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« La solitude dans la taïga est une drogue accrocheuse »…et même par livre interposé. Ce livre est une plongée réaliste dans l'immensité sibérienne, au coeur de la Taïga, une expédition montagnarde, sylvestre et aquatique pour chasser la zibeline et pêcher le saumon. Un voyage dans le froid et la neige, enveloppé d'une doudoune en duvet et chapka en fourrure sur la tête, là où les pins nains sont saupoudrés de givre comme des paillettes d'argent, à fouler une neige duveteuse et molle, douce sous les pieds comme les poils d'un lièvre. Au milieu des ours et des loups. Une sensation de calme et d'éternité qui serti ce bourg du bout du monde : Rybatchi. Sur les côtes de la mer d'Okhotsk.

Volia volnaïa, ou « liberté libre » en français, du nom d'une chanson, est un roman russe poétique, fulgurant, qui conte l'éternel affrontement entre désir de liberté et asservissement au pouvoir, tiraillement d'autant plus fort en cette Russie post-communiste. Les habitants de cette contrée lointaine tirent leurs revenus principalement du trafic illégal d'oeufs de saumon et de peaux de zibeline, activités interdites par la milice sauf à lui payer une taxe de 20%. Trafic versus corruption du pouvoir. Activités illégales versus racket par les chefs mêmes des milices locales qui sont de fait des chefs mafieux. Les nombreux personnages qui jonchent ce roman, dont les noms, les prénoms et les diminutifs sont tour à tour utilisés pour les nommer ce qui peut être perturbant en début de lecture, se trouvent confrontés à une forte quête identitaire, avec, en toile de fond, ce tableau pour le moins contrasté de la Russie contemporaine elle-même partagée entre tradition et modernité.

Le début du livre donne le ton ; nous sommes en effet immédiatement immergés au sein d'une nature grandiose, découvrant Guenka, parti comme chaque année s'isoler dans son isba en automne, à l'ouverture de la chasse ; Chasseur de zibelines et pêcheur à ses heures, entouré d'une nature qu'il aime, une nature immuable.

« Comme la plupart des saisonniers, il aimait particulièrement ces jours précédant l'ouverture de la chasse. La rivière, la forêt, tout était à redécouvrir, tout avait légèrement changé. C'était comme retrouver un vieux copain que l'on n'a pas vu depuis un an. Tiens, il a des cheveux gris, une nouvelle cicatrice, des rides qu'on ne lui connaissait pas auparavant. Pareil. A un endroit, la berge s'affaissait, avalée par la rivière, le sentier avait disparu, un tilleur séculaire gisait, arraché, en travers de la clairière, ayant évité de justesse une petite isba. Mais surtout il y avait une multitude de détails. Les couleurs étaient vives, comme rénovées. Cette répétition éternelle et inépuisable – il verrait la même nature que l'an passé, qu'il y avait deux ans, et pourtant, ce serait comme une nouvelle rencontre – procurait une grande joie à Guenka, elle conférait un sens à son existence. La fraîcheur et l'infini de la vie l'élevaient au-dessus de la terre, au-dessus de la rivière et de la taïga. Dans ces moments, il avait l'impression qu'il en serait toujours ainsi ».

Puis peu à peu les autres personnages prennent vie sous la plume incroyable de Victor Remizov au moyen de descriptions magnifiques de réalisme : chasseurs, pêcheurs, miliciens, hommes, femmes, jeunes et vieux, nous découvrons la vie si caractéristique de cette société du bout du monde, ses codes, ses difficultés. Des hommes qui boivent la vodka comme de l'eau plate. Des femmes qui semblent être la seule planche de salut de ce petit microcosme. Des personnages rudes, taiseux, alcooliques, touchants, à l'image des paysages arides de cette contrée glacée. Un incident mal interprété entre un chasseur et le chef de la milice va mettre le bourg dans tous ses états. Ce sera le début de la fuite du chasseur, puis de sa traque en pleine taïga ainsi que d'une prise de position de chacun dans le village, certains étant pour aider le chasseur, d'autres pour l'attraper et le punir. Mais autant chercher un aiguille dans la taïga…Un événement propice à la réflexion sur les notions de liberté, d'orgueil, de soumission.

Sensible aux plumes poétiques, celle de Victor Remizov sait allier les descriptions poétiques de paysages, celles plus épiques des personnages, il sait distiller un certain suspens tout en faisant passer ses messages politiques…une très belle plume !

