Il s'agit d'un premier tome d'une série indépendante de toute autre, et complète en 6 tomes. Il contient les épisodes 1 à 4, initialement parus en 2005/2006, écrits par
Rick Remender, dessinés par Tony Moore, et encrés par
Sean Parsons et
Mike Manley. La mise en couleurs a été réalisée par
Lee Loughridge. La série complète compte 32 épisodes, et a bénéficié d'une réédition soignée :
Fear agent : Intégrale 1 & Fear Agent, Intégrale Tome 2 :.
L'histoire se passe dans un futur très lointain dans lequel la race humaine a essaimé à travers l'espace, et a rencontré d'autres races extraterrestres. Dans la première séquence un extraterrestre de type anthropomorphe (avec un seul oeil, des oreilles en trompette, une couleur de peau bizarre) conduit un vaisseau spatial, et approche d'une station orbitale pour livrer sa cargaison. Il trouve une station vide de tout personnel, et se fait agresser par un gros monstre, plein de tentacules. Sur la planète Frazterga, Heath Huston (un des derniers agents de la peur, Fear Agent en VO) gravit une paroi rocheuse pour aller affronter des Zlasfons, des extraterrestres anthropoïdes de nature simiesque.
Heath Huston a été engagé par le maire de la ville voisine pour récupérer des outils technologiques dérobés les Zlasfons. Son flux de pensée indique qu'il prendrait bien quelques gorgées d'alcool bien raide pour supporter le caractère prévisible des confrontations physiques qui l'attendent. Bien sûr cette mission ne se passe pas comme prévue. Plus tard, il se retrouve à aborder la station spatiale de la séquence d'ouverture où il découvre Mara Epernoza, une biologiste, vraisemblablement la seule survivante. le monstre avec les tentacules est toujours en bonne santé.
Lorsque le lecteur entame le premier tome, il a conscience qu'il s'agit d'une série terminée en 2011, et qu'il s'apprête à lire une histoire complète. le lettrage du titre évoque une époque ancienne de la science-fiction où les êtres humains devaient affronter des races extraterrestres belliqueuses à différents endroits de la galaxie. Il évoque aussi la graphie des certains titres des EC Comics, comme un hommage. le lecteur découvre que la deuxième de couverture de chaque épisode comprend un dessin montrant le Fear Agent en pleine action périlleuse, accompagné de 2 slogans vantant son courage sur un mode parodique. Il semble donc que la tonalité de la narration soit celle de la science-fiction des années 1940/1950, avec un héros à la peau blanche, sauvant une demoiselle en détresse et exterminant des extraterrestres voulant annihiler la race humaine.
Le premier épisode campe un héros aux caractéristiques qui rappellent celles des détectives privés à la mode hardboiled, c'est-à-dire des durs à cuire issus de la classe ouvrière, encaissant beaucoup, tabassant un peu, et guère chanceux. Cette impression est confirmée par le flux de pensées intérieures qui atteste que Heath Huston semble avoir perdu sa femme et son enfant (ou qu'il les a laissés sur la Terre), qu'il a pour seul compagnon
Annie l'intelligence artificielle du vaisseau), qu'il biberonne pas mal (au point que même Annie s'en inquiète). Sa première intervention confirme qu'il dérouille pas mal avec des séquelles, qu'il éprouve une sorte de condescendance mêlée de haine vis-à-vis des extraterrestres, qu'il est un vétéran d'une guerre galactique, et que ses activités ne lui rapportent pas grand-chose.
Le scénarise écrit ces aventures au premier degré, sans moquerie vis-à-vis de son personnage principal, sans ironie vis-à-vis de ses hauts faits, sans parodie vis-à-vis des situations dangereuses. le lecteur se divertit à la lecture d'aventures de science-fiction inventives, rapides, simples et exotiques. Il découvre les races extraterrestres menaçantes et leurs objectifs, ainsi que quelques bribes d'histoire quant à leurs relations avec la Terre.
Rick Remender conçoit des séquences d'action échevelées dans lesquelles s'exprime toute la virilité d'Heath Huston, sa capacité à encaisser les coups, sa résistance à la douleur, et des prises de risque mal maîtrisées (elle a vraiment explosé trop près, cette grenade). À partir du deuxième, chaque épisode se conclut sur un suspense intense (avec la palme revenant à celui de l'épisode 4). Au beau milieu du récit, le scénariste sort un événement de son chapeau (au début de l'épisode 3) qi change complètement la donne de la situation de Mara Epernoza et d'Heath Huston.
