L'erreur n'est-elle pas de vouloir toujours séparer: le vagabondage et les affaires, le tourisme et le travail, l'école et la vie? Claude Genoux a-t-il fait autre chose que de vivre l'indistinction de ces contraires depuis cette enfance où, en compagnie d'adultes, maîtres ramoneurs ou marchands forains, il courait les fermes, les foires et les marchés de la Bresse, partageant le sort des gamins, adonnés, selon leur force, au transport des marchandises, au ramonage ou à la mendicité? Depuis qu'il a, du côté de Chalon, faussé compagnie à la troupe, il a été saltimbanque à Auxerre, ramoneur à Joigny, pensionnaire forcé des Enfants-Trouvés à Paris, domestique à Romorantin, touriste de treize ans à Rome, mousse dans la flotte sarde, berger au pays, marchand de contremarques à Paris, colporteur dans le Languedoc, cuisinier pendant l'expédition d'Alger...
[Le miroir de la mer]
Sous leur regard, au rythme de leurs pas se font et se défont les images du pays nouveau. Ce n'est pas seulement que l'étranger apprenne la langue ou que son regard avec l'expérience se désabuse. La lucidité n'est qu'une autre manière de dessiner le paysage, d'accorder ses lignes et ses ombres aux plis de la croyance. [Introduction]
La science de l'historien est d'abord un art d'aimer.
Jacques Rancière professeur émérite au département de philosophie de l'université de Paris VIII, il est l'auteur entre autres de la Nuit des prolétaires (Fayard, 1981), La Mésentente. Politique et philosophie (Galilée, 1995), le Partage du sensible. Esthétique et politique (La Fabrique, 2000), Politique de la littérature (Galilée, 2007), le temps du paysage: Aux origines de la révolution esthétique (La Fabrique, 2020).
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11/02/2022 Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER