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Olivier Soufflot de Magny (Préfacier, etc.)Georges-Emmanuel Clancier (Auteur de la postface, du colophon, etc.)
EAN : 9782070302291
224 pages
Gallimard (28/09/1966)
3.82/5   36 notes
Résumé :
L'instant fatal, c'est naturellement la mort. La mort, ou le vieillissement, qui en est l'annonce, Bien entendu, on retrouve dans ces vers la cocasserie, les virtuosités de langage et de prosodie auxquelles l'auteur nous a accoutumés, et qu'il semble que nous exigions maintenant
de lui, mais on y décèle aussi une gravité, voire un fond d'amertume que dissimule mal l'humour. «Mes poètes préférés sont Rutebeuf, Villon, Jacques Jacques, Boileau, Chénier et Péguy... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
"Queneau! Queneau!" , pourrions nous nous exclamer en forme de clin d'oeil à cet extraordinaire anticonformiste du langage.

Queneau qui, dans sa jeunesse, fit partie du groupe surréaliste, puis s'en détourna et fut excommunié comme tant d'autres par le Pape Breton, a créé une oeuvre inclassable, dont un millier de poèmes parmi lesquels ceux de ces deux recueils Les Ziaux et l'Instant Fatal.
Si les premiers poèmes des années 1920 du recueil Les Ziaux sont un peu dans la veine surréaliste, par la suite, la manière si particulière de Queneau s'y affirme.

Cette façon de triturer les mots, la syntaxe, de jouer avec la construction même du poème, est unique. Certes, d'autres comme Tardieu vont faire aussi de la syntaxe, de la grammaire, un matériau poétique. le jeu sur le langage est aussi présent chez Prévert et Vian, notamment.

Mais, chez Queneau, il y a de façon omniprésente, une intention délibérée de jouer sur le langage en un cadre contraint, et ceci en opposition aux surréalistes. Car Queneau, on le sait, était passionné par les mathématiques,et fut le créateur du groupe de l'Oulipo, dans lequel les écrivains s'imposaient des règles de construction pour composer leurs textes. Et puis, il va aussi reprendre des formes classiques, pour mieux les détourner, les parodier, les moquer.

Et donc, dans les poèmes de ce livre, on y voit non seulement des mots nouveaux, mais surtout un incroyable jeu de construction ou de dérèglement de construction, des phrases qui reviennent comme des petits modules, par exemple dans "Le ciel s'est couvert" "Lampes taries" "Nuit", " La mort à écouté le prêche inconsistant.." etc..., ou au contraire des mots identiques qui vont changer de place, tel est là cas dans "l'encrier noir au clair de lune "ou "sans délire" ...ou encore des répétitions, des séries, de mots, avec des effets comiques (poème Il pleut) ou tristes (poème misère de ma vie...). Aussi, ces nombreux poèmes qui imitent la prosodie des poèmes romantiques, voire des poèmes de Villon, mais en utilisant un langage trivial ou décalé. Ils sont si nombreux que je ne peux tous les citer. Il y a par exemple l'amusant "Un million de faits", ou "Le velours olfactif", le saisissant "Les citernes", le mystérieux "Robinson", aussi Magie Noire, Magie Blanche, Bois, Ballade en proverbes de vieux temps etc...... Aussi ceux qui se moquent des procédés rhétoriques tels le cocasse "L'explication des métaphores". Ou encore, cet "Art poétique" plein de fantaisie et d'humour, sans doute la partie la plus gaie et comique du livre, où l'on trouve par exemple ce quatrain qui s'amuse de l'alexandrin:
Quand les poètes s'ennuient alors il leur ar
Rive de prendre une plume et d'écrire un po
Ème on comprend dans ces conditions que ça bar
Be un peu quelquefois la poésie la po
Ésie

Et puis, Queneau joue à déformer les mots, à forger des néologismes, use d'un langage phonétique, que tous eux qui ont lu "Zazie dans le Métro" connaissent. Il nous rappelle ainsi ce que l'on ne devrait jamais oublier: la poésie, plus que tout autre forme littéraire, c'est oral, ça se dit et ça s'écoute, il le faut absolument.