« Il gelait légèrement, un soleil rouge se couchait dans la toundra bistre recouverte de neige, plongeant derrière les lointaines cimes blanches pointues des montagnes vers lesquelles les hommes étaient partis. Les nuages vaporeux et plats, s'étaient gorgé des couleurs du couchant qu'ils transportaient vers l'autre extrémité du ciel, vers l'est. Là, le rose tendre s'épaississait, s'écoulait à flots réguliers formant tout en bas, un liseré bleu-vert et violet sombre ».

Liberté d'aller vivre au rythme de la nature, seul, même dans des conditions extrêmes, liberté de s'opposer aux décisions parfois contradictoires toujours corrompues du pouvoir de la base au sommet en cette Russie post-communiste, liberté de changer de vie lorsque celle-ci n'offre plus de perspective ni de sens. Liberté pour contrer l'absurde et la soumission. Ce livre évoque tout cela de très belle et poétique manière. Un premier roman à découvrir !

« Il s'adossa à l'encadrement de la porte, abasourdi par le silence de la taïga et la lumière. Une douce joie pénétrait dans son âme avec l'air froid. Une vie authentique l'attendait, une vie pleine, absolument limpide. Elle régnait tout autour de lui, il suffisait de franchir le seuil. C'était sa vraie liberté, absolue, divine en ce monde. Il ne croyait à aucune autre ».
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La Russie post communiste.
Sibérie, sur les côtes de la mer d'Okhotsk.
Un mois d'octobre, sur les rives de l'Ioukhta, dans le cadre du
rituel parfaitement rodé de la nature au coeur de la taïga, Guenka
chasseur de zibelines et pêcheur à ses heures, amoureux de la taïga et de la chasse,
pêche à la senne.
Ainsi débute ce magnifique mais difficile voyage à travers l'immensité sibérienne, que nous offre Victor Remizov dans ce premier roman foisonnant de personnages.
C'est l'ouverture de la saison de la chasse. Chasseurs, pêcheurs et milice locale s'entrecroisent dans ces contrées perdues, dans la taïga sous la neige avec ses zibelines, élans, cerfs, loups.... superbement décrite dans ses moindres frémissements.

Même loin de Moscou, "les patrons" toujours présents, carburent sur place à l'alcool et aux filles. Les chefs de milices, gouverneurs des chef-lieux, aux emplois trés convoités -même qu'il faut payer pour avoir la place- selon l'ampleur du business, sous déguisement d'autorité font fonction de mafia locale. Ils rackettent, fixant leurs propres lois. Face à ces hommes maîtres du bourg, les chasseurs et les pêcheurs, maîtres de la taïga ( " il n'aimait pas que la vie du bourg empiète sur la chasse...").
Un incident entre un chasseur et le chef de la milice va mettre le bourg et la taïga en ébullition.....

De magnifiques portraits d'hommes superstitieux, attachants et touchants, dont l'insoumis Kobiakov,chasseur/ pêcheur , Tikhi, chef de la milice, Choura, dit l'Etudiant en quête de justice, Balabane, le musicien courageux, Jebrovski, l'ex businessman en quête d'une nouvelle vie.......et bien qu'au second plan, des femmes fortes et pleines de vitalité.

Le titre du livre " VOLIA VOLNAÏA" qui littéralement signifie " volonté ou liberté de l'individu d'utiliser son libre arbitre ", résume parfaitement cette oeuvre qui raconte les hommes et leur volontés d'être libre dans l'Extrême-Orient russe, de nos jours; Une liberté que leur octroie la nature mais pas la société des hommes. Moscou, bourg ou taïga, le pouvoir est partout, et pourri ! Bref, comme dit Choura," Je crois que nous ne faisons plus de différence entre le bien et le mal ".
Un bel aperçu de la Russie de Poutine ! qui fait mal au coeur.....


"Il aimait cette immensité dont il était, qu'on le veuille ou non, le maître...... chemin absurde vers la liberté ! "
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«  La taïga était silencieuse .
« De petites paillettes voltigeaient dans l'air , tombant du ciel, de l'obscurité cosmique où tout allait certainement bien mieux que sur terre, puis se déposaient sur les rondins gris près de l'isba .... »

Extrait de ce roman russe d'une grande richesse ( je remercie chaleureusement Idil qui m'a fait acheter cet ouvrage....) Grand merci vraiment 😀.

Il nous emporte très loin, au coeur de la taïga, dans l'immense Sibérie Orientale en Russie post- communiste : Rybatchi où tous les habitants sont chasseurs , pêcheurs....braconniers....Guennadi Milouitine dit « Guéna »aime pêcher à la senne avec Michka, , son fils aîné....il chasse la zibeline ..

