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EAN : 9782757863381
272 pages
Points (08/06/2017)
3.95/5   165 notes
Résumé :
Depuis dix ans, Philippe Pujol, prix Albert-Londres 2014, plonge chaque jour dans un entrelacs d’HLM immondes, de crimes répétitifs, de drogues trafiquées, de règlements de comptes, de favoritisme et surtout d’humanité piétinée. Personne ne peut sortir de ces zones, dont les enfants ne connaissent même pas la mer. Personne ne veut y entrer. D’une délinquance à l’autre, à chaque nouvelle strate de popu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Jusqu'à présent, les quartiers Nord de Marseille n'évoquaient en moi que les annonces sporadiques de morts par règlement de compte que j'entendais sur France Info.

Le récit journalistique de Philippe Pujol m'a été recommandé par mon libraire et je ne regrette pas d'avoir suivi - une fois de plus - son avis. Même s'il me faut admettre que la lecture en a été éprouvante. C'est pourquoi je l'ai lu en faisant des pauses, histoire de ne pas me saborder complètement le moral. Je ne regrette pourtant pas car aussi perturbant soit-il, ce documentaire est également éclairant sur les dysfonctionnements structurels d'une société en difficulté. Car ce qui est valable à Marseille, avec des caractéristiques intrinsèques, se retrouve dans d'autres cités confrontés aux problèmes sociaux, économiques, sécuritaires et politiques.

D'origine corse, l'auteur a grandi à Marseille, a passé de nombreuses années aux faits divers de son journal et a côtoyé pour ses enquêtes petits dealers, malfrats, caïds, leurs familles et certains membres d'une caste politicienne singulière. Il connaît et maîtrise donc son sujet, ce qui se ressent à chaque chapitre.
Il ne se contente pas de dénoncer les problèmes évidents de délinquance. Sans juger ni légitimer, il donne le contexte, cite des cas individuels. Il y a de quoi être plombé devant ces gamins qui vendent (et consomment) un shit mélangé à de l'huile de vidange, devant des petiots de moins de dix ans partir à la quête aux cafards dans leur immeuble pour les revendre 5 centimes la bestiole, devant la détresse et le désespoir d'une mère dont son fils puis son mari ont été troués de balles et qui doit désormais se débrouiller entre sa tristesse et les autres gamins à élever et à empêcher de s'embrancher vers le même destin.
Il y a aussi ces éducateurs qui font ce qu'ils peuvent pour aider et faire sortir cette jeunesse déliquescente de son apathie résignée à n'être rien sinon de la chair à caïds.

Dans une seconde partie, Philippe Pujol aborde la "gestion" politique de Marseille avec Gaudin et compagnie. Clientélisme, passe-droits, corruptions, alliances contre nature en terme de politique, etc, les élus de la ville - maires, députés, sénateurs, conseillers, etc - ne reculent devant pas grand chose pour assoir leur pouvoir. Quitte à s'entendre avec des bandes plus ou moins mafieuses pour toujours plus de crédits. Quant à la gestion de l'argent public, c'est une aberration systémique. Sans être marseillaise ni du Sud, nombre de noms de famille de politiciens paraissent dans les médias généralement accolés à des accusations de corruption, malversations, abus de fonds publics, ... Marseille n'est pas la seule ville à souffrir de ce genre de méfaits, mais tels que décrits par le journaliste, on ressort avec le sentiment que tous se cristallisent pour que le système ne changent surtout pas! Et pendant ce temps, les fossés d'inégalités se creusent toujours plus.

Bref un récit peut réjouissant et qui ne s'achève pas puisque délinquance et jeux politico-financiers ne s'arrêtent jamais. Mais que je recommande pour appréhender une partie de notre société et de ses dérives.
Néanmoins même à travers des histoires personnelles sordides, éhontées ou malheureuses, l'auteur fait part de la puissance des Marseillais à se parler et à rendre, en dépit de tout ce noir, sa beauté à la cité phocéenne.
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Dans son livre, Philippe Pujol démythifie Marseille pour parler des vrais problèmes de cette ville que l'on a tendance à mettre sous le tapis comme de la vulgaire poussière.

