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Une année avec Proust #5

Bonjour Babelio !!!
Que ça fait longtemps que je n'avais plus rien posté. Trois longs mois de surcharge professionnelle qui m'ont empêché de vivre et de lire. Et vu que Babelio est assez chronophage, il st tombé dans la foulée.
L'important c'est que ça commence à se calmer et que je peux enfin vous retrouver.
Et je vous retrouve avec ce brave Marcel... Enfin brave, sur ce tome, on pourrait plus le qualifier de "gros connard" qu'autre chose. Pauvre Albertine !
Dans ce 5ème opus, Albertine vit chez le narrateur qui n'est pas Marcel, mais que c'est quand même Marcel... Nous l'appellerons donc Marcel. le problème c'est que Marcel considère Albertine pas assez bien pour lui, et il la cache. Elle est prisonnière et ne peut vraisemblablement pas sortir tandis que lui sort dans le monde, sans elle. C'est son objet, caché à la vue de tous. Elle doit même s'enfermer dans la chambre quand il reçoit.
Marcel est jaloux maladif, il lui prête des aventures avec des femmes. Il rêve de la quitter, mais le ne fait pas, et crève de mal quand elle ne l'embrasse pas.
Albertine, tu te sors de là ma grande et fissa !!!

Proust dans toute sa splendeur avec phrases à rallonge et lenteurs assommantes. J'ai mis plus de deux mois à le lire.
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On connaît bien certaines vicissitudes traversées par ce monument littéraire unique dans son genre – son achèvement irrésolu, sa réécriture incessante, jusqu'au dernier soupir de son auteur, la quantité de notes éparses, plus ou moins (in)exploitables que ce dernier laissait derrière lui, certaines intégrées au fur et à mesure de ses rééditions, d'autres pas, ou diversement selon ses éditeurs, les révisions et corrections qu'il ne put mener à terme, les contresens restés en l'état, parfois sous forme de phrases hermétiques, sans objet ou sans lien apparent à un motif précédent, ou d'incohérences dans l'intrigue d'un épisode à l'autre, dans la chronologie de certains faits historiques évoqués, voire dans l'entrée ou sortie définitive de scène de quelques-uns de ses personnages – impairs, cependant, qui finiraient non seulement par contribuer à la mythologie
créée autour de l'oeuvre et retentir sur sa plurivocité, mais aussi par en répercuter et illustrer son thème central, le labile et incertain travail de reconstitution de la mémoire. Une oeuvre, donc, dont la genèse même et la logique présidant à sa construction sont en miroir avec son motif principal, à savoir, l'émergence mouvante, involontaire, parfois aléatoire de nos réminiscences, l'interminable «relecture» de notre passé qui en découle, conduite par une mémoire défectible et indissociable de nos affects variables, de nos sensations fugitives, de notre imagination fluctuante. Une oeuvre à l'architecture incomparable, fascinante, dont la radicalité ne peut que subjuguer ou rebuter, et que certains de ses plus fidèles admirateurs (parmi lesquels je me situerais volontiers), quitte à passer pour des «snobs» de premier ordre aux yeux d'autres lecteurs, ses non moins honorables détracteurs, n'hésiteront pas à considérer comme l'un des plus grands chefs-d'oeuvre, sinon le plus grand de tous ceux ayant vu le jour au cours du XXe siècle.

Ce cinquième volume de «La Recherche», quintessence absolue du roman psychologique moderne, analyse magistrale du flux subjectif produit par le pathos amoureux, en est emblématique. Il fut légué par un Proust à bout de forces, dictant, pratiquement jusqu'à la veille de sa mort, additions et corrections au texte de celui des trois derniers tomes de «La Recherche» publiés à titre posthume auquel, confiait-il à son éditeur peu de temps avant de mourir, il s'était «acharné au détriment des deux autres».

