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EAN : 9782914353298
190 pages
Mango document (24/04/2002)
4/5   1 notes
Résumé :
On a dit de l'humour juif qu'il était une "politesse du désespoir", qu'il était né dans le désarroi identitaire de la période de l'assimilation, enfin qu'il comporterait un trait récurrent de masochisme dans ce qui semblerait une inclination inexorable à une cruelle auto-dérision.
Dans son carnet de travail comme dans la sélection d'histoires juives en forme de petit florilège, l'auteur nous invite à une autre réception de cet humour, art populaire et véritab... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
« Le sourire d'Isaac, L'humour juif comme art de l'esprit » est un livre de 185 pages écrit par Gérard Rabinovitch, philosophe et sociologue français, né à Paris en 1948. Édité chez Arte Éditions dans la collection Mango document, l'ouvrage a été imprimé en avril 2002 par Brodard & Taupin.

Chercheur au CNRS, membre du CERSES (Centre de Recherche Sens, Éthique, Société), chercheur associé au Centre de recherche « Psychanalyse, médecine et société » de l'Université Paris VII – Denis Diderot, Gérard Rabinovitch est persuadé que la barbarie hante l'humanité. Posant les bases d'une éthique de la désillusion, une éthique qui permet à la personne humaine de construire des barrages contre la destructivité qui habite l'espèce humaine, l'auteur a analysé à plusieurs reprises les tenants et les aboutissants de l'humour. Dans « Le sourire d'Isaac », c'est l'humour juif qu'il décortique, d'abord comme art de l'esprit, dans toute sa spécificité, mais aussi comme signe et témoignage de la culture et de l'identité juive. Soumis à une tension interne qui lui est propre, l'humour juif a, selon l'auteur, une vocation éthique, celle du bien dire (béné-diction). Effectuant un travail de décryptage et de « désembrouillement »du réel, articulant l'anthropologie psychanalytique radicale et la philosophie politique classique, Gérard Rabinovitch pose l'humour juif comme une manière d'assumer notre condition humaine.

Qu'est-ce que l'humour juif ? On peut en donner de multiples définitions, plus ou moins tragiques, plus ou moins exactes : ce sont autant de « prêts-à-penser » (page 15), de conventions. En fait, il n'y a pas un humour juif mais plusieurs humours juifs : la tradition orale, le « rhabillage » de certaines anecdotes en fonction des contextes locaux, la consignation des invariants de la condition humaine, voilà autant de caractéristiques de cet humour. le chagrin, l'errance d'un « peuple en suspens », les tendances mortifères de l'être humain, tout comme son agressivité latente et sa fragilité narcissique, n'expliquent pas complètement les sources de cet humour, un humour où les mots mais aussi le silence entre les mots utilisés font partie d'une donne primordiale. Il faut y rajouter une autre source, à savoir « l'incomplétude structurelle et perpétuelle de l'homme » (page 36). Tout le monde connait une blague juive : il s'agit toujours d'une anecdote courte (ce qui parait normal pour un peuple habitué au passage), où règne l'autodérision, l'improbabilité (mais n'y a-t-il pas plus improbable que la naissance d'Isaac ?), une réelle lucidité, l'absence d'artifices ou de fard, et en prime la révélation in fine d'un sens ou d'une vérité précieusement dissimulée (en tous cas, qui n'était pas énoncée). L'auditeur y trouve à chaque fois une « observation clinique et radicale du comportement humain » (page 30), une observation basée sur la mise en scène de profils ou de caractères psychiques et moraux articulés au quotidien à la condition humaine. Ces anecdotes sont aussi des histoires d'hommes, dites par des pères et assimilées par des fils, lesquels y gagnent une « manière d'être au monde » et une « virilité » (page 39). Cet humour juif laisse parfois de la place au rêve, au lapsus, à côté du rire salvateur, du trait d'esprit, « proclamant l'invincibilité du Moi sur le monde réel » (page 45). L'humour juif n'est pas à confondre avec l'ironie, avec cette posture narquoise, dirigée contre l'autre, pleine d'arrogance ou de fatuité, pleine d'un rire mauvais et sarcastique. Comme le rire, l'humour juif contribue à l'épanouissement de l'homme. L'anecdote n'épuise jamais tous ses effets, ni dans le rire de celui qui écoute, ni dans le sourire de celui qui raconte ; elle noue entre eux un lien social, amenant l'un et l'autre à partager une vérité ordinairement scellée et un plaisir fugitif qui se nourrit des détresses humaines. Pour Gérard Rabinovitch, l'humour juif est un rire de la maturité : il évite « l'artifice pompeux des postures du rebelle » et avance d'un pas décidé, drapé dans le sérieux de l'espièglerie. « Dieu ne rit pas de ses créatures, il rit avec elles » (page 67).