Oui, une partie de la population marseillaise souffre. Elle se meurt dans ses quartiers que l'on appellent, fort injustement, les "quartiers nord".
Philippe Pujol le martèle dans ses interviews : Marseille n'est pas Paris. Les cités font partie intégrante de la ville et elles s'étendent du sud au nord. Nous avons toujours vécu les uns avec les autres. Mais plus le temps passe et plus des fossés (économique, culturel, éducation, logement...) se creusent entre les Marseillais.

On ne peut pas parler non plus de Mafia à Marseille : c'est un des nombreux clichés qui court sur la ville. Et puis ça fait des titres "sensationels" dans les journaux !!! Nous ne sommes pas en Italie où l'Etat est complètement défaillant. Dans cette ville, nous avons des élus qui gouvernent à leur façon. Les voyous n'ont jamais essayé de torpiller les politiciens et s'approprier le pouvoir. Philippe Pujol parle plutôt de pègre marseillaise. Celle-ci a évolué dans le temps. Dans les années 70, c'était la French Connection avec comme acteurs : Gaëtan Zampa, Francis le Belge, le juge Michel qui sera assassiné en plein rue, sur sa moto, devant le palais de justice (voir les films French Connection de William Friedkin avec Gene Hackman- 1971, La French de Cédric Jimenez avec Jean Dujardin et Philippe Lellouche- 2014)... : les voyous Marseillais fournissaient l'Amérique en héroïne de premier choix. Aujourd'hui, la pègre a laissé le marché du shit aux cités et elle s'est tournée vers la gestion en sous main (ou le racket) des restaurants, bars PMU (machines à sous, BINGO), boîtes de nuit, la prostitution... La pègre corse tient les mêmes trafics à Aix en Provence.

Qu''est ce qui fait alors la différence entre Marseille et d'autres villes en France, qui arrivent à s'en sortir ? Une ville qu'il y'a encore 30-40 ans était dynamique avec un port florissant (le 2ème en Europe, aujourd'hui 7ème), des Marseillais qui avaient un niveau de vie correcte, avec du travail.
"...le rapport (de l'OCDE) souligne que la métropole Aix-Marseille est l'une des plus inégalitaires de France, que ce soit en matière de revenus, d'accès à l'emploi ou d'éducation. Ces inégalités socio-économiques sont très délimitées territorialement. le plus riche et le plus pauvre se côtoient, chacun retranché dans sa forteresse. le taux de chômage des jeunes atteint 50 % dans certains quartiers où plus d'un tiers de la population n'a pas de diplôme... Marseille demeure une ville cosmopolite, mais les politiques freinent les mélanges pour mieux maîtriser les groupes...Il faut dire que pour ceux-là (la presse nationale) Marseille est une aubaine. Une ville tout-en-un. L'impunité des Balkany dans les Hauts-de-Seine est celle de Guérini dans les Bouches-du-Rhône. Les règlements de comptes éparpillés dans la banlieue parisienne se concentrent dans les quartiers tous labellisés "Quartiers nord". le Front national du niveau d'Hénin-Beaumont se retrouve dans les 13e et 14e arrondissements. La désindustrialisation de la région lilloise a son reflet dans le Midi. La bourgeoisie de Bordeaux engraissé au temps des colonies a des cousins dans les quartiers très chics qui longent la Corniche. Les tensions immobilières autour d'Ajaccio se déclinent sur l'aire métropolitaine d'Aix-Marseille...."