La Prisonnière soumet à l'appréciation du lecteur une exploration anatomique minutieuse -«sous le microscope de la réalité»- (Vladimir Nabokov, je vous demande de sortir d'une fois pour toutes de mes billets!!) d'une jalousie amoureuse à un stade tumoral très avancé, en même temps qu'un précis détaillé de stratégie martiale sur la carte du tendre, lorsque la possession intégrale de la cible amoureuse s'étant avérée impossible, les combattants se voient obligés de se rabattre sur des tactiques stériles d'assaut et de repli, ou dans le meilleur des cas, à pratiquer une politique diplomatique de la «paix armée»…

Amour domination, amour abdication, amour dévotion, amour prison…Pour le Narrateur, l'amour, synonyme de possession physique et morale de son objet, serait fatalement -ainsi que le chantait notre inoubliable «Gainsbarde»- «sans issue».

«Instants doux, gais, innocents en apparence et où s'accumule pourtant la possibilité du désastre ; ce qui fait de la vie amoureuse la plus contrastée de toutes, celle où la pluie imprévisible de soufre et de poix tombe après les moments les plus riants, et où ensuite, sans avoir le courage de tirer la leçon du malheur, nous rebâtissons immédiatement sur les flancs du cratère d'où ne pourra sortir que la catastrophe.»

Sans issue également, dans le décor de l'appartement familial parisien, providentiellement vacant à ce moment-là, le huis-clos dans lequel sa jalousie l'aura séquestré en même temps qu'Albertine, tous les deux bientôt prisonniers d'une dialectique du maître et de l'esclave qui leur permettra de jouer, l'un vis-à-vis de l'autre, et sans doute par moments de «jouir» aussi, tour à tour, du rôle de geôlier ou de captif.
Suite amoureuse composée de mouvements dissonants, alternés, contradictoires, faite de battements arythmiques d'une anxiété douloureuse éveillée par les ruminations du Narrateur, lorsqu'Albertine lui semblait vouloir songer à sa libération prochaine, ou tout au moins à se soustraire momentanément à sa surveillance pour s'adonner à des plaisirs coupables dont il était exclu, se succédant à d'autres cadences plus douces, intermèdes bienheureux où une certaine harmonie semblait envisageable entre eux, mais au cours desquels, ayant été rapprivoisée et redevenue docile, Albertine se ferait au fur et à mesure moins désirer, et délaisser par son amant, paraissant bientôt aux yeux de ce dernier vouloir de nouveau concocter en sourdine les premiers accords d'une nouvelle fugue…

Recherche d'un bonheur impossible, appuyée sur une mécanique endiablée, paradoxale, qui tout en cherchant à posséder l'autre, «ne subsiste que si une partie reste à conquérir». Désir d'un désir absolu, fidèle, inconditionnel, mais qui se nourrirait pourtant davantage des dérobades d'un lièvre qui ne se laisserait pas complètement courir, que d'une proie prête à se laisser dévorer… Désir glissant, se défilant, s'ajournant et se déplaçant de ce qui a été acquis vers l'inconnu, vers ce qu'on ne possède pas encore, ou vers quelque chose d'autre -tout court-, vers par exemple «de belles femmes de chambre », un voyage tout seul à Venise ou cette tranquillité d'esprit nécessaire, chez soi, pour se mettre enfin au travail...Cercle vicieux, enfin, risquant de condamner les amants, à perpétuité, à un jeu de dupes, sans issue encore une fois, ronde infernale et quotidienne faite d'escamotages, petits mensonges, non-dits et faux-semblants.

C'est ainsi, par exemple, qu'invitée par les Verdurin à une réception à laquelle, tel que le Narrateur l'apprendrait entretemps par hasard, son ancienne amie gomorrhéenne Mlle Vinteuil devait aussi se présenter, Albertine, d'après lui, rusait en lui disant qu'elle n'avait aucune envie d'y aller, ainsi que lui-même, lorsque de son côté, terrifié à l'idée qu'Albertine soit en train de céder à des tentations saphiques qu'elle lui cache, il trouverait le jour venu tous les prétextes imaginables pour qu'elle reste auprès de lui, mais, une fois endormie, n'hésiterait pas à s'y rendre lui-même afin de pouvoir enquêter sur place sur son passé à elle et confirmer éventuellement ses soupçons à lui!