Au bout du monde, les habitants de Rybatchi tirent leurs principaux revenus du trafic illégal d'oeufs de saumon et de la pêche, activités formellement interdites par la «  milice » en échange d'une taxe de 20 %, un impôt payé tout à fait discrètement aux autorités corrompues en Cash ...


Ces hommes courageux aux habitudes originales et pittoresques passent plusieurs mois dans ces contrées , loin de leurs familles, seuls dans des isbas rudimentaires ...

L'auteur s'attache à explorer l'âme de ces hommes éternellement épris de liberté tel des brigands au coeur de paysages grandioses ... époustouflants...

Entre vent de révolte , désobéissance civile, pagaille, braconnage, chant d'amour pour cette nature indomptée, le silence et la beauté de la forêt enneigée, l'auteur critique férocement la corruption généralisée, cette gangrène qui a volé les rêves que l'on a remplacé par du fric, « ce pouvoir qui est pourri partout », pareil à Moscou , ces enfants dégénérés , pourtant la Sibérie a toujours été libre !

Victor Remizov attaque ce pouvoir arbitraire qui n'aime que lui- même ....violent ,exercé à l'aveugle, sans justice !

Il décrit à l'aide d'une écriture élegante et poétique aussi bien les chevilles déliées , les hanches étroites de Macha, l'amie de Sania, : « sa taille fine et ses fesses fermes » que la trogne rouge des époux Gnidiouk: elle plantureuse, cuisinière hors pair avec « un ventre et un derrière sacrément proéminents » , nommée «  petite maman ».au visage presque carré »......

Faut - il choisir la retraite dans la taïga ? Très loin mais enfin libres ?
Ou la voix de la révolte , de la violence , de l'affrontement dans ce pays où l'emeute devient politique ?
Nature grandiose, esprit de liberté Imprègnent ce roman foisonnant de personnages où lourd labeur , travail épuisant au coeur de l'immense taïga cachaient la beauté du monde , où ces hommes devaient affronter une époque de dérèglement ?

Dilemme ...

Une très belle oeuvre visuelle , imagée qui parle et chante au lecteur comme une liqueur forte ou un film, une chasse à l'ours qui se transforme en chasse à l'homme !

Pour les amoureux de la nature et des grands espaces !


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Victor Remizov nous amène dans la taïga en Sibérie orientale où les hommes vivent de la chasse, de la pèche et de la vente d'oeufs de saumon, commerce illégal. Cette vente résulte d'un braconnage toléré par la police moyennant un backchich de 20%.
Tout fonctionne bien, les policiers ferment les yeux car cela leur rapporte de l'argent. Société corrompue donc mais chacun s'y conforme, à l'exception de Kobiakov, braconnier certes mais qui refuse ce système.

Tout se dérègle à l'occasion d'un incident entre Kobiakov et la police, monté en épingle par un policier ambitieux et qui verra s'organiser une répression et une chasse à l'homme, avec l'appui d'unités spéciales du Ministère de l'intérieur venues de Moscou. Face à cette irruption, tout le monde est médusé car elle entraîne le limogeage du chef de la police, des saisies d'oeufs de saumon chez tous, le décès d'un homme au commissariat et la fuite du braconnier Kobiakov qui se réfugie dans la Taïga. Celui-ci est activement recherché mais sera aussi aidé.

le roman nous décrit bien la corruption du régime, i lest féroce sur les autorités mafieuses, avides d'argent et de pouvoir, et nous y trouvons même à l'occasion des piques sur le président Poutine. Il s'agit d'une véritable dénonciation de la Russie d'aujourd'hui.