Marseille souffre aussi d'une politique née dans les années 30 avec Simon Sabiani (politicien et homme d'affaire, héros de la 1e guerre mondiale, puis collaborateur sous Vichy, devenu socialiste Marseillais) et institutionnalisée par Gaston Deferre : le clientélisme.
"... Allons il faut bien se l'avouer : derrière le maquillage et les liftings, Marseille est une ville défraîchie, abîmée par des systèmes rebattus comme les anecdotes de son maire (Jean-Claude Gaudin). Depuis bientôt cinquante ans, Marseille n'en finit pas d'être en voie de développement. Certains pensent plutôt que la ville n'en finit pas de décliner, comme le montre la paupérisation des quartiers populaires. La création de richesses y est si rare, si faible que ce qui existe n'est redistribué que par la voie du clientélisme partagé en plusieurs vases clos.
Le clientélisme associatif : un réservoir à électeurs qu'il ne reste qu'à vider une fois les élections passées.
Le clientélisme communautaire : la persistance artificielle d'un phénomène tendant à se dissoudre dans la capacité réelle et naturelle de Marseille à intégrer ses immigrés.
Le clientélisme locatif : la répartition des habitants dans la ville en fonction du piston et son corollaire, la fabrique des ghettos, leur ségrégation et leurs tensions.
Le clientélisme à l'emploi : ou comment entretenir l'inégalité et abîmer vue comme un déclassement à combattre.
Le clientélisme éducatif : machine à ghetto scolaire, source de la galère.
Le clientélisme syndical : Force Ouvrière fournissant des fonctionnaires formatés au burlesque administratif.
Le clientélisme immobilier : vente d'une ville à la découpe sans cohérence urbanistique. Des infrastructures vitales insuffisantes : maisons de retraite, crèches, réseaux routiers. Des transports en commun presque inexistants... Et ce clientélisme,... ne bénéficie qu'à ceux qui sont en place et intégrés depuis suffisamment longtemps pour pouvoir rendre quelque chose en retour. Pour ceux-là, il faut que rien ne bouge. Leur survie est en jeu...
Les Marseillais ne sont jamais mieux asservis que par eux-mêmes.
Marseille est dévorée par une corruption vorace..."

Dans tous les cas, si vous voulez comprendre cette ville, "que l'on aime ou que l'on déteste", jamais de juste milieu avec les Marseillais, lisez le livre de Philippe Pujol. Il a fait un travail journalistique remarquable, allant aux contacts des gens, de la misère, essayant de comprendre la complexité de cette ville. C'est un vrai travail de journaliste d'investigation étalé sur une dizaine d'année. On est loin des clichés qui réduit Marseille à de simples règlements de compte qui font l'ouverture des journaux télévisés de 20 heures.
Il a aussi été récompensé par le Prix Albert-Londres en 2014 pour la série d'articles "Quartiers shit" publiés dans le quotidien La Marseillaise.

Et je laisserai le mot de la fin à l'auteur lui-même (c'est aussi la dernière phrase du livre) : "Cette ville n'est tout simplement que l'illustration visible des malfaçons de la République française."


