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Gérald Stieg (Préfacier, etc.)Jean-Pierre Lefebvre (Traducteur)Maurice Regnaut (Traducteur)
EAN : 9782070327874
320 pages
Gallimard (25/10/1994)
4.28/5   114 notes
Résumé :
Qui donc nous a retournés
de la sorte pour que,
quoi que nous fassions,
nous ayons toujours l'attitude de
celui qui s'en va?

RAINER MARIA RILKE
Que lire après Les élégies de DuinoVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Oui, trois mois ou plus ont passé depuis la fin de ma lecture. Un mois pour oublier le superflu, ressasser l'essentiel, un mois pour trouver des mots et des éclats de lumière au fond de ma mémoire, un mois pour écrire les lignes qui suivent. Mais qu'est-ce que le temps à l'aune d'un poète éternel.

Lire les Élégies se fait à voix haute puis à voix basse puis semble-t-il comme chantée au fond de notre mémoire. Non pas tant pour leur musique mais pour la densité de la parole, l'intensité de celui qui a pris la parole, a osé la prendre pour poser ces vers sur le papier, les suspendre à la légèreté de l'air ambiant.

Ni fredonner ni déclamer, les élégies sont faites pour être, comme une prière, récitées: réciter est noble, cela implique récit et récitant: le récit d'un monde qui naît sous nos yeux, à nos oreilles, le récitant y exprime sa grâce si mélancolique, son don d'apercevoir, de dire cet Ange qui par delà la vie, en deçà de la mort habite notre conscience et exulte.

Cette densité de la parole chez Rilke nous appelle, on lit, relit, relit encore la phrase, le poème, et ce que l'on y relit est neuf à chaque fois, n'a jamais été lu... on redécouvre cette "dansité" qui fait des entrechats autour des lignes sur le papier, qui virevolte autour de notre intelligence du texte.

''Nous, nous infiniment risqués, que de temps nous avons!
Et la mort qui se tait, seule à savoir ce que nous sommes,
ce qu'elle gagne, à chaque fois qu'elle nous baille un prêt."

Ce qui danse et forme le noyau dense des Élégies c'est l'approche lente, prudente mais jamais timorée de la compréhension de l'essence de l'homme et du comment de sa présence au monde. Là est l'Ange, ce terrible mais sublime compagnon de notre identité. Cet Ange qui ne nous répond pas sinon par son invisible présence.

Quant aux Sonnets, écrits dans la même période, il s'affirment comme une remontée vers la lumière, une catharsis contre cette profonde descente dans l'âme humaine. Ainsi ce XXIe sonnet:

"Voici le printemps revenu. La terre
semble une enfant qui sait des poésies ;
beaucoup, ô beaucoup... Apprendre fut long
et pénible, elle en est récompensée."

Ce temps donc entre ma lecture et l'écriture de ces quelques lignes fut le temps pour l'Ange de se retirer à pas feutrés.
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« Les Elégies de Duino » est sans conteste son oeuvre maîtresse.
Ce recueil souligne le désarroi de la créature humaine qui se sent étrangère dans un monde abandonné par la beauté et par le sacré.
Hantée par la fuite du temps et de la mort, elle se révèle impuissante à participer pleinement à la vie universelle.
Dans ces conditions, le rôle du poète s'impose : il doit s'efforcer de rendre compte de ce jaillissement de l'existence dont la saisie est seule capable de faire reculer l'angoisse.
Rilke prolonge cette réflexion dans les « Sonnets à Orphée » : où il magnifie la mort en célébrant le souvenir d'une jeune fille morte à l'âge de dix-neuf ans.
Cette réflexion sur la mort atténue ainsi l'angoisse et permet de libérer la liesse que l'on doit ressentir à être au monde.
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Comme un fil tendu entre la vie et la mort,
Comme un au-delà de l'amour,
Comme une vibration de la fragilité humaine,
Rilke élève ses Élégies
comme un cri aux anges et aux trépassés.
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Rilke... tout comme Mozart, parfois ennuyeux , et soudainement une flamboyance confine au sublime.
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Rainer Maria Rilke (1875-1926) parait être un des plus célèbres poètes d'expression allemande. Ses "Elégies de Duino" écrites entre 1912 et 1922 constituent peut-être son chef d'oeuvre. Pour ma part, je viens juste de découvrir ce recueil de dix longues poésies, composées dans un style libre, empreintes d'un esprit lyrique prononcé, profondes et sérieuses. Pour autant que je puisse en juger, ces textes sont traduits en français d'une manière satisfaisante. Je discerne toute la veine poétique du texte allemand. Certains passages ne sont pas loin de m'enchanter: je vais en mettre au moins un, en citation sur Babelio. Mais je confesse avoir une connaissance trop superficielle du monde personnel de Rilke, de sa psychologie, de ses références esthétiques et éthiques. En lisant ces poèmes, j'apprécie la musique des mots. Pourtant leur sens profond m'échappe presque complètement. En particulier, les références fréquentes à "l'ange" me paraissent obscures. J'aurais envie d'aller plus loin que cette première lecture (trop rapide), mais je crains de rester velléitaire...
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Citations et extraits (67) Voir plus Ajouter une citation
La dixième élégie