La Prisonnière fut l'un des épisodes de «La Recherche» que j'ai le mieux appréciés cette fois - sinon mon préféré, du moins jusqu'ici...
À cette temporalité particulière, «labyrinthique », à laquelle le Narrateur répondait depuis le début de ses réminiscences, depuis Combray, à l'observation détaillée de l'infiniment petit dans son monde intérieur et à la dissection de ce qui constitue le noyau dur de sa subjectivité - plus que jamais présentes dans ce volume et portées ici, à mon avis, à un niveau jamais atteint auparavant par le roman psychologique- , viennent en outre s'y rajouter une forme de resserrement thématique inédit (la jalousie obsessionnelle du narrateur), ou en tout cas beaucoup plus important que dans les tomes précédents, dans lesquels l'auteur nous avait habitués à force digressions, ramifications et récits subsidiaires ; assez inouïe, enfin, la linéarité présente autant dans la chronologie de la narration (le récit se compose de séries de journées regroupées, à quelques mois d'intervalle, suivant les saisons de cette toute dernière année vécue ensemble par les amants), ainsi que dans l'enchaînement logique conduisant de l'emprisonnement d'Albertine, au retour de Balbec, jusqu'à son évasion spectaculaire à la fin du roman.

Mais ce qui paraît surtout prodigieux, c'est que, loin d'y être revenu à des règles plus classiques de narration littéraire -unité de lieu (l'appartement du Narrateur), unité d'action et de « péril » (la surveillance stricte des faits et gestes de sa maîtresse) et unité de temps- comme l'on pourrait supposer à tort, Proust pose ici un décor et un cadre en apparence mieux repérables, mais en trompe l'oeil, afin justement de mieux pouvoir se détacher des codes consacrés du roman réaliste !

Gammes sublimes autour d'un thème unique, narration plus que jamais évanescente, générant au passage d'impressionnantes torsades temporelles, outre les ratiocinations en boucle du Narrateur, le lecteur n'aura quasiment rien d'autre de concret à se mettre sous la dent ! Toute l'action se tient dans une suspension parfaite, ce jusqu'aux tout derniers paragraphes du roman.

Moins soucieux que jamais d'une conformité à une réalité romanesque matériellement objectivable, aucune contextualisation de l'intrigue ne semble non plus indispensable (pas la moindre indication, par exemple, des raisons qui justifieraient une aussi longue absence de la famille du Narrateur de l'appartement à Paris, ni d'où serait passée entretemps la tante d'Albertine, Mme Bontemps, sans parler de bien d'autres…?).
Aussi, de la seule scène tout à fait «extérieure», et à l'appartement, et à ce qui s'y passait en huis-clos, la fameuse soirée chez les Verdurin, mise à part la description détaillée de la brouille entre Monsieur de Charlus et ces derniers, on retiendra avant tout le long monologue suscité par l'écoute du Septuor de Vinteuil joué ce soir-là, apaisant momentanément le Narrateur et l'amenant à conclure que «l'art n'est peut-être pas aussi irréel que la vie».


C'est peut-être aussi parce que tous les cours d'eaux sinueux provenant de sources en apparence éloignées les unes de autres ayant alimenté La Recherche du Temps Perdu, se rejoignent à partir d'ici sur un lit unique, encore plus profond et de plus en plus immatériel, là où cessant de vouloir faire la part entre réalité extérieure et intérieure, à l'embouchure proche du temps retrouvé, l'on espère enfin ne plus avoir à redouter que dans notre vie «le passé ne se réalise pour nous qu'après l'avenir», nous égarant alors en d'inextricables regrets et en ressassements inutiles, mais que, «conservé depuis longtemps en nous, nous apprenions tout d'un coup à le lire».


...