le roman est aussi un merveilleux hymne à cette taïga, où la nature est rude, ie froid est intense, où les hommes se contentent de peu, où il leur faut être capable de tout faire pour circuler dans la région : réparer sur place un véhicule tout-terrain au milieu de nulle part, abattre des arbres pour assurer sa route, trouver sa route quand tout est couvert de neige et que les lacs sont gelés.. . Il y a de superbes descriptions de la Taïga, de ses rivières, de ses lacs et montagnes, de sa faune, ses zibelines, ses saumons, ses ombles et ses ours. Victor Remizov m'a donné envie de découvrir un jour cette Sibérie
Voiia Volnoïa dresse de beaux portraits des hommes vivant dans cette région inhospitalière mais à laquelle ils sont profondément attachés; Ils éprouvent le besoin de quitter leur foyer pendant les mois d'hiver pour vivre de la chasse et de la pèche, vivant dans des isbas rudimentaires qu'ils ont bâties eux-mêmes. Hommes qui se retrouvent autour d'un feu de camp, du thé et de la vodka. Comme dans tant de romans russes, les personnages sont nombreux, un relevé de ceux-ci figure en tête du roman, nous les retrouverons tantôt repris sous leur prénom, prénom ou patronyme ce qui demande un peu d'allers et retours vers le lexique en début de lecture.
Volia Volnoïa, « liberté libre », est enfin un hommage à la liberté, liberté de ces hommes rudes qui ne connaissent que leur loi.
C'est un très bon livre !
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Nous sommes en Sibérie, dans le petit village de Rybatchi, proche de la mer, en octobre, alors que va débuter la saison de la chasse. Ici tout le monde se connaît, les hommes sont chasseurs, pêcheurs. Il faut bien vivre dans la Russie post communiste, où règnent des flics pourris, miliciens qui rackettent les pêcheurs : on ferme les yeux sur la pêche illégale des oeufs de saumon, qu'ils appellent l'or rouge, moyennant une commission de vingt pour cent…

Un incident survient, Kobiakov furieux que son véhicule soit fouillé par l'un des ripoux, ne se laisse pas faire, emboutit la voiture des policiers, coup de feu échangé sans blesser personne sauf l'orgueil dudit ripou et Kobiakov est obligé de partir à pied avec son chien sur son terrain de chasse, dans la taïga, en évitant ses isbas refuges : il est devenu un « criminel en fuite » pour crime de lèse-majesté…

On va faire ainsi un superbe voyage, dans la solitude des montagnes enneigées, magiques quand on les connaît bien (et même si on ne les connaît pas d'ailleurs !) et rencontrer des personnages fascinants, courageux, épris de liberté. On suit bien sûr Kobiakov sur la trace des zibelines, qu'on appelle « l'or mou », et pour se nourrir il faut abattre d'autres espèces. Cet homme parcourt des centaines de kilomètres à pied, comme on en parcourt cinq ou dix, respecte la nature, ne chassant que pour se nourrir, lui et son chien. Dans la région, les orpailleurs d'autrefois ont laissé la place à l'or mou et à l'or rouge…

On a un autre chasseur, Jebrovski, un nanti qui s'est enrichi de manière plus ou moins honnête et qui vient pour la deuxième année sur le terrain de chasse qu'il a acheté l'année précédente : il était arrivé en hélicoptère la première fois, et il s'étonne que les autres ne l'apprécient guère et l'appellent le Moscovite ». Il n'y connaît pas grand-chose mais veut vivre des sensations fortes, en utilisant d'autres hommes du village pour l'emmener, dégager le passage, tronçonner les pins…

Côté policiers nous avons le lieutenant-colonel Tikhi, qui doit bientôt être muté, et tente à tout prix de régler cette affaire à l'amiable, qui lui-aussi touche des sous, même si c'est à contre coeur et qu'il a brûlé les premières enveloppes de billet dans la cheminée sous l'emprise de la vodka, et qui remettre en question ses choix de vie. Il est entouré de deux autres miliciens, celui qui a déclenché les hostilités car il est prêt à tout pour progresse et n'est même pas originaire du coin.

Le troisième, (Vaska Semikhvatski) vit comme un pacha, tellement il a touché avec ses vingt pour cent, et veut partir seul à la recherche de Kobiakov.

Parmi les villageois, on a aussi Choura qui rêve de révolution, mais reste dans la théorie, et que l'on surnomme « l'étudiant » et un autre personnage, un musicien, Balabane, cheveux longs, mèche qui tombe sur le front, qui chante en s'accompagnant à la guitare, qui sirote sa vodka au bar du coin, toujours penché sur un livre, plein de mystère…

Étant donné l'escalade, les grands pontes de la police de Moscou, tout aussi corrompus sont prévenus et on envoie pour l'exemple l'unité d'élite, l'OMON, des militaires qui ont servi en Tchétchénie ! et qui ne savent faire que le nettoyage par le vide….

J'ai un peu de mal au départ, car la chasse et moi, cela fait deux, et la souffrance animale m'est insupportable, mais j'ai mis mes pieds dans les traces de Kobiakov dont j'ai beaucoup aimé, le respect de la nature, la liberté d'esprit. Les ruminations de Tikhi donnent lieu à des phrases superbes, les personnages secondaires sont tous attachants, avec leurs qualités et leurs défauts, à par le nazillon de service.