Qu'un jour, sortant enfin de la vision terrifiante,
je puisse éclater en louanges jubilatoires aux anges consentants!
Celui des touches claires du cœur, nul ne peut manquer
de sonner à cause d'une corde lâche, douteuse ou cassée!
Pour que ma mine ruisselante me rende plus resplendissante
Que mes humbles pleurs se transforment en fleurs.
Oh, comment allez-vous donc, nuits de souffrance, être rappelées
avec amour. Pourquoi ne me suis-je pas agenouillé avec plus de ferveur,
sœurs désolées, ne me suis-je pas plus plié pour vous recevoir, ne me suis-je pas
livré plus lâchement à vos cheveux déchaussés? Nous, gaspilleurs de
regarder au-delà d'eux pour juger de la fin de leur durée.
Ce ne sont que le feuillage de notre hiver, notre sombre persistant,
une des saisons de notre année intérieure, non seulement la saison,
mais le lieu, la colonie, le camp, le sol et l'habitation.

Comme les allées de la Cité de la Douleur sont tristes, étranges,
où, dans le faux silence créé par trop de bruit,
une chose chassée du moule du vide
fanfaronne ce brouhaha doré, le mémorial éclatant.
Oh, comme un ange écraserait complètement leur marché
de réconfort, délimité par l'église, acheté prêt à l'emploi:
aussi propre, décevant et fermé qu'un bureau de poste le dimanche.
Plus loin, cependant, il y a toujours les bords ondulés
de la foire. Scies de mer de la liberté! Plongeurs de haut niveau et jongleurs de zèle!
Et les cibles du bonheur endormi du stand de tir:
les cibles dégringolent en petites contorsions chaque fois qu'un meilleur
tireur d'élite en frappe un. Des acclamations au hasard, il continue à
tituber, car les stands qui peuvent plaire aux goûts les plus curieux
sont les tambours et les braillements. Pour les adultes, il y a quelque chose de
spécial à voir: comment l'argent se multiplie. L'anatomie est amusante!
Les organes de l'argent en vue! Rien de caché! Instructif,
et garanti pour augmenter la fertilité! ...

Oh, et puis à l'extérieur,
derrière le panneau d'affichage le plus éloigné, collé avec des affiches pour 'Deathless',
cette bière amère au goût assez sucré pour les buveurs,
s'ils mâchent des divertissements frais avec elle ..
Derrière la panneau d'affichage, juste derrière, la vie est réelle.
Les enfants jouent, les amoureux se tiennent les uns les autres,
sérieusement de côté, dans l'herbe piétinée, et les chiens réagissent à la nature.
La jeunesse continue; peut-être est-il amoureux d'
une jeune Lament ... il la suit dans les prés.
Elle dit: le chemin est long. Nous vivons là-bas ...
Où? Et la jeunesse
suit. Il est touché par sa douceur. Les épaules,
le cou, peut-être est-elle d'origine noble?
Pourtant il la quitte, se retourne, regarde en arrière et lui fait signe ...
Que pourrait-il en résulter? Elle est une complainte.

Seuls ceux qui sont morts jeunes, dans leur premier état de
sérénité intemporelle, pendant leur sevrage, la
suivent avec amour. Elle attend les filles
et se lie d'amitié avec eux. Doucement, elle leur montre
ce qu'elle porte. Perles de chagrin
et voiles fins de patience.
Avec les jeunes, elle marche en silence.