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Où il est question des vicissitudes sentimentales du narrateur pour Albertine…
Le narrateur hésite encore à épouser Albertine. Ils vivent dans le même appartement. Ils ont chacun leur chambre et leur salle de bain, jointives, ce qui leur permet de dialoguer pendant leurs ablutions. Il découvre qu'il est jaloux quand elle n'est pas avec lui, car il n'est pas sûr de sa fidélité. Il a toujours en tête des soupçons de relation saphique entre Albertine et Andrée qu'il convoite lui-même, mais aussi avec Mlle Vinteuil et Léa, comédienne et lesbienne reconnue…
« … Je me demandais si me marier avec Albertine ne gâcherait pas ma vie, tant en me faisant assumer la tâche trop lourde pour moi de me consacrer à un autre être, qu'en me forçant à vivre absent de moi-même à cause de sa présence continuelle et en me privant à jamais des joies de la solitude. Et pas de celles-là seulement.» Il souligne là un fait entendu par toutes et tous mais rarement ouvertement reconnu de cette part de liberté sacrifiée sur l'autel de la relation amoureuse et dont l'importance est toute relative à chaque individu.
Alors que la relation du narrateur avec Albertine commence à connaître le bonheur, émerge dans la pensée de celui-ci le doute. Il témoigne de ce besoin irrépressible de remettre tout en question, car si cette union a atteint son point idyllique, il arrive le moment où il ne peut penser que cela durera pour toujours. Alors l'imaginaire envahit son esprit et creuse les fondations de ce qu'il envisage comme une tragédie, avant que la conscience n'en détecte les premiers signes, ou du moins ne croie en deviner les éléments factuels. « Et si… » engage le narrateur sur la pente vertigineuse du doute qui l'entraîne sur la piste de faits dont l'explication arrangée qu'il en fait corrobore ce qu'il aurait pu craindre le plus : la trahison. Tout n'est qu'invention dans l'esprit du narrateur mais à force de tourner, virer, prend la forme exacte d'une vérité supposée. La moindre parcelle d'emploi du temps non expliquée est pour le narrateur source de turpitudes et d'interrogations laissant le libre champs à des scénarios des plus vraisemblables aux plus loufoques. L'auteur fait la démonstration de cette propension qu'a l'humain de corrompre souvent toute relation sentimentale parfaite, trop parfaite, par cette angoisse vertigineuse qu'elle se finisse ou plus simplement en ce qui concerne le narrateur de peut-être révéler par la suite sa vraie nature. Son Moi l'inonde d'informations vraies ou fausses, impossibles à vérifier mais élaborées sur la base d'indices concordant pour que lui-même soit en adéquation avec son raisonnement paranoïaque et en déduise l'infondé de cette relation. Albertine devenant coupable, le prétexte pour s'en séparer permet de faire cesser ses vicissitudes, ses hésitations, ses questionnements, recouvrir sa liberté et lui laisser le champs libre vers d'autres horizons.
« La prisonnière » est aussi l'occasion pour l'auteur d'enfin révéler la part de fiction et de réalité entourant le narrateur, et la relation intime qui les lie. « Elle retrouvait la parole, elle disait : « Mon » ou « Mon chéri », suivis l'un ou l'autre de mon nom de baptême, ce qui, en donnant au narrateur le même prénom qu'à l'auteur de ce livre eût fait : « Mon Marcel », « Mon chéri Marcel ». »
Plus il essaye « d'attraper » Albertine, plus elle lui échappe alors qu'il la voudrait sienne, soumise, « sa prisonnière ». C'est là tout le paradoxe du narrateur car lorsqu'elle serait selon ses désirs, il remarque : « Si les femmes de ce qu'on appelait autrefois les maisons closes, si les cocottes elles-mêmes (à condition que nous sachions qu'elles sont des cocottes) nous attirent si peu, ce n'est pas qu'elles soient moins belles que d'autres, c'est qu'elles sont toutes prêtes, que ce qu'on cherche précisément à atteindre, elles nous l'offrent déjà, c'est qu'elles ne sont pas des conquêtes. » Et plus loin : « On aime que ce en quoi on poursuit quelque chose d'inaccessible, on n'aime que ce qu'on ne possède pas, et bien vite je me remettais à me rendre compte que je ne possédais pas Albertine. »
La musique de Vinteuil est présentée comme une autre madeleine de Proust, élément déclencheur de souvenirs, d'impressions qui se rappellent à nous. « Dans la musique de Vinteuil, il y avait ainsi de ces visions qu'il est impossible d'exprimer et presque défendu de contempler, puisque, quand au moment de s'endormir on reçoit la caresse de leur irréel enchantement, à ce moment même, où la raison nous a déjà abandonnés, les yeux se scellent et, avant d'avoir eu le temps de connaître non seulement l'ineffable mais l'invisible, on s'endort… Ainsi rien ne ressemblait plus qu'une belle phrase de Vinteuil à ce plaisir particulier que j'avais quelquefois éprouvé dans ma vie, par exemple devant les clochers de Martinville, certains arbres d'une route de Balbec ou plus simplement au début de cet ouvrage, en buvant une certaine tasse de thé. »
On notera dans ce cinquième tome d' « à la poursuite du temps perdu » que l'auteur écrit deux fois le même passage, en page 165 de la collection blanche de Gallimard et en page 314, où il fait le distinguo entre ce que les gens voient de nous et l'image que nous imaginons leur envoyer. « Nous ne voyons pas notre corps, que les autres voient, et nous « suivons » notre pensée, l'objet invisible aux autres, qui est devant nous. »
Dans « La prisonnière », Marcel Proust démonte avec la précision d'un horloger les rouages de la relation amoureuse, les sentiments passionnés et ses imperfections, son pouvoir destructeur, les errements de la pensée galante mais jamais la gymnastique charnelle du couple, son incarnation physique. Son approche de la relation amoureuse est cérébrale.