« En cela, tous les gars du coin se ressemblaient : ils voulaient une vie libre. Même au prix d'un pouvoir inique. Or un pouvoir inique corrompt même la liberté. »
J’ai failli oublier les femmes dans cette belle histoire : elles sont loin d’être absentes du récit, elles ont un caractère bien trempé, une résistance plus en douceur, plus réfléchie à la situation, qu’il s’agisse de Macha, la compagne de Tikhi, ou de Olia sa secrétaire, ou les compagnes des personnages secondaires. Quant à la femme du Moscovite, qui brille par son absence, on sent en fait sa présence lancinante en toile de fond, vu l’état du couple…

Viktor Remizov décrit très bien l'importance de la corruption dans son pays, ceux qui l'acceptent car c'est devenu une fatalité et ceux qui se révoltent pour plus de justice, et on sent son affection pour ces chasseurs, pêcheurs, ces hommes qui travaillent et voudraient vivre honnêtement de leur travail, et l'importance de l'amitié, des liens qui se tissent entre eux.

J'ai aimé aussi la réflexion sur la liberté, liberté des grands espaces, liberté d'esprit, et la critique de la Russie de Vladimir Poutine qui leur ferait regretter l'époque de l'URSS et tout le monde rigole sur les tours de passe-passe des élections et le roque (clin d'oeil aux amateurs d'échecs) terme sous lequel il désigne l'élection de Medvedev comme président et Poutine devenant premier ministre : « nos présidents, je ne sais même plus qui est au pouvoir en ce moment ». Maintenant, Vladimir ne se donne même plus la peine de procéder au tour de passe-passe, il a fait modifier la consultation pour régner au moins jusqu'en 2036 !

Comme le dit la traductrice :

« Volia volnaïa, « liberté libre », comprend l'idée de grands espaces à parcourir et de risque, souvent associée à la figure du Cosaque, du guerrier, du bandit. Volia signifie à la fois liberté et volonté. »

J'ai beaucoup pensé à Sylvain Tesson et à Andreï Makine en parcourant la taïga, les espaces enneigés, le silence…

Comme dans beaucoup de romans russes, la vodka occupe une place importante, c'est pratiquement un personnage du livre. J'ai adoré cette histoire, et l'écriture si belle de Victor Remizov que j'ai retrouvé avec un immense plaisir car je l'ai découvert, l'année dernière grâce à NetGalley, avec son deuxième roman « Devouchki » qui était déjà un coup de coeur.

https://leslivresdeve.wordpress.com/2019/02/17/devouchki-de-victor-remizov/

Je connais encore mal les auteurs russes contemporains, à part Victor Remizov et Andreï Guelassimov, alors que j'adore les auteurs russes du XIXe, mais j'essaie de combler mes lacunes…

Donc, un immense coup de coeur une nouvelle fois pour le roman et l'auteur dont j'attends le prochain livre avec impatience, en espérant que le régime ne l'enverra pas en prison car la liberté de pensée n'est pas la bienvenue…
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Par ces temps caniculaires, on peut tenter de se rafraîchir en voyageant par la pensée (au moins) vers la Sibérie orientale. Au début de l'automne, la neige va bientôt commencer à tomber et à recouvrir la région d'un épais manteau glacé pour de longs mois, propices à la chasse à la zibeline. Ca y est, vous visualisez la taïga par moins 30, le blizzard, les lacs gelés, vous commencez à grelotter ?
Bon, au moins j'aurai essayé.
Or donc, disais-je, transportez-vous sur la presqu'île de Rybatchi, coincée entre la mer d'Okhotsk et celle de Béring. La Nature y est rude, hostile, mais néanmoins généreuse envers qui sait la comprendre et la respecter. Les hommes y vivent de pêche l'été et de chasse en hiver, et aussi, du braconnage d'oeufs de saumon. C'est illégal, mais à l'ère post-soviétique la corruption est endémique, et les autorités locales laissent faire moyennant de juteuses commissions de 20%. Tout le monde n'apprécie pas forcément ce racket institutionnalisé, mais la plupart s'en accommodent, faute d'alternative, il faut bien faire vivre sa famille. D'autres, plus rares, seraient plutôt tentés de se révolter, mais les moyens et/ou le courage leur manquent, et l'abus de vodka n'aide guère.
La vie coule son long fleuve tranquille, jusqu'à ce que la situation se tende après un incident entre Kobiak, l'un de ces pêcheurs-chasseurs insoumis, et un milicien ambitieux qui, en dépit du bon sens et des coutumes locales, fait remonter l'affaire jusqu'à Moscou, qui envoie sur place une unité spéciale d'intervention. Une chasse à l'homme, démesurée au vu de l'incident initial, est lancée, et Kobiak se cache dans la taïga comme un vieil ours solitaire, alors que l'hiver approche.