Mais là, où ils habitent, dans la vallée,
une vieille Lament répond à la jeunesse en lui demandant: -
Nous étions autrefois, dit-elle, une grande race, nous nous lamentons.
Nos pères travaillaient les mines là-haut dans les montagnes;
parfois parmi les hommes, vous trouverez un morceau de
douleur primitive polie , ou un laitier pétrifié d'un ancien volcan.
Oui, cela vient de là. Une fois que nous étions riches.-

Et elle le conduit doucement à travers le vaste paysage
de la Lamentation, lui montre les colonnes de temples,
les ruines de forteresses d'où il y a longtemps
les princes de Lament gouvernaient sagement le pays.
Lui montre les grands arbres de larmes,
les champs de la tristesse fleurie
(les vivants ne les connaissent que comme le feuillage le plus doux);
lui montrer les bêtes de deuil, de pâturage -
et parfois un oiseau effrayé, volant tout droit à travers
leur champ de vision, au loin trace l'image de son
cri solitaire.- Le
soir, elle le conduit aux tombes des anciens
de la race de la Lamentation, les sybilles et les prophètes.
À l'approche de la nuit, ils se déplacent plus doucement,
et bientôt se profile devant, baigné de clair de lune,
le sépulcre, cette pierre ancienne qui garde tout,
frère jumeau de celle du Nil, le haut Sphinx-:
le visage de la chambre silencieuse.
Ils s'émerveillent de la tête royale qui, à jamais silencieuse, a
posé les traits de l'homme sur la balance des étoiles.
Sa vue, encore aveuglée par sa mort prématurée,
ne peut la saisir. Mais le regard du Sphinx
effraie un hibou du bord de la double couronne.
L'oiseau, à coups lents, effleure
la joue, celle à la courbe la plus ronde,
et inscrit faiblement sur la nouvelle ouïe mortelle,
comme sur la double page d'un livre ouvert,
le contour indescriptible.

Et plus haut, les étoiles. Les nouvelles. Étoiles
du pays de la douleur. Lentement, elle les nomme:
«Là, regardez: le Cavalier, le Bâton et cette
constellation bondée qu'ils appellent la Guirlande de Fruits.
Puis plus loin vers le pôle: le
berceau, le chemin, le livre brûlant, la poupée, la fenêtre.
Et dans le ciel méridional, pur comme des lignes
sur la paume d'une main bénie, le M clair et étincelant,
représentant les Mères ..... "

Pourtant, le jeune mort doit continuer seul.
En silence, l'aîné Lament l'amène
aussi loin que la gorge où elle scintille au clair de lune:
La Tête de Foutain de la Joie. Avec révérence, elle le nomme en
disant: "Dans le monde de l'humanité, c'est un ruisseau porteur de vie."

Ils atteignent les contreforts de la montagne,
et là, elle l'embrasse en pleurant.

seul, il gravit les montagnes de la douleur Primitifs.
même pas son anneau de pas de ce sort de insonore.

Mais si ces intemporels étaient morts pour éveiller une image pour nous,
voyez-vous, ils pourraient pointer vers les chatons, suspendus
aux noisetiers sans feuilles, ou bien ils pourraient signifier
la pluie qui tombe sur la terre sombre au début du printemps.

Et nous, qui pensons toujours que le
bonheur monte, ressentons l'émotion
qui nous submerge presque
chaque fois qu'une chose heureuse tombe.
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Certes, il est étrange de ne plus habiter la terre,
ne plus avoir à se servir de gestes à peine appris,
aux roses et à tant d'autres choses si pleines de promesses
ne plus accorder le sens d'un avenir humain ;
n'être plus ce qu'on a été entre des mains infiniment fragiles
et abandonner jusqu'à son nom comme un jouet cassé.
Etrange de ne plus désirer ses désirs. Etrange
de voir flotter sans lien dans l'espace
tout ce qui jadis fut lié.
Etre mort est laborieux
et plein de reprises jusqu'à ce que peu à peu on devine
un peu d'éternité.
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Huitième élégie de Duino.