« L'amour, c'est l'espace et le temps rendus sensibles au coeur. »

Editions Gallimard, 377 pages.
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Marcel analyse un peu moins pour agir un peu plus, relativisant l'intérêt des déductions issues de l'observation :

« Ceux qui apprennent sur la vie d'un autre quelque détail exact en tirent aussitôt des conséquences qui ne le sont pas et voient dans le fait nouvellement découvert l'explication de choses qui précisément n'ont aucun rapport avec lui ».

Si l'observation persiste , elle est focalisée sur l'objet de son tourment : Albertine l'a rejoint à Paris et demeure chez lui, partageant son quotidien dans des conditions proches de la séquestration. Si elle est libre de ses allées et venues c'est avec une surveillance de tous les instants et des interrogatoires en règle à son retour. Marcel a depuis longtemps décelée en elle une menteuse et qui plus est, peu finaude, s'emmêlant dans ses contradictions. Marcel traque l'existence non d'un amant mais d'une amante.

« Sans me sentir le moins du monde amoureux d'Albertine, sans faire figurer au nombre des plaisirs les moments que nous passions ensemble, j'étais resté préoccupé de l'emploi de son temps ».

On perçoit que seuls les avantages matériels d'une telle situation, elle qui n'a pas le sou soient la seule raison de sa présence, tant Marcel est insupportable. D'autant qu'il dit lui-même souhaite rompre, sans se décider. La jalousie qu'il ressent est une sorte de moteur central dans cette relation ambigüe.

Le baron de Charlus n'est pas en reste au cours de ce tome, de plus en plus imbu de sa personne, sans avouer ses meurs mais avec un certain prosélytisme tout de même. Un de ses cibles, mal choisie car sous-estimée, est Mme Verdurin dont il a tenté de vampiriser une de ses soirées où le musicien Morel était la vedette.

Au delà de des liens tissés avec son entourage, Proust rédige de très belles pages sur les bruits de la rue, ceux qu'il perçoit alors qu'il est encore couché, et met des images personnelles ur l'animation qui lui parvient.

Il développe aussi une analyse autour de la musique, à partir de la sonate de Vinteuil qui bien au delà de la petite phrase sorte de signature du musicien, comme il en existe dans toute oeuvre qu'elle soit littéraire ou artistique, atteint la sensibilité et la mémoire de Marcel.





Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Ce sera un seul billet pour les cinquième et sixième tomes de la recherche. Ces deux tomes sont très centrés sur la relation entre Albertine et Marcel, le narrateur. Oui, oui, vous avez bien lu, Albertine l'a appelé par son prénom, un mystère est percé.

La lecture a été un peu plus compliquée autour d'une partition sans cesse renouvelée et disséquée d'un « Si tu ne m'aimes pas, je t'aime, si je t'aime, prends garde à toi ».

