Michel Ragon a consacré ce livre à sa soeur, Odette, et à leur réciproque souvenir du père.
Comme il était de coutume à l'époque, les enfants légitimes étaient supposés « adoptés » lorsque la famille (le clan) les refusaient, ne les acceptaient pas. Ils faisaient taches ; une tache dans la vie du légitime responsable de la naissance. Tache dans le script de leur vie. Donc, ces enfants étaient réputés avoir été adoptés*. Là, Odette, aurait été ramenée des Colonies, comme par « bienveillance ».
Aristide lui-même, prisonnier de cet inconscient collectif, ne falsifie-t-il pas la vérité dans ses lettres envoyées à sa famille ? Est-ce qu'il voulait les tester sur ce point ? Nous ne le saurons pas puisque la correspondance ne comprend pas les réponses de sa famille.
Deux enfants, en 1940, se sont vus remettre par leur tante maternelle, les correspondances de leur père écrites à sa famille vendéenne. On comprend, au final, que les deux enfants d'Aristide sont en recherche de leur véritable identité : s'ils sont véritablement frère et soeur ? Ça fait toucher du doigt quelle a dû être leur enfance : est-ce vraiment ma soeur ? La soeur, elle, semble moins douter de la paternité de son père. de sa mère, elle ne sait rien. Ce qu'elle sait, c'est qu'elle est Française. Elle s'identifie en tant que Française.
Ça me semble être le fil rouge de l'histoire. Leur réciproque recherche. Eux-mêmes évoquent avoir parfois été las de ces lettres des colonies…
Le fait est que parfois j'ai lâché le livre de lassitude. Ma recherche était leur recherche. Saurait-on la vérité à la fin ? le secret serait-il levé ?
Le fait est, que ce livre, bien construit, permet de connaître un peu mieux la vie dans l'Indo-Chine d'alors, de l'Annam, du Tonkin, de la Cochinchine, et du Cambodge (des kmers), des chinois sur place, de la lutte avec le Siam, …
J'étais navrée pour ces soldats. Pourquoi s'engageaient-ils dans ces colonies ? Pour manger de la viande chaque jour (surabondamment) ? Pour commettre des exactions, pour rendre présentable son sadisme ? Pour devenir dépendant de l'alcool ou de l'opium ? Pour une retraite, prise après 15 ans de fonction, dont ils ignoraient semble-t-il qu'elle serait si maigre qu'ils ne pourraient plus manger de la viande du tout, quand ils ne deviendraient pas tout bonnement mendiants ? Si toutefois ils revenaient en France puisque beaucoup mourraient des multiples maladies locales (sur place ou plus tard dans la métropole). C'étaient souvent désespérant de lire ces anecdotes, ce racisme, cette ironie, … dans les missives, où il n'y avait rien d'autre à écrire. Et… ils y tenaient aux Colonies.
Au final, un livre plein d'intérêt.
*Ce n'est pas spécifique aux Colonies.