"Je ne sais où je vais, je ne sais qui je suis"
Ce conflit intérieur, cette confusion relative au coup de foudre incestueux qu'éprouve
Phèdre (aveuglée,passionnée,inconsciente mais capable d'introspection) pour son beau-fils Hippolyte (homme d'honneur puis victime) est l'un des pivots de la tragédie (drame en V actes basé sur la légende mythologique de
Phèdre fille de Minos et Pasiphaé) de Racine (poète tragique dramaturge du XVII° siècle). Il a également, avant Racine, inspiré une tragédie à
Euripide (Hippolyte couronné) et à
Sénèque.
C'est la fausse nouvelle de la disparition de son mari Thésée, roi d'Athènes, et les mauvais conseils de sa nourrice possessive Oenone, qui poussent
Phèdre à déclarer l'amour qui la culpabilise ("J'aime. Ne pense pas qu'au moment que je t'aime/ Innocente à mes yeux je m'approuve moi-même..". Mais Hippolyte aime Aricie et ce sera le rejet de son côté, la jalousie (jusqu'à la démence) et les fausses accusations (de viol) de l'autre qui mèneront ces personnages principaux vers la mort et l'empoisonnement.
Racine, par des procédés de style, sait rendre avec lyrisme la force de la passion destructrice de
Phèdre pour Hippolyte (qu'il oppose à l'amour lumineux d'Hippolyte et Aricie) et la lente descente aux enfers de
Phèdre embourbée dans la honte, la souffrance, l'ignominie et le remords. Il sait créer une atmosphère mystérieuse et poétique, faire monter la tension par des coups de théâtre et retournements de situation sur fond de mythologie aux dieux cruels et impitoyables. Il sait manier la psychologie des personnages, même secondaires comme Thésée tour à tour crédule,méfiant, jaloux, impulsif; ou Aricie courageuse princesse retenue captive..
Cet impasse
de l'amour non partagé rappelle celui de Madame de Rénal dans
le Rouge et le noir de
Stendhal.
Cet amour incestueux impossible rappelle celui d'Amélie dans
René de Chateaubriand mais la trop grande emphase des déclamations (de ce classique incontournable) m'a quelque peu rebutée.