C'est le temps des déclinaisons de l'amour : amour-exclusivité, amour-jalousie, amour-possessivité, amour-amitié, amour-vanité, amour-indifférence, amour-secrets, amour-soupçons, amour-souffrance, amour-tourments, amour-perte.

Le narrateur, rongé par la jalousie, persuadé qu'Albertine est gomorrhéenne et lui ment, la fait surveiller, espionner, la dissuade de sortir, bref la maintient prisonnière de ses affres et des quatre murs de son appartement parisien où il vit seul à ce moment avec sa bonne, Françoise.
Mais toujours, elle lui restera insaisissable, ce qui maintiendra le narrateur dans sa jalousie fébrile. Et, quand à son bon vouloir elle se soumet, il s'en détache. Que ce jeu est cruel !

Alors, Albertine finit par disparaître, sortir de la vie du narrateur, s'enfuit un jour au petit matin, à l'heure où il se croit en désamour d'elle. Son départ va déclencher un retour de manivelle, il l'aime à nouveau, veut l'avoir en permanence à ses côtés. L'obsession d'elle, ses soupçons s'emparent totalement et à nouveau de lui.

Le cycle d'Albertine est beaucoup plus psychologique que les tomes précédents, c'est évidemment très fin, même trop pour moi. Heureusement, il y a des sublimes passages descriptifs, entre autres lorsque Proust décrit des moments sensuels et sensoriels dans les portraits qu'il fait d'Albertine, exposée aux différents regards, sens, du narrateur. Que dire des bruits et des lumières dont Proust possède le talent incomparable et grandiose de les rendre palpables. Enfin, lors d'un séjour à Venise, il rend cette ville encore plus somptueuse qu'elle l'est déjà sans l'hommage de l'auteur.

Vous l'aurez compris, ce ne sont pas les deux tomes dont je garderai le meilleur souvenir à première vue. J'insiste sur à première vue, car à nouveau, je me sens l'âme d'une future relectrice. Il n'y a rien à faire, je reste envoûtée par la prose proustienne. J'ai toujours l'impression d'une lecture préparatoire à une nouvelle lecture de la recherche.

C'est d'ailleurs pour cette raison que je m'abstiens de noter ces deux tomes.

J'ai maintenant hâte de terminer, d'avoir lu le temps retrouvé, et de pouvoir tourner autour de ce chef d'oeuvre avec des essais d'auteurs experts de Proust et de la recherche.
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Albertine est venue vivre avec le narrateur qui envisage de l'épouser, il en a parlé à sa mère (qui est contre), mais pas à la jeune fille. Il n'est d'ailleurs pas certain d'aimer Albertine, mais la jalousie le torture — ne lui préfère-t-elle pas une femme ?

Le narrateur est malade, sort peu, Albertine est donc contrainte de sortir seule. Seule, mais est-ce bien certain ?

C'est le thème du livre, et franchement, Marcel Proust en fait des pages et des pages.

Le narrateur se rend tout de même à une soirée chez madame Verdurin. Un passage plus léger du roman où l'auteur décrit admirablement les petits jeux sociaux. La grande aristocratie dédaigne saluer la Patronne, à l'exception de la reine de Naples.

La musique de Vinteuil est l'objet des plus belles pages du livre.

Vous serez sans doute surpris d'apprendre que le roman s'achève sur un cliffhanger, de quoi donner envie de lire la suite, tout en redoutant (un peu) les interminables phrases que l'évènement va inspirer à l'auteur.

Lien : https://dequoilire.com/marce..
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Libérée, délivrée, …

Enfin j'aurais pu écrire également libéré, délivré car le narrateur, pris entre ses obsessions et ses envies contradictoires, est également libre de partir à Venise.... Mais ce n'est pas si simple.

J'ai fini La Prisonnière.

Dieu qu'il fut long ce volume. Je me suis prise pour Albertine.

Je ne sais si c'est parce que ce volume a été publié alors que M Proust n'avait pas fini sa relecture mais que de rabâchage. le narrateur est jaloux de quoi finalement ? de l'image qu'il se fait d'Albertine, de la liberté d'aimer d'Albertine, de lui-même ? En tout cas sa terreur de la voir avoir une aventure avec d'autres femmes est pathétique. Car finalement si Albertine s'enfuit ce n'est pas tant à cause des femmes mais à cause de l''attitude du narrateur.