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Une plongée hypnotique au coeur des entrailles d'un Marseille pourri. Je dirais, moi qui suis marseillaise des quartiers nord, marseillais à l'âme sensible s'abstenir. L'enquête de Pujol qui a duré 10 ans est un monument du genre, elle offre un portrait complet et compréhensible d'un système nauséabond. J'en sors lessivée, déprimée mais avec le minuscule espoir que ce livre fera peut-être bouger les lignes.
Ça démarre très fort dans les cités du nord peuplées de mains noires - ces minots sans cervelle (au sens propre) qui coupent le shit avec de l'huile de vidange et du valium pour vaches et… le fument – de dealers, de gros voyous, d'ados tueurs, d'ados tués, de mères éplorées, de pères déboussolés. Pour beaucoup de jeunes la meilleure perspective c'est les Baumettes (la prison de Marseille), la pire le cimetière. Dans tous les cas, illettrés ou analphabètes, un véritable échec de l'école de la République.
Quand on termine de cette première partie on pense avoir fait le plus gros. Que Nenni ! le meilleur est toujours pour la fin. On rentre dans la partie la plus noire de l'affaire, le politique. Un voyou c'est un voyou, on sait tous ce que c'est ! Mais un politique-racaille c'est plus compliqué à comprendre. A Marseille, droite et gauche ne veulent définitivement, résolument, absolument rien dire ! Et Pujol fait le constat que les marseillais dégoutés et devenus politiquement apathiques votent de moins en moins et ça fait l'affaire des mêmes : les politiques qui arrosent de subvention leurs protégés (associations de foot, écoles privées, fondations diverses…) qui eux vont voter pour leur protecteur. La boucle est bouclée, on fait sa soupe entre amis, on se protège, on s'achète à coup de subventions et on augmente les impôts locaux ! Sans oublier les entreprises du BTP qui se servent sur la bête à coup de travaux plus ou moins foireux qu'il faut refaire chaque année « Marseille est un gruyère » dit Pujol tant il y a des chantiers partout. Sans oublier les relations entre anciens tolards devenus patrons de très chic restaurants et toujours en excellentes relations avec la pègre et la politique. Sans oublier les affaires qui minent la politique dont les plus emblématiques concernent Sylvie Andrieux (PS ) mais « nièce spirituelle » de Gaudin (UMP), Jean Noël Guérini exclu du PS pour détournement de fonds publics et soutenu aux élections municipales par la droite .Sans oublier les liens familiaux comme ceux, par exemple, entre Samia Ghali (PS) et Nora Préziosi (UMP) laquelle a perdu deux neveux dans des règlements de compte. Sur le trône de ce royaume, le maire Jean-Claude Gaudin dont l'entrisme et l'expérience politique autorisent toutes les dérives pour se maintenir au pouvoir. Au fond, le ciel n'est pas si bleu que ça à Marseille. le meilleur Pujol nous le réserve dans les derniers chapitres, ceux consacrés au FN et là on croit être revenu au temps de Rivarol, l'extrême-droite marseillaise s'enracine dans des partis fascistes et dans l'OAS (organisation armée secrète pour l'Algérie Française). Même Guy Tessier placé par Gaudin à la tête de la communauté urbaine est issu d'un mouvement néofasciste à croix celtique le Parti des Forces Nouvelles scission d'Ordre Nouveau. Bref, ce que nous disent ces 315 pages c'est que Marseille est dévorée par la corruption, un communautarisme entretenu et... ce n'est pas demain que ça va changer. Il parait que vivre libre, il faut vivre les yeux ouverts, voilà les miens le sont !
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Chacun croit connaître Marseille, cosmopolite, jeune, carrefour des civilisations, méditerranéenne, son folklore, son brassage de populations, sa délinquance…
Philippe Pujol a beaucoup enquêté sur ce thème, ayant travaillé à la rubrique « Faits divers » de l'ex-quotidien La Marseillaise. Couronné par le prix Albert Londres pour son reportage sur les « Quartiers shit », il reprend ici la description minutieuse de la criminalité liée aux trafics dans les fameux « quartiers nord » où les morts violentes se multiplient pas centaines, et où les règlements de comptes entre malfrats éphémères scandent la vie des cités placées sous le signe de la misère.
Mais il y a plusieurs facettes à cette délinquance et il serait trop simple de la limiter à ces portraits fouillés de jeunes caïds à la trajectoire météorique, s'imposant par la violence et finissant avec elle.
Il reste à évoquer tout le système politico -affairiste où l'on se soucie moins des étiquettes partisanes que des relations et combines utiles et des « arrangements » en tout genre, sans parler du filon juteux de l'immobilier et du bétonnage. Et l'auteur d'affirmer qu'il n'y a plus de mafia à Marseille… « sauf dans le domaine de la drogue » (p. 239), une correction de taille.
