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Critique de Alfaric


Si vous êtes du genre à considérer les littératures de l’imaginaire en général et la Fantasy en général comme rétrogrades, passéistes voir racistes, et bien passez votre chemin car tout ce qui suit ne vous fera aucun bien…


Esau Cairn est un homme « né hors de son temps », dont la personnalité s’accommode aux vicissitudes du monde moderne. Trop souvent victimes des homines crevarices, il finit par tuer l’un d’entrer eux, le dénommé Boss Blaine (homonyme de Cross Plains, la ville dans laquelle l’auteur a vécu la majorité de sa courte vie : il y a une dimension autobiographique dans ce choix). Poursuivi par une justice corrompue aux ordres des riches et des puissants, il se propose comme cobaye à un scientifique souhaitant faire expérimenter le voyage intersidéral… Et voilà Esau Cairn projeté dans le monde étranger d’Almuric. Il erre retourne à l’état sauvage, avant d’être finalement accepté par le peuple barbare des Kothiens et pense avoir trouve son paradis de rustisci et de simplciité en se perdant en beuveries, en beugleries et luttes aux corps à corps… Avant de rencontrer Altha, une jeune femme qui ne supporte pas le rusticité et la simplicité de sa propre société et qui rêve de voler de ses propres ailes alors que les siens cantonnent les femmes aux rôles de cuisinières / lavandières / poulinières, et de comprendre qu’il est dans l’impasse autant sur Almuric que su Terre… Le monde nouveau reste à créer, et pour créer il faut détruire : après moult combats, aventures et péripéties c’est en abattant la civilisation décadente des Yagas, qui ne vénèrent d’autres dieux que leurs egos surdimensionnés, qu’il fonde une nouvelle société où tous les êtres sont libres, égaux et fraternels quel que soit leur sexe ou la couleur de leur peau ! (truc de fou quand on sait que tout cela date de l’entre-deux-guerres)


Il y a un vrai changement de ton et de qualité entre la découverte de son nouvel environnement par Esau Cairn, à la fois intimiste et survivaliste, et ses aventures tournant à la révolution sociale et à la lutte des classes qui tiennent du bon vieux pulp des familles en cannibalisant bon nombre des autres récits de l’auteur (donc on retrouve créatures simiesques, araignée géante, hommes-ailés, reine-vamp et vampire et une indicible horreur lovecraftienne..). On sent que les quelques raccord entre les nombreux fragments laissés par l’auteur ont été faits par une plume extérieur tant ils sont grossier (héros idéal, demoiselle en détresse qui ne sert qu’à se faire enlever puis libérer, méchant stéréotypé qui déclame à voix haute ses plans machiavélique en ricanant). On sent aussi qu’on lorgne sur les œuvres d’Edgar Rice Burroughs, à savoir le "Cycle de Mars" et "Caspak" (avec les peuples grimpant l’échelle de l’évolution en se déplaçant géographiquement des périphéries sauvages au centre civilisé). C’est donc sans surpris que les Yagas ressemblent furieusement à des Melnibonéens : quoi de plus normal vu que Michael Moorcock était un fanboy à la fois d'Edgar Rice Burroughs et de R.E. Howard ?
Sinon, il y a toujours ce fétichisme de l’auteur pour la lettre « Y », ici avec Yasmeena la reine des Yagas de la cité de Yugga, juchée sur le mont Yuthla, près du fleuve Yogh, dans la région de Yagg… ^^


Bref, un récit sword & planet (c’est-à-dire d’aventures science-fantasy) classique mais efficace qui fait le taf grâce à une chouette bataille finale, mais qui reste intéressant essentiellement dans sa place dans la bibliographie de l’auteur. Car ce récit écrit en 1934, son auteur n’a jamais souhaité le voir publié, tant l’impasse dans lequel Esau Cairn s’est enfermé ressemblait à l’impasse dans laquelle il était lui-même était bloqué IRL. R.E Howard était quelqu’un d’intelligent, de sensible et de cultivé qui ne se sentait à sa place ni dans le désert culturel texan de l’entre-deux-guerres ni dans sa correspondance avec les écrivains du Nord-Est, élitistes, sexistes et racistes… Ayant abandonné l’ambition d’essayer de ressembler à ceux de son temps, il s’est lancé à corps perdu dans l’écriture et en affinant sa formule il a créé une génération entière d’antihéros :
- Kull, l’immigré devenu un roi pensif et dépressif, qui après déclaré par cette hache je règne réforme l’empire de Valusie
- Solomon Kane le puritain défenseur de la veuve et l’orphelin qui combat aux côtés des déshérités du continent africain
- Bran Mac Morn qui au risque de tout perdre se dresse entre le peuple picte et les légions de fer et d’écarlate de l’Empire Romain
- El Borak l’aventurier occidental ami des tous les orientaux d’Istanbul à Peshawar pourvu qu’ils soient hommes de bien
Puis vint Conan le Cimmérien – cheveux noirs, regard sombre, épée au poing, aux accès de mélancolie tout aussi démesurés que ses joies – pour fouler de ses sandales les trônes constellés de joyaux de la Terre. Le héros paria sous ses airs de hors-la-loi prend toujours partis des causes perdues, luttant contre les nobles, les prêtres et les sorciers jusqu’au jour où il sera portée au trône d’Aquilonie ! (et il continuera la lutte du haut de son trône, mais ceci est une autre histoire)
Les héritières d’Altha ne sont en reste : Sonya la Rousse, Bêlit, Valeria, Taramis Belesa, Yasmena, Zenobia et Agnès de Chastillons seront les campagnes de lutte des garçonnes et des suffragettes quarante ans avant le Women’s Lib des années 1970…

Pas mal pour un auteur décrié comme bourrin car écrivant des récits bourrins pour lecteurs bourrins, mais aussi comme un parangon de machisme, de sexisme et de racisme par certains bien-pensants qui feraient mieux de se regarder dans la glace… Si ses héros et ses héroïnes ont inspiré des générations successives d’auteurs et de lecteurs fantasy, R.E. Howard lui perdit son combat contre lui-même le 11 juin 1936 en mettant fin à ses jours à l’âge de 30 ans seulement…
Repose en paix Two-Gun Bob.

PS: argh, j'ai failli oublier de parler du traducteur François Truchaud auquel les littératures de l'imaginaire doivent tant en France...
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