En termes de science-fiction, il faut attendre le troisième épisode pour que
Rick Remender quitte le chemin bien balisé de l'éradication de spécimens dangereux pour mettre son couple sur une planète où la civilisation principale a dégénéré de manière surprenante (entre les Astorgiens et les Tetaldiens). Parmi les autres particularités de ce premier tome, le lecteur relève le comportement de Mara Epernoza qui n'hésite pas à flanquer des baffes à Huston en pensant qu'il souhaite attenter à son honneur. Malgré tous les travers accumulés par Heath Huston, il faut lui reconnaître des compétences dans son métier, ainsi qu'une connaissance réelle des races extraterrestres et de l'historique de leur relation avec la Terre. Malgré ses airs d'imposteur, il dispose d'un vrai savoir-faire métier. Il présente une autre caractéristique qui le fait remonter dans l'estime du lecteur : il cite régulièrement Samuel Langhorne Clemens, plus connu sous le nom de
Mark Twain.
Les dessins de Tony Moore contiennent également une forme d'humour discret et pince-sans-rire. le sérieux et l'application avec lesquels il dessine ces créatures extraterrestres improbables et la technologie relevant d'une science-fiction vieille de plusieurs décennies attestent d'une bonne connaissance de leurs conventions visuelles. le premier degré et le détail avec lesquels il les utilise atteste qu'il a parfaitement conscience de leur obsolescence narrative. Ce dessinateur est surtout connu pour avoir mis en image les 6 premiers épisodes de la série Walking Dead, voir Passé décomposé (certainement le recueil le plus vendu de tous les temps en VO).
En découvrant la première page, le lecteur a le plaisir de voir un environnement bien détaillé, il y a même une petite figurine de vahiné sur le tableau de bord, ondulant des hanches avec les secousses du vaisseau spatial. Tony Moore dessine une créature tentaculaire, avec des grosses ventouses et des épines bien pointues. Les créatures simiesques sont bestiales à souhait. Les soldats dressites disposent de 4 jambes, de scaphandres avec des tas de gadgets et d'une drôle de tête. Les tetaldiens sont des gros robots, avec un cerveau baignant dans un fluide au niveau de la tête. Les astorgiens ressemblent à des yétis, avec une morphologue bien adaptée à leur environnement. Tony Moore s'investit de telle sorte à donner une apparence spécifique à chaque race.
Les scènes d'action de Tony Moore sont très vivantes. Par exemple dans l'épisode 3 Heath Hudson doit échapper à des poursuivants, en se cachant dans des structures d'immeubles en ruine. le dessinateur rend bien compte des poutrelles métalliques, de la profondeur de champ et des mouvements du personnage avec son jet-pack. Il n'est pas en train d'évoluer ou de se battre sur une scène vide, avec une simple toile de fond pour figurer le décor. Ses mouvements sont bien cohérents avec les obstacles et les bâtiments, et se font en fonction d'eux.
Tony Moore sait également rendre compte de l'état d'esprit des personnages, que ce soit en pleine action (le visage déterminé d'Heath Huston), ou lors des moments de dialogues. En particulier, le jeu d'acteur de Mara Epernoza appartient à un tout autre registre que celui d'Huston, plus mesuré, plus réfléchi. À part à une ou deux reprises, l'artiste ne transforme pas Mara Epernoza en objet sexuel. Il sait concevoir des mises en scène adaptée à chaque séquence, même celles qui nécessite des nuances. Ainsi le lecteur sourit franchement quand Mara s'insurge de la manière dont Hudson l'observe alors qu'il est sous l'eau. Il n'y a pas de voyeurisme pour le lecteur, mais un beau moment de comédie.
Si le lecteur n'est pas au fait de la nature du récit, il découvre un premier tome très sympathique avec un fort pouvoir de divertissement, des dessins substantiels, des aventures rapides qui décoiffent et un forme d'ironie sous-jacente (tant dans les rebondissements que dans les dessins) qui ne dessert pas l'intensité de l'intrigue. 4 étoiles. S'il a déjà eu vent d'un ou plusieurs développements à venir par la suite, il prête une attention plus soutenue aux détails en sachant qu'ils pourront prendre une importance insoupçonnée par la suite. Il savoure ces péripéties en sachant qu'elles ne prêtent pas qu'à sourire.