«
le lendemain de la machine » est écrit en 1951 par un ingénieur spécialiste de l'électronique,
Francis G Rayer. L'intrigue est simple et parfaitement en phase avec son époque : le personnage principal, le major Mantley Rawson, dirige une base aérienne avant tout destinée à la dissuasion nucléaire. Il doit être opéré en urgence et se réveille deux générations plus tard dans un monde postapocalyptique où chacun le salue, sans le reconnaître par ailleurs, d'un « Maudit soit le nom de Mantley Rawson ». Il sort de la forêt et se dirige vers la dernière ville des hommes, dirigée par la Mens Magna, cerveau électronique infaillible. Dans le même temps les mutants, issus des radiations, rêvent de dominer la planète.
Ce livre pourrait n'être que le fruit d'une époque révolue, comme je l'ai lu dans d'autres critiques. L'intrigue est simple et éminemment prévisible sur bien des plans, l'écriture à un petit côté « début de XXe siècle » qui peut agacer, les personnages sont schématiques et toute l'histoire tourne autour du Major Rawson. Ajoutons à cela un côté bien involontairement sexiste (l'héroïsme et les grandes décisions sont pour les hommes, les femmes existent surtout à travers eux, largement dans le domaine affectif) et la lecture peut sembler largement dispensable. D'autant que la fin (que je ne spoile pas) peut sembler artificielle et tout sauf inattendue.
Ce n'est pas mon avis. L'écriture a du charme, loin de celle se voulant « page turner » et qui abuse souvent de ficelles de la finesse de câbles de marine. Pour autant le récit est rythmé. La contextualisation du récit a son sens et son intérêt permettant une mise en abyme du lecteur 80 ans plus tard, alors même que l'apocalypse nucléaire retrouve « une certaine actualité ».
Plus important, si le récit est « simple » et les personnages schématiques c'est parce que cet ouvrage peut se lire comme un conte philosophique. Qui ira critiquer la vraisemblance du petit chaperon rouge ou se demander comment sont portées les ombres de la caverne de
Platon ? L'intérêt principal est ailleurs. Comment décider en période de crise ? Qu'est ce qui donne le sens de la vie d'un homme ? Quel peut être le rapport entre l'homme et la machine ? Quelles seraient les conséquences d'un savoir universel et infaillible ? L'Homme est-il apte à gouverner notre planète ? Une vie avec guerres et souffrances a-t-elle un sens ? Qu'est-ce que la conscience ? Que donnerait sur la psyché la lecture de pensées ? Les mots n'existaient pas encore mais le transhumanisme comme la singularité sont aussi croisés au détour d'une page, sans oublier une réflexion sur la notion de temps… Rien de cela n'est pesant ou doctrinal, ce sont juste des idées qui parcourent ce récit d'aventures que peut facilement lire par ailleurs un adolescent.
Ces personnages et cet auteur, comme d'autres, m'ont accompagné adolescent. Adulte je les retrouve avec le même intérêt, pour des raisons sensiblement différentes, et avec le même plaisir.
Si vous aimez la science-fiction cet ouvrage est à découvrir, éventuellement aussi à laisser à portée d'adolescents curieux…