Deuxième livre de
Suzanne Prou après
la terrasse des Bernardini.
J'aime toujours la belle écriture recherchée mais fluide. Elle décrit parfaitement la bourgeoisie du 20ème siècle, des ambiances à la
Sagan, voire Mauriac ou Bazin.
Edmée est l'héroïne de cet opus, on la suit jeune collégienne jusqu'à l'aube de sa vie.
Elle est rebelle et n'a pas froid aux yeux, elle a un appétit de vie qui choque pour l'époque. Fille unique, elle méprise ses parents et n'a de cesse de vouloir s'émanciper de ce carcan.
Comment y parvenir quand on a 18 ans en 1940 et que son père est de surcroît militaire de carrière? En fricotant avec l'ennemi pardi.
Après la libération, elle fuira en Amérique du Sud, aura quelques aventures, reviendra en France affublée d'un fils dont elle n'a que faire. Et l'histoire se répètera inexorablement.
Comment prendre de la distance par rapport à une mère indifférente, quand on a 18 ans en mai 1968?
Edmée n'est pas vieille mais elle est seule, la beauté n'a qu'un temps. Elle boit plus que de raison, se parle à elle-même et passe ses journées dans son appartement délabré, à se regarder dans le miroir, à essayer d'y retrouver sa jeunesse et sa beauté.
C'est un texte cruel à bien des égards, et les
miroirs d'Edmée sont plus souvent métaphores que de réels objets disposés dans la maison.
C'est le regard de sa meilleure amie, celui de son père, de sa mère, des bourgeois de la ville, des jeunes gens qui fréquentent la faculté dans laquelle elle s'inscrit ... Elle cherche à se montrer, à être vue et à se donner à voir.
L'histoire n'a rien d'exceptionnel, le texte vaut surtout pour sa qualité de rédaction et pour les pistes de réflexion et d'introspection qu'il propose. J'ai apprécié cette lecture intimiste et contemplative.