De tous ses yeux la créature
voit l’Ouvert. Seuls nos yeux
sont comme retournés et posés autour d’elle
tels des pièges pour encercler sa libre issue.
Ce qui est au-dehors nous ne le connaissons
que par les yeux de l’animal. Car dès l’enfance
on nous retourne et nous contraint à voir l’envers,
les apparences, non l’ouvert, qui dans la vue
de l’animal est si profond. Libre de mort.
Nous qui ne voyons qu’elle, alors que l’animal
libre est toujours au-delà de sa fin:
il va vers Dieu; et quand il marche,
c’est dans l’éternité, comme coule une source.
Mais nous autres, jamais nous n’avons un seul jour
le pur espace devant nous, où les fleurs s’ouvrent
à l’infini. Toujours le monde, jamais le
Nulle part sans le Non, la pureté
insurveillée que l’on respire,
que l’on sait infinie et jamais ne désire.
Il arrive qu’enfant l’on s’y perde en silence,
on vous secoue. Ou tel mourant devient cela.
Car tout près de la mort on ne voit plus la mort
mais au-delà, avec le grand regard de l’animal,
peut-être. Les amants, n’était l’autre qui masque
la vue, en sont tout proches et s’étonnent…
Il se fait comme par mégarde, pour chacun,
une ouverture derrière l’autre… Mais l’autre,
on ne peut le franchir, et il redevient monde.
Toujours tournés vers le créé nous ne voyons
en lui que le reflet de cette liberté
par nous-même assombri. A moins qu’un animal,
muet, levant les yeux, calmement nous transperce.
Ce qu’on nomme destin, c’est cela: être en face,
rien d’autre que cela, et à jamais en face.
S’il y avait chez l’animal plein d’assurance
qui vient à nous dans l’autre sens une conscience
analogue à la nôtre — , il nous ferait alors
rebrousser chemin et le suivre. Mais son être
est pour lui infini, sans frein, sans un regard
sur son état, pur, aussi pur que sa vision.
Car là où nous voyons l’avenir, il voit tout
et se voit dans le Tout, et guéri pour toujours.

Et pourtant dans l’animal chaud et vigilant
sont le poids, le souci d’une immense tristesse.
Car en lui comme en nous reste gravé sans cesse
ce qui souvent nous écrase, — le souvenir,
comme si une fois déjà ce vers quoi nous tendons
avait été plus proche, plus fidèle et son abord
d’une infinie douceur. Ici tout est distance,
qui là-bas était souffle. Après cette première
patrie, l’autre lui semble équivoque et venteuse.

Oh! bienheureuse la petite créature
qui toujours reste dans le sein dont elle est née;
bonheur du moucheron qui au-dedans de lui,
même à ses noces, saute encore: car le sein
est tout. Et vois l’oiseau, dans sa demi-sécurité:
d’origine il sait presque l’une et l’autre chose,
comme s’il était l’âme d’un Etrusque
issue d’un mort qui fut reçu dans un espace,
mais avec le gisant en guise de couvercle.
Et comme il est troublé, celui qui, né d’un sein,
doit se mettre à voler!. Comme effrayé de soi,
il sillonne le ciel ainsi que la fêlure
à travers une tasse, ou la chauve-souris
qui de sa trace raie le soir en porcelaine.
Et nous: spectateurs, en tous temps, en tous lieux,
tournés vers tout cela, jamais vers le large!
Débordés. Nous mettons de l’ordre. Tout s’écroule.
Nous remettons de l’ordre et nous-mêmes croulons.
Qui nous a si bien retournés que de la sorte
nous soyons, quoi que nous fassions, dans l’attitude
du départ? Tel celui qui, s’en allant, fait halte
sur le dernier coteau d’où sa vallée entière
s’offre une fois encor, se retourne et s’attarde,
tels nous vivons en prenant congé sans cesse.
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Vois, nous n'aimons pas comme les fleurs, poussés
par l'unique saison d'une année; il monte dans nos bras, quand nous aimons,
une sève immémoriale. Ô, jeune fille, tout
ceci : je veux dire qu'en nous nous aimions, non point un être unique, et à venir,
Mais la fermentescence innombrable; non pas un seul enfant,
mais les pères qui sont au fond de nous, couchés
comme des débris de montagne ; mais le lit de fleuve asséché
de mères de jadis; mais tout
le paysage de silence sur qui est suspendue une fatalité
de nuages ou d'azur : voici donc, jeune flle, ce qui t'a devancée.
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Vois les fleurs, vois, leur fidélité au terrestre,
un destin selon nous en marge du destin.
mais qui sait ! Se faner, le regretteraient-elles,
ce serait à nous d'être leur regret.

Tout se veut nature aérienne. Et nous sur tout
de nous poser, pesants et ravis de peser;
quels maîtres dévorants nous sommes pour les choses,
car d'éternelle enfance est leur bonheur.

Qui les prendrait dans son sommeil et dormirait
profondément : de cette profondeur commune,
dans l'aube neuve, ô qu'il serait neuf et léger.

Ou peut-être resterait-il; alors fleurir
serait louer le converti, votre semblable,
sœurs par milliers, sœurs de silence au vent des prés.
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