Fin connaisseur de sa ville dont il semble décrypter les arcanes affairistes ou criminelles complexes, l'auteur se montre beaucoup plus précis et disert sur les petits piranhas des cités, adeptes du « tout, tout de suite » et sur leur destin de récidivistes hyper-violents, que sur les gros requins qui naviguent dans les eaux troubles du Vieux port. Certes tout est évoqué, mais plus par allusions voilées, et les politiques en place sont à peine égratignés par des indications au second ou au troisième degré opportunément confuses. Il est vrai qu'il est plus risqué de dévoiler crûment le système établi à Marseille que de décrire l'exclusion sociale génératrice de violence des cités de relégation.
Une vision sombre des aspects les moins reluisants du grand port méditerranéen, que P. Pujol dépeint ici avec une lucidité pessimiste.
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Le Marseillais ne sera pas surpris de lire ces arrangements clientélistes qu'il connait de longue date (Gaudin, FO, Andrieux, Guerini, etc) mais il découvrira ici certains des faits qui fondent cette "rumeur" insistante. Quant aux autres, qui ne connaissent la ville que par le prisme étroit des médias parisiens, ils trouveront dans cette enquête de quoi satisfaire cette curiosité qui inévitablement surgit dès lors que l'on mentionne la deuxième ville de France. D'arrangements en pagnolades, les anecdotes sont nombreuses et plus ou moins détaillées, et Dieu sait si l'auteur aurait eu besoin de plusieurs volumes pour nous servir tout ce qu'il aura appris sur le terrain en 10 ans de presse locale (l'auteur fut durant toutes ces années grand reporter à la Marseillaise, journal précaire du coin bien plus indépendant que la Provence, le quotidien local de "référence") et 40 ans de vie locale (en tout bon Marseillais du cru parfaitement impregné des réalités locales). Si le sujet est traité intelligemment, la transition un peu abrupte des trafics des quartiers nord (première partie) aux affaires politiques (deuxième partie) n'est pas tout à fait naturelle, et le propos reste parfois décousu, voire un peu trop militant (même pour le gauchiste que je suis). Quant au style, au détour d'une phrase, il peut éventuellement rappeler de façon lointaine, à ceux qui ne l'auraient que partiellement lu, celui d'Albert Londres (l'auteur éponyme du prix français le plus prestigieux du journalisme dont Philippe Pujol fut le lauréat en 2014) mais n'evite pas toujours l'écueil du sensationnalisme contemporain et reste loin de cotoyer les cimes virtuoses de l'humanisme cynique du grand écrivain (qui en son temps écrivit aussi sur Marseille). Bref l'auteur en fait parfois un peu trop dans l'anecdote, certainement pour plaire et attiser la curiosité de ses collègues parisiens qui ne vivent pratiquement que de buzz. On n'en voudra certainement pas à l'auteur d'user parfois de certains clichés toujours tenaces dans la cité phocéenne afin de braquer les projecteurs sur une actualité marseillaise qui reste tout à fait alarmante car cela semble fonctionner en partie étant donné le relatif succès du livre. Cette enquête a donc le mérite d'exister à une époque où la politique et les médias ont baissé les bras face à une réalité sociale de plus en plus complexe et rappelle quelques vérités historiques à l'origine du développement anarchique et apathique de cette ville qu'on aime tant détester. Comme une femme méditerranéenne à la beauté hypnothique et au caractère bien trempé qu'il est difficile de contenter mais de quitter aussi...
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Citations et extraits (37) Voir plus Ajouter une citation
À Marseille, pour expliquer ou clore bien des choses, on utilise deux ou trois phrases cultes. D'abord :《Ah... Mais c'est compliqué...》et《M'en bats les couilles...》, deux bons moyens de supporter les incohérences du quotidien. La dernière expression -《Y a pas d'arrangement!》- est une antiphrase d'une virilité naïve. Car à Marseille, il n'y a que des arrangements. À Marseille, tout se décide dans la fumée et autour de la table dun de ces innombrables cercles d'affaires, sportif, festif ou spirituel, cercles fermés où l'on se coopte à coups de droits d'entrée, d'hérédité et de consanguinité. Cercles où l'on se parle franchement, où l'on picole, baise, joue aux boules, mange des aïolis, des bouillabaisses et où l'on se rend des services en toute sincérité, son propre intérêt en ligne de mire. On y cultive aussi le respect des incapables, le triomphe des médiocres et de tous les serviles qui ne gêneront jamais ceux qui ont façonné leur carrière. Ces réseaux, entremêlés ou juxtaposés, nourrissent le cynisme du politique.