Mais si cette poésie tourne parfois au jeu littéraire gratuit, et un peu lassant, elle est loin d'être cela, sinon elle aurait peu d'intérêt. Derrière ces constructions langagières insolites, et grâce à elles, surviendra parfois une surprise magique devant certaines apparitions de mots, vulgaires parfois, ou des associations de mots incongrues. Queneau a aussi un regard ironique et tendre sur les petites gens, un amour du "populaire", des choses de la vie simples (un exemple parmi d'autres, "Les pauvres d'autrefois"). Mais il y a enfin, et terriblement, une tristesse devant cette chienne de vie, une angoisse sur la vie qui passe (ainsi le célèbre "Si tu t'imagines", mais aussi, "Des jours se sont passés") sur la décrépitude, la maladie ( par exemple "Je crains pas ça tellement") la vieillesse et la mort, surtout dans le recueil "l'Instant fatal". Et au total, je trouve que la poésie de Queneau, et plus souvent que l'on ne le croit, c'est plutôt grinçant, grave et triste, en tout cas dans ces deux recueils.

En conclusion, ce livre de poésie de Queneau, et même si parfois les textes sont difficiles, et que j'ai beaucoup plus d'affinités avec d'autres poètes, parmi lesquels Rimbaud, Baudelaire, Verlaine, Apollinaire, Eluard, Char, Chedid, Prevert, ..., je trouve que ça vaut le coup de s'y arrêter, de les lire et relire.
Il ne faut pas que l'on s'y trompe, Queneau est un vrai pouëtt.
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Ce livre n'est pas à mettre entre toutes les mains. En s'approchant et en y regardant de plus près on est plus proche du laboratoire de poésie que du recueil à proprement parler. Queneau expérimente, décortique, triture les phrases, les phonèmes, mélange les registres de langue... Pas à mettre entre toutes les mains donc, car à moins d'être un linguiste de classe mondiale, l'ennui risque bien de s'inviter à la fête. Comme toujours chez Queneau, j'apprécie plus la volonté initiale et le concept que le résultat. mais cette fois-ci le résultat est trop indigeste. Certains diront que la poésie elle-même est un laboratoire. C'est vrai. Mais (ce n'est que mon avis sûrement naïf et pas assez intellectuel) la technique ne doit pas desservir l'émotion. Pourtant féru de calembours, jeux sur les sens, les sons, et autres réjouissances du même acabit, je me suis assez vite lassé. Ce type de textes est à mon sens beaucoup plus intéressant et ludique à composer qu'à lire. Restent tout de même de belles réussites, où l'émotion parvient à se frayer un chemin dans ce salmigondis cérébral. Et puis toujours, cet humour, salvateur pour le coup.
Bref, comme dirait ce bon vieux Raymond: safèdubienkanssassarette.
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Ce recueil en regroupe deux : Les Ziaux et L'instant fatal.
Préface d'Olivier de Magny et postface de Georges-Emmanuel Clancier.

Dans Les Ziaux, Raymond Queneau évoque la ville, la nature, les animaux, le quotidien, le travail, le temps qui passe, la mort, le tout en humour avec des jeux sur les mots, des néologismes, pour sublimer la banalité.

Dans L'instant fatal, le poète retranscrit en vers le langage parlé, ce qui accentue le côté humoristique des poèmes. Là encore il évoque entre autres le temps, la mort et le quotidien, mais aussi la poésie.
Coup de coeur pour le poème "Le chardon" (voir le texte intégral en citation) qui ressemble à La charogne de Baudelaire pour rendre poétique un sujet qui semble écoeurant à vue d'oeil. C'est là une performance poétique indéniable.

