et le tout manque cruellement de références à la musique, qui, il me semble, a autant exploré la mélancolie que les arts plastiques ou la littérature. Et d 'une manière générale, il est malaisé de comprendre comment s'établissent les glissements d'une époque à une autre, d'une approche de la mélancolie à l'autre au cours des siècles. Mais c'est là un problème vraisemblablement difficile à résoudre, car présent dans nombre d'essais consacrés à l'histoire culturelle.

Je ne voudrais cependant pas donner l'idée que le livre est à jeter. On y comprend bien que deux pôles sont indissociables de la mélancolie, le négatif et le positif, la maladie effrayante et la source de la créativité, voire du génie. On arrive à suivre les méandres de l'histoire de la mélancolie, bon gré mal gré, et je crois qu'on peut y trouver certains éléments susceptibles de nous éclairer sur les arts plastiques, la littérature, mais aussi sur le regard que porte aujourd'hui la société sur ce que nous nommons aujourd'hui dépression. il me semble que le passage le plus intéressant porte sur la célèbre gravure de Dürer, Melecolia I, au sens si mystérieux à première vue. Mais tout ça est quelque peu gâché par le manque de pédagogie de l'auteure. Tout du long, j'avais en tête la phrase de Boileau : "Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément." Car c'est à croire, par moments, qu'Hélène Prigent a mal digéré ses connaissances sur la mélancolie. C'est très curieux qu'on puisse avoir cette sensation à la lecture d'un ouvrage qui ne peut tout de même pas avoir été rédigé par la première venue !
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L'autrice développe la notion de mélancolie au travers des temps et des représentations artistiques, philosophiques et/ou religieuses. « La pose mélancolique » est représentée par une tête penchée s'appuyant sur la main droite. Méditation et chagrin, au fil des époques, se teinteront de connotations morales négatives. L'ouvrage est relativement compliqué à lire. Outre le fond, la forme est complexe. Se constituant de textes en police de petits caractères, mélangés avec des Inserts iconographiques, commentés, en écriture encore plus petite. Il faut sauter d'un texte à l'autre et le suivi des concepts de la mélancolie en soi est difficile à faire.
L'ouvrage est très documenté, très fouillé, mais n'apporte pas de véritable explication à ce qu'est en fin de compte la mélancolie. Je l'ai quand même bien apprécié.
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critiques presse (1)
Lecturejeune
01 mars 2006
Lecture jeune, n°117 - A l’occasion de l’exposition présentée au Grand Palais, «Mélancolie. Génie et folie en Occident», Hélène Prigent, critique d’art qui participa à sa conception, livre un ouvrage incroyablement riche et néanmoins synthétique. En 160 pages, elle offre une histoire de cette notion qui semble avoir hanté l’Occident. En témoigne l’abondance des textes et de l’iconographie consacrés à la mélancolie, dont un panorama est proposé au lecteur. La mélancolie est abordée dans ses dimensions philosophique, esthétique, littéraire, astrologique, démonologique, médicale, psychiatrique et psychanalytique. Les différents chapitres font le point sur l’évolution de la perception de cette maladie de l’âme, que l’on a aussi appelée acedia, spleen, neurasthénie, dépression. Hippocrate pensait que cette «bile noire» venait de la rate ; Aristote établit le premier le lien entre mélancolie et génie créateur ; Luther la désigna comme «le bain du diable» ; la Renaissance la redécouvrit ; les Romantiques exaltèrent «le Soleil noir de la Mélancolie» ; les psys la combattent aujourd’hui à coup de thérapies et d’antidépresseurs… Au fil des siècles, les hommes n’ont cessé d’interroger les liens qu’elle entretient avec l’imaginaire. Gaëlle Glin
Lire la critique sur le site : Lecturejeune
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Que la mélancolie soit intimement liée au regard, c'est-à-dire à l'image, toute son histoire en témoigne. L'image idéelle de Platon, l'image vraie d'Aristote gouvernaient l'imagination dans la mélancolie antique, et donnaient au regard sa visée. Avec l'acedia, le regard, parce qu'il s'est détourné de la contemplation divine, laisse au contraire le champ libre à une imagination débridée, nourrie d'images trompeuses et de simulacres. Ainsi, hormis dans ses représentations des tentations de Saint Antoine qui précisément s'abandonnent aux flots monstrueux de l'imagination, le Moyen Âge représente le mélancolique et l'acédique le regard baissé vers la terre, ou errant dans la vague, et même si, à l'aube de la Renaissance, Dürer restitue dans sa Melencolia I la tension du regard, celui-ci n'en est pas moins dirigé vers un objet dont l'absence dans la gravure jette un doute sur la réalité même. Au XVIIème siècle, la mélancolie ne trouve plus guère d'horizon que celui de la mort : c'est sur un crâne que bute le regard mélancolique, symbole de la limite et donc de la vanité de toute ambition idéale. Il n'en va pas différemment au siècle suivant, quand celui-ci n'édulcore ou n'affadit pas trop le "sentiment" mélancolique.
L'iconographie mélancolique est donc toujours une iconographie du deuil ; ce qu'elle met en scène est d'abord une absence. De fait, la période qui produit le moins d’œuvres intitulées Mélancolie est précisément le romantisme, qui veut croire à un lien vivant entre l'homme et l'idéal, lien qui tiendrait au rapport de l'homme à la nature.
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L’apparition de la mélancolie coïncide avec les premières définitions de l'homme énoncées par les penseurs grecs. Après avoir cherché à déterminer les lois régissant la nature, ils se tournent vers l'individu, utilisant les principes dégagés pour celle-ci pour définir celui-là. Comme la nature comprend quatre saisons et la matière quatre qualités fondamentales (le chaud, le froid, le sec et l'humide), l'homme, pensent-ils, doit aussi être mû par quatre éléments. Ainsi, à l'aube du IVème siècle av. J.-C., dans un écrit intitulé De la nature de l'homme, Hippocrate ou son gendre Polybe, on ne sait, isole dans le corps humain quatre "humeurs" : trois substances résiduelles censées parvenir de la partie des aliments non digérée par le corps - la bile noire (appelée "mélancolie"), la bile jaune et la pituite (ou flegme) - auxquelles on ajoute le sang pour faire bonne mesure et parvenir au chiffre quatre, réputé idéal. "Le corps de l'homme a en lui du sang, du flegme, de la bile blonde et noire. C'est cela qui constitue la nature du corps, et c'est par cela que le corps souffre ou est en bonne santé." La santé se définit en conséquence par l’équilibre des quatre humeurs, tandis que la maladie provient de la prédominance de l'une d'entre elles. La bile noire, ou mélancolie, désigne ainsi à la fois une substance naturelle dans le corps et la maladie liée à l'excès de cette substance.