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"On est dans une société ou tout passe par le classement. Or, ces jeunes-là sont derniers partout. Quand ils passent à l'acte, ils ont l'impression d'être dans une trajectoire de réussite" observe Sofiane Majeri, animateur emploi (...) le plus grand handicap vient du ghetto scolaire. Dans un même établissement s'accumulent les élèves concentrant les plus grandes difficultés scolaires et familiales. Tout simplement parce que les parents qui ont l'espoir en l'école et qui en ont les moyens financiers placent leurs enfants dans d'autres écoles, en contournant la carte scolaire, ou en les inscrivant dans l'enseignement privé qui bénéficie à Marseille, des largesses du Maire, Jean-Claude Gaudin. Celui-là on ne l'aperçoit dans les quartiers nord que lorsqu'il s'agit de couper de rares rubans.
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Tous sont durs et enragés, à exprimer par les insultes un désarroi profond masqué en haine virile. Voici ce que j’entends sous leurs flots d’injures :
« Vous m’avez tant donné, n’est ce pas ? On m’a laissé tant de chances. Tant de personnes se sont occupées de mon cas : des profs, des assistantes sociales, des éducateurs, des psychologues, des juges et tout l’arsenal de la bonne conscience poisseuse qui tartine les « cas » comme moi. Mais vous me laisserez penser qu’il n’y a rien de naturel à apprécier la bonté quand elle ne vous est pas destinée. Votre charité ne m’est pas destinée, je l’ai presque toujours su. On cache les monstres que l’on crée. Alors oui, je suis devenu de ces cramés qui ne prennent du plomb dans la tête qu’avec de puissantes détonations. Il en faut bien qui meurent, sinon qu’écriraient les journalistes, que raconteraient les politiques, que penseraient les gens, les honnêtes citoyens que les premiers veulent comme les lecteurs et les seconds comme électeurs ? Je suis une arme politique, et on m’a fabriquée pour exploser au bon moment. Les armes ne sont pas faites pour aimer ».
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L'exploitation de la misère par la misère, si elle n'est pas morale, est bien réelle (...). J'ai pu le constater un jour en suivant une patrouille de police.
Pour se protéger du vent pendant les jours les plus froids de février, trois sans-papier louaient à un homme une voiture épave stationnée dans un coin sombre de la rue d'Amiens, au cœur du quartier Saint-Lazare. Et pour se rembourser, voire gagner un peu d'argent, les trois SDF, originaires de pays du Maghreb, négociait la vente de l'épave avec une famille de Roumains - le père, la mère, leur fils de bientôt 10 ans - eux qui n'en pouvaient plus de passer leurs nuits sous les ponts.
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Si l'on n'a rien à défendre, si l'on n'est le client de rien, ni recommandation, ni patronage, ni soutien, ni cooptation, ni faveur, ni intervention, ni protection, ni combine, ni piston, ni aide, ni appui, rien, aucune accointance avec personne, pas le moindre début de relation pour espérer simplement travailler et se loger, si l'on n'a aucun privilège à défendre, même minable,  on se sent insignifiant. On s'indigne de ne pas bénéficier des avantages octroyés aux autres. Pourquoi pas moi? On ne veut pas vraiment l'égalité, on veut sa part. On en souffre parfois à en faire des incantations, à offrir son désespoir au Front national qui trouve là son propre intérêt. À Marseille, le FN se constitue à partir de fragments de cadavres : celui, encore chaud, de la guerre d'Algérie lui tiendra lieu de coeur, le fantôme antisémite et des lambeaux d'islamophobie feront office de système nerveux.
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Videos de Philippe Pujol (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Philippe Pujol
Le chef de l'État Emmanuel Macron est de retour à Marseille et détaille pendant tois jours le deuxième volet de son plan pour aider le territoire. Cette visite, d'une durée inédite, envoie un signal aux Français. La période dite des "100 jours" (100 jours après la fin de l'épisode de la réforme des retraites pour renouer la confiance avec le pays et relancer les autres réformes) est terminée, et le chef de l'État repart au contact de la population et développe des moyens pour aider les territoires. Pour évoquer Marseille, la représentation de cette ville, et comment Marseille est devenue en quelque sorte le reflet des maux français, Guillaum Erner reçoit : Philippe Pujol, journaliste. Béatrice Giblin, géographe.
#marseille #macron #politique ____________ Découvrez tous les invités des Matins de Guillaume Erner ici https://www.youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDroMCMte_GTmH-UaRvUg6aXj ou sur le site https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins
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