« Volia volnaïa » est une fameuse galerie de portraits d'hommes et de quelques femmes, les uns rebelles à des degrés divers, rudes, courageux, entêtés, solidaires, épris de liberté et de justice, les autres pourris et avides d'argent et de pouvoir, et les derniers vacillant entre les deux, cherchant à s'identifier aux uns ou aux autres. le roman montre aussi le contraste entre une culture traditionnelle qui respecte la Nature, et le néo-capitalisme sauvage qui la surexploite au mépris de tout.
Une Nature grandiose magnifiquement décrite, des personnages touchants et attachants par leur caractère entier, un portrait à l'acide de la Russie poutinienne, « Volia volnaïa » est un très beau roman, lyrique et désespérant.
Quoique... Dans ce pays où tout se vend et s'achète, il reste peut-être une chose non négociable : Volia volnaïa, la « liberté libre ».
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Un roman qui nous happe et nous projette dans la forêt Sibérienne, un bain de plaisir une découverte
Quelle fabuleuse aventure dans la Sibérie orientale au bord de la mer d'Okhotsk dans ce village de Rybatchi. Nous sommes dans la Russie Post-URSS, la vie est difficile, chacun à sa manière cherche à survivre mais, la corruption brouille les cartes et empoisonne la vie.
Nous entrons dans cette taïga fascinante, la reine du roman, dans une rude nature où le froid extrême règne l'hiver et la boue envahit les routes au printemps. Une nature authentique et des hommes chasseurs-pécheurs- buveurs de vodka qui sont tout aussi rudes mais attachants car profondément épris de liberté qu'ils trouvent dans l'immensité de la taïga. D'ailleurs le titre l'évoque « Volia Volnaïa » ou la « liberté libre »
Un jour l'équilibre est rompu et c'est la traque de l'homme par les miliciens…
Un seul regret on se perd par moments, non pas dans la Taïga, mais au milieu de tous ces personnages !
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Un excellent roman. Mais avant d'en parler, il me semble important, au vue des étiquettes qui lui sont attribuées, de préciser ce qu'il n'est pas :
Bien qu'il y ait beaucoup de policiers et d'actions policières, ce n'est pas un roman policier (pas d'enquête, pas de crime, tout au plus une grosse infraction suivie d'une fuite et d'une traque)
Les scènes en pleine nature sauvage sont très nombreuses, dans des paysages proches de ceux de Dersou Ouzala, mais si vous êtes contre la chasse, mieux vaut passer votre chemin…
Ce n'est pas non plus un roman noir, mais с'est désespérant au possible, anti feel good. Il s'agit d'un roman sociétal. L'histoire se déroule en extrême-orient russe, près de la mer d'Okhostk. le village de Rybatchi est au bord de la mer mais les habitants vivent plutôt de la chasse et de la pêche en rivière. Mais pour pêcher et chasser, il faut des permis, accordés selon le bon vouloir (et surtout contre monnaie sonnante et trébuchante) par les autorités locales. Sans compter qu'il est bien difficile de trouver un débouché légal aux produits de la pêche et de la chasse, pour cause d'infrastructures défaillantes. Cette année-là, interdiction de pêcher, seuls les oeufs de saumon intéressent les autorités. C'est totalement illégal, donc ça va rapporter très gros. Tout le monde y gagne, un équilibre instable règne. Mais voilà qu'un incident de rien du tout éclate : Stepane Kobiakov rentre dans une voiture de police mal garée, un adjoint ambitieux, pas très au fait des pratiques locales, veut fouiller son véhicule, et tout part en sucette. Kobiakov prend la fuite, les flics se sentent ridiculisés, une chasse à l'homme s'organise, l'équivalent russe du GIGN est appelé en renfort.
Volia volnaïa, « libre liberté », c'est le titre d'une chanson cosaque (qui ne finit pas bien ), cela évoque Stenka Razine, tout un programme,... Volia signifie liberté, celle des grands espaces, de la vie sauvage, c'est aussi la liberté de penser. Mais ce n'est pas la même chose que Svoboda, la liberté de l'homme juridiquement libre...
Les personnages sont bien campés, les attitudes de chacun, leurs personnalités, leurs motivations, tout ce qui peut expliquer l'enchaînement de leurs décisions maladroites est détaillé, entre des descriptions splendides de paysages et quelques cuites. Il y a
Guenka le chasseur, Tikhi le chef de la milice plutôt pépère, dépassé par son nouvel adjoint Gnidiouk, Kobiakov, intègre, mais impulsif, Ilya le riche Moscovite qui cherche à fuir la vie urbaine corrompue dans cette nature hostile mais libre, Balabane, chanteur musicien qui joue le Requiem de Mozart en pleine taïga, et pas mal d'autres.
Cela se passe au bout du monde, très loin de Moscou, mais quelle belle manière de montrer à quel point le pays est gangréné par la corruption.
Dans un interview de 2014, l'auteur explique que si tout est fictif, chaque chapitre est tout à fait vraisemblable et, hélas, typiquement russe. Au passage il nous apprend qu'il a vraiment vécu la scène du Requiem et celle avec l'ours. Quand j'ai refermé le livre j'avais l'impression d'avoir lu un roman déprimant au possible, mais pour l'auteur, pas du tout, car à chaque instant chaque personnage aurait pu prendre une autre décision. Un optimisme très minimal tout de même. Heureusement, il y a de très bons moments, le plus souvent solitaires, au coeur de paysages époustouflants (genre Dersou Ouzala, Sylvain Tesson ou André Makine).
Ce livre a été primé (prix Russkiy booker 2014 et prix Bolchaïa Kniga 2014) à sa sortie pour « son regard ouvert sur les conflits sociaux contemporains ». Dire que c'est l'année où la Russie a annexé la Crimée !
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Aux premières chutes de neige, les hommes de Rybatchi, un bourg de Sibérie orientale, partent chasser la zibeline en pleine taïga. Ils y passent plusieurs mois dans la plus grande solitude, dormant dans des isbas rudimentaires. Leurs conditions de vie sont austères mais pourtant, ils attendent le moment du départ avec impatience. Car à leurs yeux, cet exil au coeur de la forêt est une expérience de liberté totale. Leur solitude leur permet de se retrouver. Ils vivent en communion avec une nature sauvage et si grande, qu'elle paraît sans fin.