Note mitigée car j'ai trouvé certains poèmes moins accessibles que d'autres. Normal car il s'agit d'un auteur du courant surréaliste
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Ayant déjà fait un essai avec un autre recueil surréaliste, j'étais un peu préparé. Je ne me suis pas lancée dans l'inconnu, et pour ce genre de poèmes, ce n'est jamais de refus.


Les Ziaux, puis L'instant fatal, sont des recueils de poèmes, certains rocambolesques, d'autres plus sérieux, mais tous sont toujours bien travaillés. Il s'amuse à décortiquer les mots, à changer leur orthographe, à utiliser des répétitions qui deviennent parfois indigestes, mais sont le plus souvent amusantes.


J'ai trouvé les jeux de mots fins, ils n'alourdissent pas la beauté de certains vers. Les sujets de ces poèmes sont souvent loin d'être drôles mais cette écriture surréaliste apporte un humour et un second degré qui ne fait aucunement tâche, et qui réussit à étonner le lecteur.


Même si j'avais préféré mon premier essai avec le recueil Corps et biens de Robert Desnos, je suis contente d'avoir pu découvrir l'oeuvre de Queneau. À ne pas mettre entre toutes les mains, je peux comprendre que ça ne plaise pas à tout le monde, ça reste de la poésie.


Lien : http://entournantlespages.bl..
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Citations et extraits (70) Voir plus Ajouter une citation
Ballade en proverbes du vieux temps

Il faut de tout pour faire un monde
Il faut des vieillards tremblotants
Il faut des milliards de secondes
Il faut chaque chose en son temps
En mars il y a le printemps
Il est un mois où l’on moissonne
Il est un jour au bout de l’an
L’hiver arrive après l’automne

La pierre qui roule est sans mousse
Béliers tondus gèlent au vent
Entre les pavés l’herbe pousse
Que voilà de désagréments
Chaque arbre vêt son linceul blanc
Le soleil se traîne tout jone
C’est la neige après le beau temps
L’hiver arrive après l’automne

Quand on est vieux on est plus jeune
On finit par perdre ses dents
Après avoir mangé on jeûne
Personne n’est jamais content
On regrette ses jouets d’enfant
On râle après le téléphone
On pleure comme un caïman
L’hiver arrive après l’automne

Envoi

Prince ! tout ça c’est le chiendent
C’est encor pis si tu raisonnes
La mort t’as toujours au tournant
L’hiver arrive après l’automne
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CREVASSE

Du crâne qui crugit lorsque le vent souffle
suinte mélancolicolicoliquement
le croupissant cresson qui sourd de ses orbites

Crions ! crions ! toujours bêle l'os armature
et gémit mélodieulodieusement
le croisé des crocs qui scient un peu d'espace

Telle crevasse en la cronfusion quotidienne
crécelle le sourire et creuse le bonheur
mais

qui tire la langue au crétin croquemitaine ?
cré nom ! crois-je bien que c'est moi
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L'EXPLICATION DES MÉTAPHORES

…Si je parle d’espace, un dieu vient le détruire,
Si je parle des ans, c’est pour anéantir,
Si j’entends le silence, un dieu vient y mugir
Et ses cris répétés ne peuvent que me nuire.

Car ces dieux sont démons ; ils rampent dans l’espace
Minces comme un cheveu, amples comme l’aurore,
Les naseaux écumants, la bave sur la face,
Et les mains en avant pour saisir un décor

— D’ailleurs inexistant. Mais quelle est, dira-t-on,
La signification de cette métaphore
« Minces comme un cheveu, amples comme l’aurore »
Et pourquoi cette face hors des trois dimensions ?

Si je parle des dieux, c’est qu’ils couvrent la mer
De leur poids infini, de leur vol immortel,
Si je parle des dieux, c’est qu’ils hantent les airs,
Si je parle des dieux, c’est qu’ils sont perpétuels,

Si je parle des dieux, c’est qu’ils vivent sous terre,
Insufflant dans le sol leur haleine vivace,
Si je parle des dieux, c’est qu’ils couvent le fer,
Amassent le charbon, distillent le cinabre.