Chapitre 1 - Anatomie de la mélancolie
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Cependant, pour le préromantisme puis le romantisme, le sublime n'est plus circonscrit, comme à l'âge classique, au rapport avec le sacré ; ou, plus exactement, la sphère du sacré s'est considérablement étendue et dispersée tout à la fois. Car c'est bien une sorte d'incarnation profane du sacré qu'affirment le préromantisme et le romantisme, une incarnation dont l'Univers, c'est-à-dire la Nature, serait le corps sanctifié. Jadis contenu dans les mains de la divinité, le sacré s'est répandu dans la nature et seul le poète est susceptible d'en reconnaître les fragments épars, et d'en recomposer la partition.

Chapitre 5 - Le romantisme : le dernier lieu mélancolique
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A côté de la traditionnelle bile noire responsable de tous les maux dans la conception pathologique de la mélancolie, Agrippa de Netteheim distingue une bile blanche, à laquelle il attribue l’enthousiasme susceptible de stimuler la créativité. Trois sortes de mélancolie en découlent, reliées selon un ordre ascendant aux trois facultés de l'âme : l'imagination, la raison et l'esprit.

Chapitre 3 - L'âge d'or de la mélancolie : la Renaissance
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La mélancolie a cessé d'être le lieu imaginaire d'un au-delà de l'homme pour devenir celui d'une intériorité. Quant à l'imagination, qui jusqu'ici fondait la mélancolie, elle en est maintenant dissociée et ne peut plus dès lors prétendre livrer la moindre clé d'un monde supérieur.

Chapitre 4 - Classicisme et Lumières : la mélancolie en vanité
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