Il y a des réflexions sur l'amour qui sont intéressantes : « on n'aime pas tant la personne que l'idée que l'on s'en fait. » J'entends le besoin de décrire ce ressassement qui peut saisir lorsque l'on aime et que la jalousie, l'incertitude, l'inquiétude vous saisit… Il n'empêche que ces ressassements, ces obsessions pendant des pages et des pages sont trop longs.

Le parallèle entre Swann et le narrateur est encore plus marqué qu'entre Odette et Albertine me semble-t-il. Car Albertine part alors qu'Odette se marie. le narrateur qui reconnaissait le problème de Swann ne saura pas voir qu'il est frappé du même mal. Tout comme Charlus ne voit pas que c'est son attitude qui le mènera à la brouille avec Mme Verdurin et par conséquence avec son amant. Une histoire de poutre dans l'oeil.

Ce huis clos interminable, mis de côté, quelques moments étaient particulièrement plaisants dans ce volume.

1- La soirée chez les Verdurin avec la mise à l'écart de Charlus et toutes les explications sur l'homosexualité putative de différents personnages. Où l'on apprend que finalement plus on monte dans la société, plus le nombre de pratiquants est courants (ou alors c'est plus accepté / acceptable).

2- Mais lors de cette soirée, le narrateur va écouter la musique de Vinteuil. Et les différentes disgressions du narrateur sur la musique, l'art, la littérature, la postérité sont très belles. Proust a ces moments nous distille ses propres émotions, attentes, espérances vis-à-vis de son oeuvre.

3- Les allusions à Venise… le narrateur passe son temps à regretter de ne pas y être… Et ce que ce n'est qu'un de ces vain regret comme tous les autres. Nous le saurons par la suite....

Quant à moi je vais attendre avant de lire la suite par cause d'indigestion... Car il paraît que les deux derniers volumes sont très bien.

En ce qui me concerne, mes préférés sont Sodome et Gomorrhe et le premier volume.

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Ce cinquième tome de A la recherche du temps perdu est le premier des tomes de l'oeuvre de Proust qui fut publié après sa mort et qui ne fut donc pas complètement revu par l'auteur.
De ce fait, certaines incohérences mineures y subsistent telles le fait que l'un des protagonistes y évoque la mort du Dr Cottard, l'un des fidèles de « l'Eglise » des Verdurin alors que, quelques pages plus loin, ce dernier, toujours bien vivant, vient au secours du pauvre Saniette qui vient d'avoir une attaque à la sortie de la matinée organisée par les mêmes Verdurin. Aussi, la mention erronée des 10 musiciens du septuor de Vinteuil, ou celle de la tante Octave, en réalité la tante Léonie, etc....

Mais ce sont des détails qui n'altèrent en rien, en ce qui me concerne, la beauté et la profondeur du récit.
Et cela bien qu'il ne s'y passe pas grand chose, et qu'après des moments radieux de matins égayés par les cris des artisans et commerçants ambulants de Paris, des tendres partages amoureux avec sa « prisonnière » Albertine, l'enfermement jaloux dans lequel s'installe le narrateur, les affres de ses soupçons maladifs, rendent progressivement l'atmosphère pesante, jusqu'au départ subit d'Albertine qui clôt le récit.

Cependant la matinée chez les Verdurin, organisée par un Charlus toujours aussi hors normes et complètement inconscient de l'affront qu'il fait à ses hôtes (qui lui feront payer cruellement, de manière détournée), va nous conduire vers d'autres horizons. Elle va amener le narrateur à nous faire ressentir de façon forte l'émotion que lui procure l'écoute musicale du septuor du compositeur Vinteuil (mort lors du premier tome, « du coté de chez Swann » ). Et nous faire la suggestion que la sensation artistique, l'art en général, représentent un chemin vers l'appréhension du monde différent et plus fort que l'approche par « l'intelligence », c'est-à-dire la connaissance par la raison.
Tout aussi remarquable est la discussion passionnante que le narrateur va avoir avec Albertine sur la création littéraire et sur les écrivains, dont Dostoïevski. Discussion qui fait écho à la mort brutale de l'écrivain Bergotte, dans laquelle est évoqué douloureusement par ce romancier, à la vue du tableau La vue de Delft de Veermer, le sentiment de son propre échec de n'avoir pas réussi à atteindre l'absolu dans son activité créatrice.