Un événement va contrarier la nouvelle saison de chasse. Les habitants de Rybatchi tirent leurs principaux revenus de la pêche illégale et du trafic d'oeufs de saumon. Activités formellement interdites mais tolérées par la milice en échange d'une « taxe » de 20%, un impôt discrètement payé aux autorités en enveloppes de cash. Seul Kobiakov refuse de se soumettre à ce système de corruption. Et un matin, il va s'accrocher violemment avec les deux responsables de la milice. L'altercation va déclencher une réaction massive qui va déborder tous les protagonistes. Car l'Etat russe, s'il se montre indifférent au sort de ces populations éloignées, a toujours su exprimer son autorité avec la plus grande fermeté. Une chasse à l'homme débute dans la taïga.

Ode à la nature, désobéissance civile, âme russe… Remizov semble s'inspirer aussi bien de Tolstoï que de Thoreau. Il évoque le destin de ces hommes qui se ressourcent au contact de la nature mais qui doivent affronter une époque de dérèglement. « Volia volnaïa » critique férocement la corruption généralisée de la société qui gangrène la Russie de sa capitale à la Sibérie orientale. le roman attaque un pouvoir arbitraire, violent, exercé sans justice. le livre m'a fait penser à "Léviathan", le film d'Andreï Zviaguintsev ; le réalisateur et le romancier ont des intentions similaires : comment réagir face à un État qui est devenu un « monstre dévoreur d'âmes » ? Comment acquérir une liberté qui est le « seul bien authentique » de l'homme ? Faut-il choisir la retraite dans la taïga, comme Guenka, loin des problèmes des hommes ? Faut-il accepter de vivre en esclave ? Ou bien faut-il choisir la voie de la révolte et de la violence ?
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Sous le soleil automnal, Gwenka rame lentement, jetant régulièrement des coups d'oeil sur la senne, évaluant l'agitation des poissons pris au piège dans les mailles du filet. Des ombles, des loches, des ombres se débattent vainement, la rivière est généreuse. Il contemple avec joie la nature qui suit annuellement son cycle, note cependant quelques différences sur les rives de l'Iouthka et dans la taïga alentour. Il goûte pleinement cette solitude régénératrice. L'hiver qui pointe saisit peu à peu les paysages et Gwenka guette les premiers flocons de neige, signes annonciateurs de la chasse à la zibeline. Pour la chasse et la pêche, la vaste étendue forestière qui s'offre à ses yeux est allouée en tronçons par l'État aux villageois du bourg de Rybatchi.
Mais ces espaces sauvages qui ne devraient pas être salis par l'homme, sont le théâtre d'un braconnage révoltant autorisé et même encouragé par la milice locale qui prélève un beau pourcentage afin de fermer les yeux sur l'illégalité et remplir ses enveloppes de dollars. Ces flics qui devraient être là pour protéger la nature…
Gwenka commence à en éprouver un écoeurement. L'été, il sacrifie, comme beaucoup de ses voisins, des milliers de femelles uniquement pour remplir d'oeufs de saumon les caisses qui lui permettront de faire vivre sa famille et s'offrir aussi quelques extras.
