À la suite du décès de sa mère ,
Delphine Renard, « la petite fille victime de l'OAS », perd, à l'instar d'
Annie Ernaux, « le dernier lien avec le monde dont [elle] est issue », et une question lancinante surgit : « Maman, qui étais-tu vraiment ? »
Elle entreprend alors la rédaction d'une lettre, à dessein de cerner un peu mieux la personnalité complexe de la défunte : « D'un côté, la grande dame, la femme à l'apparence parfaite, élégante, distante, extrêmement cultivée, intellectuellement aiguë, refusant tout compromis avec la mollesse, la laideur, le laisser-aller, les sentiments dégoulinants, […] de l'autre, la toute petite fille toute tendre, terriblement avide d'amour, cherchant désespérément à agripper la main d'une maman… »
En écrivant sur Micheline au double visage – « froideur, indifférence et mépris d'un côté, tendresse, vulnérabilité, hypersensibilité et fragilité de l'autre » –, l'auteur veut lui rendre hommage, « faire vivre [son] souvenir ». À travers « ce chemin circulaire, en spirale, parcouru jour après jour au bord du trou de [s]on absence », l'auteur aveugle ne cherche pas à offrir au lecteur un portrait définitif de sa mère : « […] je ne prétends nullement énoncer ta vérité, dire qui tu étais vraiment : cela, je sais que c'est impossible. Je ne fais que m'interroger, encore et encore, à partir de ce que j'ai su de toi, de ce que j'ai vécu avec toi, de ce que j'ai ressenti à travers ma relation avec toi. Je n'atteindrai jamais que ma représentation de toi, jamais ton être même… »
Malgré l'impuissance des mots – « Je ne pourrai jamais mettre un point final à mes phrases qui, comme des lassos, tournent autour de ton mystère mais n'encerclent que le vide… » – l'auteur espère réconcilier en elle les aspects contradictoires et incomplets de la figure maternelle voire paternelle : « Je me rends compte que maintenant, je m'adresse à vous deux, Claude et Micheline, mes parents, enfin réunis, je l'espère, dans l'autre monde, mais aussi réunis, en paix, en moi. »
Outre la plongée dans un monde disparu marqué par « l'accident », l'explosion d'une bombe dans la maison familiale, le 7 février 1962, ce livre présente une réflexion poignante sur la relation mère fille : affection et rejet, tendresse et agacement, culpabilité, attachement viscéral pour la femme diminuée par l'âge et la maladie.