Proust, c'est tout un monde qu'il faut savoir appréhender, ce n'est pas toujours facile, la lecture est exigeante.
Mais ce monde complexe dans lequel un narrateur, qui n'est pas Proust, ne l'oublions pas, nous emmène, est pour moi tout à la fois une analyse profonde et sans concession des comportements humains, une méditation sur la vie, aussi une réflexion sur le temps et la mémoire, sur la fonction de l'art, sur les rapports entre raison et émotion. Et tout cela sans être nullement l'habillage romancé d'une prétention philosophique. Il me semble que c'est sans équivalent dans la littérature et je ressens que je suis loin d'en avoir fait le tour.
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Cher Marcel.
Enfin ton prénom a été prononcé une fois par Albertine. Mais bien sûr tout est romancé sans oublier qu'apparemment l'amoureuse était dans les faits un amoureux.

Dis moi, je sais que ce tutoiement est un peu trop familier mais depuis le temps que je te suis je crois être en droit de te considérer comme un proche. Te lire est un plaisir mais parfois aussi un questionnement incessant.

Dans ce volume il est surtout question de jalousie plus que d'amour à mon avis. L',amour requiert de la confiance alors qu'ici il n'y a que méfiance et surveillance.

Cher narrateur, tu oscilles entre le besoin d'Albertine quand tu penses qu'elle te ment ou qu'elle désire quelqu'un d'autre, surtout une autre femme.

Tu la tiens prisonnière cette pauvre Albertine qui n'est que très peu digne de confiance selon toi ! Toujours surveillée par Andrée, Françoise ou le chauffeur mis à sa disposition.

Cette jalousie maladive s'apparente plus à un besoin de possession que d'amour.

Parfois le narrateur se dit qu'il ferait mieux de rompre et de partir à Venise. Et quand il sent que sa belle a besoin de respiration il a besoin d'elle.

Il la couvre de cadeaux matériels pour se l'attacher mais cela ne suffira pas.

Et tu décris encore, cher narrateur, la vacuité de l'amour du baron de Charlus pour Morel et surtout sa déchéance dans le fameux salon des Verdurin.

Palamede a organisé chez les Verdurin une soirée musicale où son cher Morel joue dans un septuor la sonate de Vinteuil si magnifique.

Madame Verdurin que les invités aristocrates du baron de Charlus ont fait semblant de méconnaître car elle n'est que bourgeoise, certes de la haute bourgeoisie, se vengera en séparant Charlus de son cher Morel, excellent violoniste.

Une nouvelle fois, en raison de la jalousie de cette femme, l'amour voire l'amitié factice de ces milieux snobs et ridicules vont conduire à un combat sans merci !

Pourtant, au milieu de ces situations, Marcel s'interroge sur le sens de l'art et son but avec profondeur.

Cher Marcel, je n'ai pas du tout envie de te quitter trop tôt alors, même si tu te sens toi même prisonnier de la geôle que tu as mise en place pour Albertine, j'ai besoin de prolonger le plaisir de te lire.

Je vais donc poursuivre quelques autres lectures avant de lire les deux derniers tomes de la recherche.

Bien à toi
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Tome après tome j'avance dans La recherche .
Ce tome 5 est celui qui m'a, pour l'instant, le moins séduite.
La première partie est consacrée à la description exhaustive de la Jalousie.
Jalousie inouïe qu'éprouve le narrateur quant à son amour pour Albertine. Jalousie maladive et malsaine.
J'ai, en revanche, beaucoup apprécié la deuxième partie consacrée à une soirée chez les Verdurin, durant laquelle ce pauvre Charlus, décidemment de plus en plus pitoyable, se fera blacklister.
La plume de Proust est merveilleuse, le texte plein d'humour et de sarcasmes.
Sont également abordés les thèmes de la "création" artistique .
A suivre ...donc !

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