Cet équilibre commercial douteux, entre braconniers et représentants de l'ordre, vole en éclats suite à l'altercation d'un certain Stepane Kobiakov. Cet homme, un rien sanguin, méprisant les miliciens, se braque contre un adjoint zélé du chef de la milice. Alors qu'il est en fuite vers la taïga, le bourg est en émoi. Des discussions, enflammées par les verres de vodka, débattent sur l'acceptation de ce pouvoir corrompu. Jusqu'où est-il possible de fermer les yeux et de se contenter de cette liberté amputée ? Les rancoeurs s'éveillent contre ces graissages de pattes auxquelles ils ne peuvent déroger, contre l'impossibilité de vivre en travaillant honnêtement de leur pêche.

Nature et hommes de cette presqu'île sibérienne se partagent les pages de ce roman, dénonçant ouvertement la corruption, l'absence d'établissement d'ordre et de justice, dans une somptueuse région aux rivières poissonneuses, à la faune sauvage et généreuse, au goût de liberté à la fois rude et reposante.
Les hommes se succèdent, avec leurs noms, diminutifs et surnoms qui brouillent un peu le lecteur distrait qui ne désire pas se référer à la liste des personnages donnée en introduction. Heureusement que Victor Remizov ne se contente pas de les ébaucher mais fouille au plus profond de leurs états d'âmes, révèle leurs pensées même embrumées par l'alcool, nous donnant aussi des détails de leurs vies personnelles afin de mieux les reconnaître, même cachés derrière leurs multiples dénominations russes.
Impossible de tous les nommer ici mais que ce soit au bourg ou sur l'immense territoire de chasse, vous rencontrerez Tikhi, le chef de la milice locale, un brave homme qui réussit à s'arranger avec la loi tout en gardant de bons rapports avec les chasseurs. Il fait cependant le bilan de sa vie, amèrement, et pleure sur le pouvoir ignorant la justice et sur ses fonctions inutiles.
Ilya, venu de Moscou, se pose aussi des questions sur son existence alors qu'il a brillamment réussi dans les affaires. Perçu comme une lubie par ses proches, il éprouve le besoin d'aller chasser la zibeline, se retrouver par des températures glaciales dans la solitude de la taïga.
Les avis d'Onc' Sacha, chef de la brigade de pêcheurs, sont respectés. Vagabond dans l'âme, noyant souvent ses idées dans la vodka, il refait surface grâce à Polina.
Balabane, un musicien échoué dans ce bourg, sa guitare et ses airs d'opéra en bandoulière, jouera aussi un rôle important dans la traque que les forces spéciales lanceront sur le territoire enneigé, d'isba en isba.

Alors que les malheurs des hommes se noient dans l'alcool, que les autorités venues de Moscou multiplient les perquisitions dans toutes les maisons abritant des quantités de produits illégaux, l'air de l'immensité forestière commence à sentir le gel qui s'installe davantage chaque nuit.
Le froid engourdit la taïga, les poêles des isbas crépitent et réchauffent les braconniers. L'air glacial pénètre et adoucit l'âme. La beauté, le silence et la lumière de cette nature donnent une sensation de liberté. Les pins nains s'ensevelissent sous la neige et les mélèzes, après avoir formé des tapis d'aiguilles, se décorent de flocons.
Tout l'amour éprouvé pour ces lieux, somptueusement décrits par l'auteur, reste le point commun de ces hommes qui, amoureux aussi de la solitude, ont du mal à s'entraider.

Roman âpre, à la belle écriture descriptive, où la corruption met en péril une liberté toute relative, où l'argent, à tous les étages de la société russe, balaye le respect de la nature et des lois.
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