Sont-ils dieux ou démons ? Ils emplissent le temps,
Minces comme un cheveu, amples comme l’aurore,
L’émail des yeux brisés, les naseaux écumants,
Et les mains en avant pour saisir un décor

— D’ailleurs inexistant. Mais quelle est, dira-t-on,
La signification de cette métaphore
« Mince comme un cheveu, ample comme une aurore »
Et pourquoi ces deux mains hors des trois dimensions ?...

p.75-76
Extraits LES ZIAUDS IV (1943), Poésie Gallimard 1987.
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Si tu t'imagines
si tu t'imagines
fillette fillette
si tu t'imagines
xa va xa va xa
va durer toujours
la saison des za
la saison des za
saison des amours
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures

Si tu crois petite
si tu crois ah ah
que ton teint de rose
ta taille de guêpe
tes mignons biceps
tes ongles d'émail
ta cuisse de nymphe
et ton pied léger
si tu crois petite
xa va xa va xa va
va durer toujours
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures

les beaux jours s'en vont
les beaux jours de fête
soleils et planètes
tournent tous en rond
mais toi ma petite
tu marches tout droit
vers sque tu vois pas
très sournois s'approchent
la ride véloce
la pesante graisse
le menton triplé
le muscle avachi
allons cueille cueille
les roses les roses
roses de la vie
et que leurs pétales
soient la mer étale
de tous les bonheurs
allons cueille cueille
si tu le fais pas
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures
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L'EXPLICATION DES MÉTAPHORES (fin)

Oui, ce sont des démons. L’un descend, l’autre monte.
À chaque nuit son jour, à chaque mont son val,
À chaque jour sa nuit, à chaque arbre son ombre,
À chaque être son Non, à chaque bien son mal,

Oui, ce sont des reflets, images négatives,
S’agitant à l’instar de l’immobilité,
Jetant dans le néant leur multitude active
Et composant un double à toute vérité.

Mais ni dieu ni démon l’homme s’est égaré,
Mince comme un cheveu, ample comme l’aurore,
Les naseaux écumants, les deux yeux révulsés,
Et les mains en avant pour tâter un décor

— D’ailleurs inexistant. C’est qu’il est égaré ;
Il n’est pas assez mince, il n’est pas assez ample :
Trop de muscles tordus, trop de salive usée.
Le calme reviendra lorsqu’il verra le Temple
De sa forme assurer sa propre éternité.

p.76-77
Extraits LES ZIAUDS IV (1943), Poésie Gallimard 1987.
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Vidéo de Raymond Queneau
Jacques Jouet & Laurence Kiefé -traduire Harry Mathews - "Les derniers seront les premiers" - à l'occasion de la parution de "Les derniers seront les premiers", d'Harry Mathews aux éditions P.O.L traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Laurence Kiefé et Jacques Jouet , à Paris le 6 février 2024 et où il est question, notamment, de Harry Mathews, de traduction à deux, de contraintes et de haïkus, de Georges Perec et de l'Oulipo, de Raymond Roussel et de Raymond Queneau.
"On peut dire de la plupart des poèmes rassemblés ici qu'ils ont des origines biographiques, imaginaires ou d'ordre procédural. Une fois établies ces catégories simples, il est indispensable de ne pas tarder à les bousculer voire à les détruire. En fait, presque tous ces poèmes entrent dans plus d'une catégorie et parfois dans les trois." Harry Mathews

-"Collected Poems 1946-2016", de Harry Mathews est publié en anglais chez Sand Paper press -"The Solitary Twin", de Harry Mathews est publié en anglais chez New directions -"Case of the Persevering Maltese", de Harry Mathews est publié en anglais chez Dalkey Archive press
+ Lire la suite
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