Dans cet ouvrage, l'auteur atteint son but, à savoir nous faire toucher du doigt (avec de nombreux exemples, des explications, des citations et des analyses fouillées et savantes), ce qu'est l'humour juif. le livre n'est pas désespérant, bien au contraire : il faut prendre les choses avec philosophie, recul et humour, et vivre à fond comme si on devait mourir demain. En bref, voici un ouvrage sérieux sur un sujet qui ne l'est pas moins. Certains trouveront qu'il ne s'agit pas d'une étude très complète, qu'il y a trop d'anecdotes et trop de jargon psychanalytique, qu'il n'y a pas de fil conducteur et que le nazisme et la Shoah sont omniprésents. Pour ce carnet de travail et ces anecdotes succulentes en forme de petit florilège (cf. mes deux citations), je mets quatre étoiles.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Histoires juives en forme de petit florilège (extrait - 2ème partie) :

- "Et votre mari ?" demande Groucho.
"Il est mort."
Scepticisme de Groucho :
"C'est un prétexte qu'il donne", affirme-t-il.
"Je suis restée près de lui jusqu'à la fin", se défend-elle.
"Pas étonnant qu'il soit mort", réplique Groucho.
"Je le tenais dans mes bras, je l'embrassais", se rappelle avec émotion la femme.
"Ah, ah !" s'écrie Groucho. "C'est donc un meurtre !" (page 109)
Dialogue entre Groucho Marx et Madame Teasdale. La soupe aux canards

Ivanov et Yankel sont condamnés à mort pour activités antisoviétiques.
"Quelle est ta dernière volonté ?" demande le chef de la Loubianka à Ivanov.
"Une cigarette américaine et une banane. Je n'ai jamais gouté, ni à l'une, ni à l'autre."
"Accordé. Et où veux-tu être enterré ?"
"Près de notre grand écrivain, Gogol."
"Accordé. Et toi, quelle est ta dernière volonté ?" demande le même chef à Yankel.
"Manger des fraises !"
"Mais, il n'y en a pas en cette saison" dit l'officier du KGB.
"Ce n'est pas grave. Je peux attendre."
"Et où veux-tu être enterré ?"
"Près du camarade Brejnev"
"Mais, il n'est pas encore mort !" lui fait remarquer l'autre.
"Ce n'est pas grave" répond Yankel. "Je peux attendre." (page 153)
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Histoires juives en forme de petit florilège (extrait - 1ère partie) :

- Une mère juive offre à son fils pour son anniversaire deux cravates : une rouge et une verte. Le lendemain, pour faire plaisir à sa mère, le fils met la rouge. "Pourquoi ? la verte ne te plait pas ?" dit la mère froissée. (page 91)

- "Ce n'est pas que j'aie peur de mourir ! Mais j'aime mieux être ailleurs, quand ça se produira." Woody Allen (page 106)

- Moshé ne dort pas, il se tourne et se retourne. Finalement, il se lève et Rachel se réveille.
"Mais quoi, Moshé ? Pourquoi ne dors-tu pas ?"
"Je pense ! Dis-moi, au moment du pogrom de Kichinev, Rachel, je te connaissais ?"
"Mais de quoi tu parles, Moshé. On venait de se fiancer ! Recouche-toi et dors !"
Moshé se recouche, mais il n'arrive toujours pas à dormir, il se tourne et se retourne. Il se lève et va dans la cuisine. Rachel, de nouveau, se réveille. "Mais Moshé, qu'est-ce qui t'arrive ?" lui demande-t-elle.
"Je pense ! Dis-moi, lorsque les Nazis ont pris le pouvoir en Allemagne, je te connaissais ?"
"Mais Moshé, tu es malade ou quoi ? le petit Benyamin venait de naitre. Allez, ça suffit comme ça ! Recouche-toi, et ne pose plus de questions idiotes."
Moshé se recouche, mais il n'arrive toujours pas à dormir, il se tourne et se retourne. Il se lève, et réveille Rachel.
"Quoi ? Qu'y a-t-il, encore ?"
"En 41, au moment de la déportation, est-ce que je te connaissais ?"
"Mais Moshé, tu dérailles complètement, qu'est-ce que c'est que ces questions ? Bien sûr ! On avait réussi à cacher les enfants chez cette brave femme, madame Ledoux. Mais où veux-tu en venir ?"
"Rachel, tu m'as toujours porté malheur !" (page 108)
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Vidéo de Gérard Rabinovitch
Jeudi du CERRESE 3 - Gerard Rabinovitch
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