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Critique de beatriceferon


Il est vrai que, dans les Cévennes, il n'est pas rare que l'eau monte. « C'est pas la fin du monde. Ça va passer... On a l'habitude. » Mais quand maisons, usines, propriétés sont submergées, cela commence à devenir inquiétant. On déplore déjà des victimes.
En ce mois de septembre 1958, après une journée bien remplie, Jean Pujol, le médecin du bourg, va se réchauffer au café. Quand soudain, une phrase le fait bondir : « sans parler de tous ceux qui vont être isolés sur leur perchoir. » Sans réfléchir, Jean se rue dehors. Au péril de sa vie, il franchit le pont, malgré les mises en garde des agents de sécurité. Sa voiture est emportée par le torrent furieux. Il réussit à en sortir. Il était moins une. Il doit poursuivre à pied, trempé comme une soupe, vers la ferme de son père. Celui-ci avait toujours rêvé de vivre sur une île : c'est chose faite. Coupés de tout, les deux hommes qui ne se sont plus vus depuis bien longtemps vont devoir cohabiter un certain temps. C'est le moment d'échanger des souvenirs, de faire sortir des malles des secrets qu'on avait bien pris soin d'y enfouir.
J'ai lu et apprécié « Facteur pour femmes » des mêmes auteurs. En parcourant les avis des autres lecteurs sur Babelio, je constate que « Présence » (dont je ne saurais trop vous conseiller les chroniques, précises, détaillées, argumentées) parle d'autres albums, dont cette « Île aux remords ».
Jean et son père ont des opinions diamétralement opposées. Aux vignettes sombres des premières pages, entièrement en camaïeux bruns et gris s'opposent, de temps à autre, des taches claires et plus vives. La discussion replonge les interlocuteurs dans le passé : en 1933, lorsque Jean a quitté le village pour s'engager ou bien avant, lorsque le père était enfant et s'évadait dans les livres prêtés par l'instituteur, qui lui avaient donné le goût de ces îles qu'il ne verrait jamais.
Puis, la météo se stabilise. le soleil revient. Autour de la maison, on dirait que l'orage les a envoyés dans un autre monde. C'est le moment où apparaît la jeune fille qui trône sur la couverture. Lorsqu'elle court vers l'homme qu'elle aime, la lumière est intense et les couleurs joyeuses. Lorsque Victor annonce qu'il part à la guerre, il pleut, les teintes sont grises. Il faudra attendre que Jean, à son tour, prenne la parole pour raconter sa vie dans les colonies pour que la palette se fasse éclatante, en totale opposition avec ce qu'il dépeint, car là-bas, si les militaires sont rois, les indigènes sont mal traités et que dire des bagnards qu'on traque comme du gibier lorsqu'ils tentent de fuir.
Qui sont ces damnés de la terre ? Des criminels ? Eh bien non. Ce sont des lettrés, étudiants ou professeurs. Leur tort est de se rebeller contre les autorités colonialistes, de réclamer indépendance et liberté de la part de ces envahisseurs.
Tandis que père et fils se renvoient la balle, on saute dans le temps, au gré de leurs mémoires.
La fin réserve une surprise de taille, autant pour le lecteur que pour le médecin.
L'album se clôt par un dossier dans lequel les auteurs apportent des précisions sur les bagnes : Poulo Condor, territoire d'Inini, Saint-Laurent-du-Maroni . Je ne connaissais rien de ces horreurs qui ont duré jusqu'à la moitié du XXe siècle. Ce qui m'a vraiment étonnée, car on aurait pu croire que de telles indignités remontaient à des temps très lointains.
C'est une bande dessinée qui m'a beaucoup plu, pour les choses que j'y ai apprises, mais surtout pour les relations entre les protagonistes et pour le thème des secrets de famille, qui me passionne.
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